Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 103 IA 73



103 Ia 73

16. Extrait de l'arrêt du 16 février 1977 en la cause X. contre Chambre
d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne Regeste

    Art. 4 BV; Genugtuungsanspruch des der Tötung und des Diebstahls
verdächtigten unschuldigen Untersuchungsgefangenen.

    Bei der Festsetzung einer solchen Entschädigung zu berücksichtigende
Faktoren.

Sachverhalt

    A.- Le 7 septembre 1973 fut découvert à D. le cadavre ensanglanté de
dame G. La victime avait été frappée de trois coups mortels portés par
un instrument perçant. Une somme d'argent avait été dérobée.

    Le 10 septembre 1973, la police cantonale bernoise interpella X.,
domicilié à L. Une perquisition fut effectuée à son domicile, ses parents
furent entendus. Il fut relâché dans la soirée. Il fut incarcéré le
lendemain, étant prévenu de meurtre et de vol. Le 15 septembre 1973,
le juge ordonna sa mise en liberté provisoire.

    Le 18 novembre 1974, la Chambre d'accusation de la Cour suprême du
canton de Berne a rendu un arrêt aux termes duquel il n'était pas donné
suite à l'action pénale contre X., prévenu de meurtre et de vol, à qui
une indemnité de 3'000 francs fut allouée. Un recours de droit public
a été formé contre cette décision. Selon le procureur général, approuvé
par la Chambre d'accusation, le montant précité comprenait une somme de
1'000 francs à titre de réparation du dommage matériel, un montant de
800 francs pour les frais de défense et 1'200 francs au titre d'indemnité
pour tort moral. Le Tribunal fédéral a jugé que la décision déférée était
arbitraire en ce qui concerne ce dernier point.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 7

    7.- X. a été inculpé de meurtre et de vol. Interpellé dès le 10
septembre, il a été incarcéré du 11 au 15 septembre. Accusé d'être
l'auteur d'un crime crapuleux, le recourant a été l'objet de l'une des
accusations les plus infamantes que l'on puisse concevoir. La police a
effectué des perquisitions chez le recourant, chez ses parents et chez son
amie. Un grand nombre de témoins ont été interrogés à son sujet tant par la
police que par le juge d'instruction. X. a dû se soumettre à des visites
corporelles; il a fait l'objet d'interrogatoires détaillés, qui ont porté
sur toute sa vie, y compris ses relations sexuelles. Un séquestre a été
effectué auprès des banques. A cela s'ajoute le fait qu'il ne s'est agi le
15 septembre 1973 que d'une mise en liberté provisoire. Malgré la requête
adressée au juge d'instruction le 20 septembre 1973, ce n'est que plus
d'une année plus tard, le 18 novembre 1974, que l'innocence du recourant a
finalement été reconnue par l'arrêt de la Chambre d'accusation. Pourtant,
l'autorité judiciaire savait, en tout cas dès le 22 septembre 1973, par
les aveux du principal coupable, que X. était totalement étranger au crime.

    Le recourant a ainsi subi un tort moral considérable, qui s'est traduit
non seulement par les souffrances qui sont résultées pour lui des faits
qui viennent d'être rappelés, mais aussi par une très grave atteinte à
son honneur. Il est évident que, dans de petites localités comme B.,
L. ou même à D., l'arrestation du recourant a été largement connue de
la population. Celui-ci déclare que ses amis se sont détournés de lui,
que sa mère avait été qualifiée ouvertement de mère d'un assassin
et qu'il a dû quitter L. De tout cela, il ne rapporte certes pas la
preuve, mais, selon le cours ordinaire des choses, ces affirmations sont
vraisemblables et le dommage moral qu'il a ainsi subi est particulièrement
important. Le procureur général ne le conteste d'ailleurs pas. Ainsi que
la jurisprudence l'a constaté, dans des cas de cette nature, le préjudice
moral peut même durer toute la vie, selon l'adage semper aliquid haeret
(ATF 34 II 630).

Erwägung 8

    8.- Le procureur général, en relevant que les explications données par
le recourant sur son emploi du temps et sur les traces de sang découvertes
chez lui n'étaient pas claires, et qu'il a été relâché dès qu'il est apparu
que l'accusation élevée contre lui était dépourvue de fondement, semble
considérer que l'absence de faute de la part des autorités judiciaires
justifie une réduction de l'indemnité due au recourant. Celui-ci ne
conteste pas qu'aucune faute n'a été commise par les organes de police
et les autorités judiciaires, qui étaient tenus de rechercher tous les
auteurs possibles du crime. Mais, ainsi que l'ont reconnu la jurisprudence
bernoise et la doctrine, tant le principe que le montant de l'indemnité
qui doit être alloué à celui qui a été inculpé injustement ne dépendent
pas de la question de savoir si le préjudice subi par l'intéressé est
imputable à des mesures prises conformément à la loi ou contrairement à
celle-ci (arrêt du 15 novembre 1961 en la cause Grimm contre procureur
général du canton de Berne, consid. 2; RSJB 1949, p. 312; WAIBLINGER, Das
Strafverfahren des Kantons Bern, n. 1 ad art. 202, p. 298). D'ailleurs,
les autorités bernoises ont bien commis une faute en ne donnant pas suite
pendant plus d'une année à la requête de non-lieu et en laissant planer
pendant toute cette période des soupçons sur le recourant.

    Dans ces conditions, le montant de 1'200 fr. qui, d'après le procureur
général, constitue la part de l'indemnité correspondant au tort moral,
est manifestement trop faible. L'allocation d'un tel montant peut
d'ailleurs éveiller l'impression, dans le public, que X. a commis une
faute, soit qu'il serait mêlé d'une certaine façon au crime, soit qu'il
serait partiellement responsable de son incarcération.

    Dès lors, la Chambre d'accusation a abusé de son pouvoir d'appréciation
en n'octroyant au recourant qu'une somme aussi faible. Il lui incombera
de prendre une nouvelle décision sur ce point, en tenant compte des
considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral. Il n'appartient certes pas à
ce dernier de dire quel est le montant qu'il conviendrait d'allouer. Il
paraît cependant opportun d'indiquer qu'un montant de l'ordre de 5'000
fr. constitue, dans des cas de ce genre, l'indemnité à laquelle le lésé
peut légitimement prétendre.