Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 103 IV 142



103 IV 142

41. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 septembre 1977 dans la
cause T. et G. contre Ministère public du canton de Vaud Regeste

    Art. 24 aBetmG; Art. 58 StGB; Ersatzforderung des Staates.

    Beim Betäubungsmittelhandel umfasst der für die Höhe der
Ersatzforderung des Staates massgebende unrechtmässige Vorteil alles, was
sich der Täter durch die begangene Straftat verschafft hat, ohne Abzug der
zur Erlangung der Drogen nötigen Auslagen (Bestätigung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- T. et G., du printemps 1975 à mi-novembre 1975, ont acheté en
commun environ 35 g de cocaïne et d'héroïne pour un peu moins de 10'000
fr., consommant eux-mêmes la plus grande partie de ces produits. Ils ont
cependant revendu une partie de cette drogue soit 180 doses, réalisant
ainsi, à raison de 30 fr. la pièce, un chiffre d'affaires de 5'400 fr.

    Le 15 novembre 1976, le Tribunal correctionnel du district de Lausanne,
à côté des peines prononcées, a condamné G. et T. à restituer chacun à
l'Etat une somme de 1'000 fr.

    Statuant le 14 mars 1977 sur le recours du Ministère public, le
Tribunal cantonal vaudois a admis le recours et réformé le jugement
attaqué en ce sens qu'une créance compensatrice de l'Etat est ordonnée
contre G. par 2'700 fr. et contre T. par 2'700 fr.

    Agissant séparément, les deux condamnés se pourvoient en nullité au
Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle fixe à nouveau la
créance compensatoire dévolue à l'Etat.

    Le Procureur général du canton de Vaud propose de rejeter les deux
pourvois.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La cour cantonale a ordonné à l'encontre des recourants une
créance compensatrice de l'Etat correspondant au montant total des gains
qu'ils ont réalisés par la vente de stupéfiants, sans en déduire le prix
d'achat. Elle s'est fondée sur la jurisprudence rendue dans ce sens par
le Tribunal fédéral tant en application de l'art. 24 ancien de la loi
fédérale sur les stupéfiants (LStup) que de l'art. 58 nouveau CP (ATF
100 IV 266, 101 IV 363).

    b) Les recourants se plaignent d'une fausse application des art. 24
ancien LStup et 58 nouveau CP. Ils admettent que l'arrêt cantonal est
conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais ils demandent au
Tribunal fédéral de revenir sur celle-ci en ce sens qu'ils ne devraient
être condamnés à rembourser à l'Etat que le bénéfice réalisé, et non le
chiffre d'affaires.

    Ils invoquent la pratique de certains tribunaux cantonaux (Berne
et Zoug, notamment) qui se sont écartés de la jurisprudence du Tribunal
fédéral en la critiquant.

Erwägung 2

    2.- a) Le Tribunal fédéral a clairement posé que, dans l'application de
l'art. 24 ancien LStup, l'enrichissement illégitime est constitué par tout
ce que l'auteur s'est procuré par la commission de l'infraction, sans que
puissent être déduits les montants dépensés pour devenir détenteur de la
drogue. Il a considéré que, pour déterminer l'enrichissement illégitime,
il fallait comparer l'état du patrimoine des auteurs tel qu'il existait
immédiatement avant et immédiatement après la vente des stupéfiants.
Avant ce moment, le patrimoine était diminué des frais d'acquisition
et notamment du prix d'achat. Comme, en raison de l'impossibilité de
revendre la drogue d'une manière licite, cette diminution n'était pas
compensée par l'incorporation du moindre actif négociable, représentant
une valeur marchande, tout accroissement subséquent du patrimoine au moyen
d'une vente illicite constitue bien dès lors un enrichissement illégitime
(ATF 100 IV 266). Plus tard, le Tribunal fédéral a encore précisé qu'il y
avait d'autant moins de raisons de revenir sur cette jurisprudence que le
nouvel art. 58 CP, dorénavant applicable aux affaires de stupéfiants, se
fonde sur la notion d'avantage illicite, qui correspond dans son principe
à la notion définie dans le cadre de l'art. 24 précité (ATF 101 IV 363).

    b) Les arrêts cantonaux auxquels se réfèrent les recourants se sont
écartés de la jurisprudence précitée, qui serait selon leurs auteurs
fondée sur une notion peu satisfaisante du patrimoine. La Cour suprême
bernoise a ainsi considéré que si l'on suivait la jurisprudence du Tribunal
fédéral, la drogue ne pourrait plus faire l'objet d'un délit contre le
patrimoine (RJB 1976/112, p. 343). Quant au Tribunal pénal de Zoug (SJZ
1977/73 p. 92), il se fonde sur la notion économique de patrimoine, qui
reconnaît une valeur patrimoniale même à une res extra commercium, soit
à une chose qui ne peut pas être négociée légalement. Et il se réfère à
la jurisprudence, qui, en matière d'infractions contre le patrimoine,
a admis la valeur patrimoniale et enrichissante de biens sans valeur
marchande légale, tels les coupons de rationnement, les passeports ou les
créances non susceptibles d'exécution forcée (cf. ATF 70 IV 67, 93 IV 14,
101 IV 405). Il considère dès lors que les drogues constituent des biens
représentant une valeur économique et appartenant au patrimoine au sens du
droit pénal, de telle sorte qu'en cas d'achat, la drogue acquise représente
la contre-valeur du prix d'achat payé et qu'en cas de revente l'avantage
illicite est constitué par la différence entre le prix d'achat et le prix
de vente. Cette manière de voir, tout au moins en ce qui concerne le
résultat, est partagée par une partie de la doctrine (cf. GABRIEL AUBERT,
in SJ 1976 p. 264 ss; GAUTHIER, RPS 94 (Festgabe Schultz) p. 375).

    En revanche, SCHULTZ (RJB 1976/112 p. 343, 381 et surtout 440) approuve
la solution du Tribunal fédéral en considérant que l'on n'a pas à tenir
compte des frais d'acquisition en matière d'achats illicites.

    c) Les jugements cantonaux précités n'emportent pas l'adhésion,
ne serait-ce que parce que la jurisprudence du Tribunal fédéral n'a
nullement les conséquences qui lui sont prêtées quant à la notion de
patrimoine ou de valeur patrimoniale au sens du droit pénal. Le Tribunal
fédéral n'a ainsi pas dénié toute valeur patrimoniale à la drogue détenue
de manière illicite, il a seulement constaté que le patrimoine du détenteur
ne s'était pas accru d'un actif légitimement négociable et il en a tiré la
conséquence qui veut que le produit de la négociation illicite constitue
intégralement un enrichissement illégitime ou un avantage illicite au
sens de l'art. 24 ancien LStup et de l'art. 58 CP.

    Le sens, le but et la systématique de l'art. 58 CP renforcent cette
manière de voir. En vertu de l'al. 1 de cette disposition, le juge doit
prononcer la confiscation des objets et valeurs qui sont le produit ou
le résultat d'une infraction, qui ont été l'objet d'une infraction ou
qui ont servi à la commettre ou qui étaient destinés à la commettre,
s'il y a lieu de supprimer un avantage ou une situation illicite, ou si
les objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre
public. Or la drogue acquise et détenue illicitement par les recourants
tombait évidemment sous le coup de cette disposition et devait être
confisquée en tant qu'objet sinon en qualité de valeur. Dès lors, chaque
acte d'aliénation de cette marchandise, à titre onéreux, procurait aux
aliénateurs un avantage qui ne peut être qualifié que d'illicite, puisque
l'aliénation d'une telle marchandise tombe sous le coup de la loi. Et
c'est précisément cette situation que vise l'al. 4 de l'art. 58 CP, en
prévoyant le remplacement des objets qui ne sont plus détenus par celui
à qui ils ont procuré un avantage illicite et chez qui ils devraient être
confisqués par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent
à l'avantage illicite.

    A l'instar de SCHULTZ (RJB 1976/112 p. 441), on doit admettre que dans
la confiscation des valeurs ou objets acquis grâce à une infraction comme
par exemple l'avortement par métier, l'acte d'espionnage ou tout délit
contre le patrimoine, rien à l'art. 58 al. 1 CP ne permet de déduire des
valeurs à confisquer les frais et dépenses engagés par l'auteur. Comme
l'al. 4 de l'art. 58 CP tend à mettre sur le même pied celui qui a
conservé les objets ou valeurs et celui qui ne les détient plus mais qui
s'est procuré grâce à eux un avantage illicite, il serait contraire au
sens, au but et à la systématique de la loi de tenir compte dans un cas et
pas dans l'autre des frais et dépenses engagés. Cette solution s'impose
d'autant plus qu'elle correspond au principe qui a été posé dans le même
sens dans l'application de l'art. 59 CP, où ce sont également tous les
avantages reçus par l'auteur, et non pas le gain net réalisé, qui sont
acquis à l'Etat (ATF 97 IV 252). A cela s'ajoute la difficulté qu'il y
aurait sur le plan pratique à fixer le montant des frais d'acquisition,
dans un domaine où les transactions, en raison de leur illicéité, donnent
rarement lieu à la rédaction de pièces écrites pouvant servir de preuves
crédibles.

    Enfin, en ce qui concerne la réinsertion sociale du condamné, on
observe que rien n'empêche l'Etat, par l'intermédiaire de l'autorité
d'exécution, de renoncer au recouvrement immédiat par voie de poursuites de
tout ou partie de la créance compensatoire ou d'accorder des facilités de
paiement au condamné à la condition qu'il le mérite par sa conduite. Une
telle mesure ne pourrait que renforcer l'effet d'un sursis ou d'une
libération anticipée.

    La jurisprudence du Tribunal fédéral doit donc être confirmée. Ainsi,
en l'espèce, la cour cantonale a-t-elle fait une application correcte
tant de l'art. 24 ancien LStup (applicable aux faits antérieurs au 1er
août 1975) que de l'art. 58 CP (qui, en matière de stupéfiants, a remplacé
la disposition spéciale dès le 1er août 1975 et qui s'applique aux actes
commis après cette date) en ordonnant une créance compensatrice de l'Etat
correspondant aux montants des gains réalisés par les recourants, sans
en déduire le prix d'achat.

    Les pourvois doivent donc être rejetés.