Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 103 II 225



103 II 225

39. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 28 octobre 1977 dans la
cause Kaech contre Badertscher Regeste

    Art. 484 Abs. 2 ZGB. Verpflichtet der Erblasser seinen Erben, einer
Person eine Wohnung gegen einen Mietzins zur Benützung zu überlassen,
so liegt ein Vermächtnis, nicht eine Auflage, vor.

Sachverhalt

    A.- Rosa Badertscher travaillait comme décoratrice chez Marcel
Noverraz, maître potier à Lancy, près Genève. Dans un codicille du 8
septembre 1970 à son testament du 10 août 1970, Noverraz a disposé ce
qui suit:

    "J'impose à mon héritière l'obligation de donner à bail pour une
durée de
   dix ans à compter de mon décès... à Mme Badertscher l'appartement
   qu'elle occupe actuellement,... chemin de Grange Collomb 4, moyennant
   un loyer de

    175 fr. par mois..."

    Noverraz est décédé à Genève le 24 juillet 1972, laissant pour
héritière sa soeur, Marguerite Kaech. Dame Badertscher n'a pas obtenu
de dame Kaech la conclusion d'un bail conforme aux dispositions du
codicille. Alléguant qu'elle avait été obligée, de ce fait, de prendre
un autre logement, plus onéreux, elle a actionné dame Kaech en paiement
d'une indemnité de 15'000 fr., portée en cours d'instance à 23'055 fr.

    Le Tribunal de première instance du canton de Genève a admis l'action
à concurrence de 14'125 fr. en capital, le 13 mai 1976. Sur appel de dame
Kaech, la Cour de justice a, le 24 juin 1977, réduit l'indemnité à 8'000
fr. en capital.

    Marguerite Kaech a recouru en réforme au Tribunal fédéral, concluant
principalement au rejet de la demande. Le Tribunal fédéral a rejeté
le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:
I

Erwägung 1

    1.- En première instance, les parties ont considéré que le litige
se rapportait à un problème de délivrance de legs. Le Tribunal les
a suivies, appliquant les art. 485 et 562 CC. En appel, en revanche,
dame Kaech a soutenu que, dans son codicille, Noverraz avait imposé une
charge à son héritière, avec cet effet que la bénéficiaire ne pouvait
prétendre qu'à l'exécution, à l'exclusion de toute prétention à des
dommages-intérêts. La Cour de justice s'est rangée à cette argumentation
en ce qui concerne la qualification de la disposition pour cause de mort,
mais, adoptant l'opinion du professeur PIOTET (Droit successoral, Traité
de droit privé suisse IV, p. 134 n. 1; cf. MERZ, RJB 1970, p. 50/51),
elle a assimilé le refus d'exécuter la charge à un acte illicite et a
alloué à dame Badertscher une indemnité en application des art. 41 ss CO.

    La recourante critique ce raisonnement. Comme en seconde instance,
elle soutient, se référant à la jurisprudence (ATF 94 II 91/92, consid. 6),
que, du moment que la charge ne donne pas naissance à une créance, son
inexécution fautive n'entraîne aucun droit à des dommages-intérêts.

Erwägung 2

    2.- La recourante part de l'idée qu'il y a charge. Encore faut-il
savoir si c'est à juste titre que la Cour de justice a dénié la
qualification de legs à la disposition en cause.

    Le legs se distingue avant tout de la charge en ce qu'il ne se
borne pas à conférer aux intéressés un droit à l'exécution, mais crée
une véritable créance en faveur des bénéficiaires. Si, fondé sur une
disposition pour cause de mort, quelqu'un peut exiger une prestation dans
son propre intérêt, on est, en règle générale, en présence, non pas d'une
charge, mais bien d'un legs (ATF 101 II 27/28 consid. 1 et les références).

    Selon la Cour de justice, dame Badertscher ne se voit attribuer aucun
droit de créance contre dame Kaech, à l'égard de laquelle elle devient
au contraire débitrice du montant du loyer. Certes, disent les juges
d'appel, vu la modicité de ce loyer, l'intimée devait tirer un avantage
patrimonial indirect, mais l'appartement en cause n'entrait pas dans son
patrimoine et il n'y avait pas constitution d'un droit réel restreint,
tel un droit d'habitation.

    C'est partir d'une conception trop étroite du legs. L'art. 484 al. 2
CC est très large: il prévoit que le disposant pourra "astreindre ses
héritiers... à faire, sur la valeur des biens, des prestations en faveur
d'une personne". Ainsi, n'importe quelle prestation susceptible d'être
l'objet d'une obligation et destinée à procurer un avantage patrimonial
peut être due par le débiteur du legs (ESCHER, n. 8 ad art. 484 CC; TUOR,
2e éd., n. 13 ad art. 484 CC; PIOTET, op.cit., pp. 114 et 118). Or la
cession de l'usage d'une chose moyennant un loyer est une prestation
de cette nature: c'est l'objet normal du bail à loyer (art. 253 CO;
cf. REYMOND, Gebrauchsüberlassungsverträge, Schweizerisches Privatrecht
VII/1, p. 213 ss).

    Contrairement à l'opinion de la Cour de justice, on est donc dans le
cadre de l'art. 484 al. 2 CC: il y a eu legs, avec cette conséquence que
l'intimée peut demander des dommages-intérêts aux conditions de l'art. 97
CO, manifestement réalisées en l'espèce.

    La demande doit dès lors être accueillie en son principe.