Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 103 IA 293



103 Ia 293

50. Extrait de l'arrêt du 23 février 1977 en la cause Bonzi contre Tribunal
d'accusation et Procureur général du canton de Vaud Regeste

    Strenge Einzelhaft; Schranken des Rechts des Untersuchungsgefangenen
auf Kontakt mit seinem Verteidiger; persönliche Freiheit, Art. 3 und
Art. 6 EMRK.

    Die strenge Einzelhaft, durch die die persönliche Freiheit eine
Beschränkung erfährt, steht an sich nach waadtländischem Recht zu dem als
zulässig betrachteten Zweck (Sicherung des Untersuchungsverfahrens),
der sie gegebenenfalls erheischt, in keinem Missverhältnis. Die
Einschränkungen, die sie mit sich bringt (Besuchsverbot, Beschränkung
des Rechts frei mit seinem Anwalt zu verkehren) verstossen nicht gegen
Art. 3 und Art. 6 EMRK.

Sachverhalt

    A.- Placé en détention préventive, Bonzi a été mis au secret pour dix
jours, en application de l'article 79 du code vaudois de procédure pénale,
dans le but d'empêcher toute collusion avec des tiers. Bonzi est inculpé
de vol, de détention illicite d'explosifs et d'armes, subsidiairement de
recel. La mise au secret a été prolongée à deux reprises par le Tribunal
d'accusation du canton de Vaud. Elle a ainsi duré du 17 juin au 16 juillet
1976. Dès son arrestation, Bonzi a pu charger un avocat de la défense de
ses intérêts. Si cet avocat n'a pu voir son client mis au secret, il a pu
en revanche correspondre avec lui par l'intermédiaire et sous le contrôle
du Juge informateur. Un recours formé contre l'ordonnance de mise au secret
a été rejeté par le Tribunal d'accusation, qui a considéré que l'on se
trouvait en l'espèce en présence d'une infraction grave et que le succès
des investigations en cours imposait des mesures particulières de sécurité.

    Bonzi a formé contre cette décision un recours de droit public. Il
conteste la constitutionnalité des dispositions du code vaudois de
procédure pénale concernant la mise au secret. Cette mesure serait
incompatible avec les art. 3 et 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme. La décision attaquée serait en outre contraire au principe
de la proportionnalité et violerait la liberté personnelle.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 4

    4.- La constitution du canton de Vaud ne contient aucune disposition
particulière relative à la mise au secret des personnes arrêtées et
placées en détention préventive. A l'art. 4 elle dispose que la liberté
individuelle est garantie (al. 1); nul ne peut être poursuivi ou arrêté que
dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle prescrit;
tout individu arrêté doit être entendu par le magistrat compétent dans
les vingt-quatre heures qui suivent son arrestation (al. 2); hors les cas
qui appartiennent à la discipline militaire, nul ne peut être mis en état
d'arrestation qu'en vertu de l'ordre du juge auquel la loi donne cette
compétence (al. 3). Le recourant ne prétend pas que les dispositions
légales sur la mise au secret seraient contraires à la constitution
cantonale; il ne soutient pas non plus que le droit cantonal lui assure
en ce domaine une garantie constitutionnelle plus étendue que le droit
fédéral non écrit. La question litigieuse est ainsi celle de savoir si la
décision attaquée est compatible avec la notion de liberté personnelle,
telle qu'elle est garantie en droit fédéral.

    a) Le droit constitutionnel fédéral non écrit garantit à l'individu
le droit d'aller et venir, le droit à ce que soit respectée son intégrité
corporelle, tout comme celui de choisir son mode de vie, d'organiser ses
loisirs et d'avoir des contacts avec autrui. Les personnes détenues,
qui peuvent également invoquer la garantie de la liberté personnelle,
ne sauraient toutefois prétendre jouir de toutes les formes de ce
droit constitutionnel. La mesure d'incarcération qui les frappe doit
certes reposer sur une base légale, être dans l'intérêt public et être
conforme au principe de la proportionnalité. Mais, une fois incarcérés,
les intéressés sont soumis aux restrictions qui découlent de la mesure
de contrainte qui leur est imposée et du rapport spécial qui les lie
à l'Etat (ATF 100 Ia 460 consid. IIIa). Si toutes ces restrictions ne
doivent pas nécessairement résulter de dispositions spéciales et précises
de la loi, il n'en demeure pas moins qu'elles n'ont pas à aller au-delà
de ce qu'exige le but de l'incarcération; elles doivent respecter le
principe de la proportionnalité. Ces principes s'appliquent d'ailleurs tout
particulièrement à la détention préventive, qui est imposée à un individu
prévenu d'une infraction et dont l'incarcération est destinée à assurer
le déroulement normal de l'instruction d'une affaire pénale. D'autre part,
lorsque le législateur a prévu certaines garanties en faveur des détenus,
les restrictions à la liberté personnelle de ceux-ci trouvent leurs
limites dans les principes posés par la loi (ATF 101 Ia 49 consid. 4).
   b) Aux termes des art. 79 et 89 CPP:

    "Art. 79.- Lorsque les besoins de l'instruction l'exigent, le juge
   ordonne la mise au secret du prévenu.

    La durée de la mise au secret ne peut excéder dix jours. Toutefois,
   sur demande motivée du juge, le Tribunal d'accusation pourra autoriser
   une ou plusieurs prolongations de dix jours chacune, au maximum.

    Lorsque le prévenu est au secret, il doit être suivi à l'enquête sans
   désemparer.

    Art. 80.- Le prévenu mis au secret ne peut communiquer avec
   personne.

    Le juge peut toutefois apporter au régime du secret les
assouplissements
   qu'il jugera opportuns, notamment en ce qui concerne le défenseur."

    En droit vaudois, la mise au secret est donc une mesure, limitée dans
le temps, que la loi cantonale de procédure pénale prévoit à l'égard
des inculpés placés en détention préventive. Cette restriction de la
liberté personnelle a une base légale; elle est de plus justifiée par
l'intérêt public, puisqu'elle ne peut être ordonnée que si les besoins
de l'instruction l'exigent. Avec raison, le recourant ne conteste
d'ailleurs pas la réalisation des deux premières conditions auxquelles la
jurisprudence subordonne toute restriction de la liberté personnelle en
droit cantonal. Il ne prétend pas non plus que, dans son cas particulier,
les instances cantonales auraient ordonné, puis confirmé sa mise au secret
en violation des art. 79 et 80 CPP. Il fait valoir essentiellement le moyen
tiré d'une prétendue violation du principe de la proportionnalité. Il
s'agit là d'une question que le Tribunal fédéral examine librement, car
la mise au secret constitue une atteinte grave à la liberté personnelle
(ATF 101 Ia 53 consid. 7; 98 Ia 100 consid. 2).

    Dans son mémoire de recours, le recourant affirme que "la décision
entreprise apparaît en tout état de cause contraire au principe de la
proportionnalité", mais il ne dit pas en quoi la mesure concrète prise
à son égard serait disproportionnée. Au fond, il considère, sur un plan
général, que les précautions à prendre en cas de détention préventive
(selon les art. 81 et 82 du règlement vaudois des maisons d'arrêts,
prisons d'arrondissement, etc. du 11 janvier 1944) sont suffisantes
pour sauvegarder entièrement les besoins de l'enquête; de ce fait, "on ne
saurait recourir, sans violer le principe de la proportionnalité, au régime
plus strict de la mise au secret". Ce n'est donc pas la mesure concrète
prise à son égard, mais l'institution même de la mise au secret que le
recourant tient pour contraire au principe de la proportionnalité. Dans
l'arrêt X. du 22 janvier 1975, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé
sur la justification de la mise au secret comme telle. Il a constaté,
in concreto, que la première condition à laquelle l'art. 152 CPP gen.
subordonne la mise au secret (c'est-à-dire l'existence d'un délit d'une
gravité exceptionnelle) n'était pas réalisée; il a aussi laissé entendre
que la réalisation de la seconde condition (la mesure doit être ordonnée
pour les besoins de l'enquête) était pour le moins douteuse (ATF 101 Ia
54 consid. 7c et d). La solution adoptée dans cet arrêt n'est donc pas
applicable en l'espèce.

    c) Dans quatre cantons romands, le code de procédure pénale contient
des dispositions particulières sur la mise au secret (art. 70 et 152
ss CPP à Genève, art. 79 et 80 CPP dans le canton de Vaud, art. 141 et
142 CPP à Neuchâtel et art. 73 CPP en Valais). Sauf à Genève, où les
conditions sont encore plus rigoureuses (voir l'art. 152 CPP; ATF 101 Ia
53 ss consid. 7), le juge chargé de l'instruction d'une affaire pénale ne
peut ordonner la mise au secret que lorsque les besoins de l'instruction
l'exigent. En outre, dans les quatre cantons, c'est le législateur lui-même
qui a fixé le temps relativement court (8 jours à Genève et à Neuchâtel,
10 jours dans le canton de Vaud et 14 jours en Valais) pendant lequel un
inculpé en détention préventive peut être maintenu au secret. En Valais,
le juge instructeur peut prolonger ce délai en rendant une ordonnance
motivée contre laquelle l'inculpé ou son défenseur peut porter plainte
au Tribunal cantonal (art. 73 al. 3 CPP) alors que, dans les trois autres
cantons, seule l'instance cantonale de recours et de surveillance (Chambre
d'accusation ou Tribunal d'accusation) peut autoriser une ou plusieurs
prolongations. Par ailleurs, à Genève, à Neuchâtel et dans le canton
de Vaud, l'ordonnance de mise au secret peut faire l'objet d'un recours
immédiat à cette instance judiciaire cantonale (voir, en droit valaisan,
les art. 73 et 166 CPP). Pratiquement, la mise au secret a pour conséquence
essentielle d'isoler complètement le détenu contre lequel cette mesure est
prise, de sorte que toute communication lui est interdite avec qui que ce
soit, en particulier avec son défenseur ou avec le médecin et l'aumônier
de la prison (voir, en droit vaudois, les art. 80 al. 1 CPP et 124 al. 2
de la loi du 18 septembre 1973 sur l'exécution des condamnations pénales
et de la détention préventive). Il faut cependant relever que le juge
informateur ou le Tribunal d'accusation peut, selon les circonstances,
atténuer les rigueurs de ce régime en droit vaudois, notamment en
autorisant le détenu à communiquer avec son défenseur (art. 80 al. 2 CPP).

    Dans les autres cantons et en droit fédéral, la loi ignore
l'institution de la mise au secret. Toutefois, le juge chargé de
l'instruction de l'affaire pénale a parfois la possibilité, lorsque
les besoins de l'enquête l'exigent, d'empêcher l'inculpé en détention
préventive de communiquer avec des tiers, notamment avec son défenseur,
et cela pendant un certain temps dont il fixe lui-même la durée. Ainsi,
l'art. 117 PPF autorise, en principe, tout inculpé en détention préventive
à communiquer oralement et par écrit avec son défenseur, mais le juge
d'instruction peut, exceptionnellement, limiter ou faire cesser pour un
temps déterminé ces communications lorsque l'intérêt de l'instruction
l'exige. En droit pénal administratif, la limitation ou la suppression de
ces communications pour plus de 3 jours doit être soumise à l'approbation
de l'autorité qui a décerné le mandat d'arrêt (art. 58 al. 2 DPA). Dans
le canton de Zurich, les communications orales et écrites de l'inculpé
peuvent être contrôlées et, "soweit der Untersuchungszweck gefährdet
ist", le défenseur peut se voir interdire la consultation du dossier
et toute communication avec l'inculpé (art. 16, 17 et 18 StPO; voir,
à ce sujet, un arrêt de l'Obergericht du 18 janvier 1954, ZR 54/1955,
No 146, p. 282; voir aussi HANSRUEDI MÜLLER, Verteidigung und Verteidiger
im System des Strafverfahrens, dargestellt am Beispiel der zürcherischen
Prozessordnung, thèse Zurich 1974, p. 26 et 130; PETER HUBER, Die Stellung
des Beschuldigten - insbesondere seine Rechte - in der Strafuntersuchung
unter Berücksichtigung des Kantons Zürich, thèse Zurich 1974, p. 154
ss, 181 ss). Dans d'autres cantons, toute communication de l'inculpé
en détention préventive avec son défenseur est, en principe, interdite
pendant une première partie de l'enquête pénale (voir DOMINIQUE PONCET, Le
droit à l'assistance de l'avocat durant la procédure, Recueil de travaux
suisses présentés au VIIIe Congrès international de droit comparé,
1970, p. 421 et 422). Ainsi, par exemple, l'inculpé peut communiquer
librement avec son défenseur seulement après la clôture de l'enquête
en droit fribourgeois (art. 22 al. 2 CPP; voir aussi, en droit bâlois,
le par. 113 StPO de Bâle-Ville).

    Ainsi, dans la mesure où, en doctrine, des critiques sont formulées
au sujet de l'institution de la mise au secret, alors même qu'elle est
soumise à une réglementation très stricte, il est bien clair que ces
critiques devraient, à plus forte raison, être d'abord dirigées contre
les dispositions légales qui, en droit fédéral et dans la procédure de
plusieurs cantons, laissent au juge (parfois même à un fonctionnaire
chargé de l'instruction) une plus grande liberté pour prendre des mesures
restrictives ou coercitives pratiquement analogues à la mise au secret,
et cela pour un temps que la loi ne fixe pas et sans être obligé de
soumettre toute prolongation de ces mesures à l'approbation préalable
d'une instance judiciaire cantonale. Avec raison, on a fait observer que
"la réglementation de ce moyen de pression est peut-être un moindre mal,
car là où la loi ignore la "mise au secret", rien n'interdit au juge
d'empêcher toute communication avec le prévenu, sans limite de temps,
ce qui constitue une torture morale plus grave" (voir FRANÇOIS CLERC,
La détention avant jugement, Recueil de travaux suisses présentés au
VIIIe Congrès international de droit comparé, p. 404).

    d) Telle qu'elle est prévue dans les codes de procédure pénale
de quatre cantons romands, l'institution de la mise au secret à fait
l'objet de critiques relativement fréquentes en doctrine. On lui reproche
essentiellement d'être un moyen de pression que le juge utilise parfois
pour obtenir un aveu de l'inculpé. Partant de l'idée que le juge dispose,
notamment en droit genevois ou neuchâtelois, d'autres moyens d'éviter
toute collusion, on a considéré que la mise au secret serait, en réalité,
"une sanction prise contre le prévenu récalcitrant à l'interrogatoire",
une mesure "qui implique pour beaucoup d'hommes une torture morale" (FEYYAZ
GÖLCÜKLÜ, L'interrogatoire en matière pénale, étude de droit neuchâtelois,
thèse Neuchâtel 1952, p. 78 ss). Certes, "la détention préventive a un
effet accessoire qu'on ne pourra jamais éliminer complètement: ce sont les
aveux que l'inculpé est souvent amené à faire dans l'espoir que rien ne
s'opposera à son élargissement"; c'est pourquoi l'on ne saurait approuver
la mise au secret, car elle affaiblit encore la volonté de l'inculpé (MAX
WAIBLINGER, en collaboration avec Roger Lang et Roland Jaton, La protection
de la liberté individuelle durant l'instruction, Revue internationale
de droit pénal, Paris 1953, p. 250 et 251). Plusieurs auteurs ont
plus ou moins nettement confirmé ces critiques (HANS F. PFENNINGER,
Probleme des schweizerischen Strafprozessrechts, Ausgewählte Aufsätze,
p. 120; FRANÇOIS CLERC, Le procès pénal en Suisse romande, p. 86; HANS
WALDER, Die Vernehmung des Beschuldigten, p. 155; DOMINIQUE PONCET,
L'instruction contradictoire dans le système de la procédure pénale
genevoise et en droit français, thèse Genève 1967, p. 140 ss; FRANÇOIS
CLERC, La détention préventive, RPS 84/1968, p. 165 ss; du même auteur,
La détention avant jugement, Recueil de travaux suisses présentés au VIIIe
Congrès international de droit comparé, p. 404; du même auteur, Initiation
à la justice pénale en Suisse, vol. I, p. 173). Pour HANS SCHULTZ, "le
sens de cette mise au secret ne peut être rien d'autre que d'arracher un
aveu au prévenu récalcitrant. Point nécessaire de dire que cette manière
de procéder n'est pas compatible avec les droits de l'homme ni avec
les principes d'une procédure pénale moderne et humaine" (La sauvegarde
des droits des détenus, Revue de science criminelle et de droit comparé,
supplément 1967, p. 101). En résumé, on peut donc constater que la plupart
des auteurs reprochent à l'institution de la mise au secret d'être une
mesure qui, en isolant complètement l'inculpé, aggrave inutilement le
régime de la détention préventive; on conteste, en général, que cette
mesure soit ordonnée réellement dans le but - en soi reconnu légitime -
d'éviter toute collusion de l'inculpé avec des tiers et l'on en déduit
qu'elle constitue en fait un moyen de pression - difficilement compatible
avec les principes modernes de la procédure pénale - qui est exercé sur
les inculpés récalcitrants pour les amener à faire des aveux.

    On peut cependant se demander si ces critiques sont en l'espèce
décisives, car les auteurs qui les ont formulées se sont placés
essentiellement sur le terrain du droit pénal ou de la procédure
pénale. Ils n'ont pas examiné, en droit constitutionnel, si la mise
au secret est compatible avec la notion de liberté personnelle, telle
qu'elle est garantie en droit fédéral non écrit. Certes, l'auteur
d'une thèse consacrée à la protection de la liberté personnelle dans
la procédure pénale du canton d'Argovie soutient que la mise au secret
"hat als fix festgelegte Institution tatsächlich keine Berechtigung;
denn jede Verschärfung der Haft bedeutet eine Verschärfung eines
Freiheitseingriffes und hat sich auf die im individuellen Fall nötigen
Massnahmen zu beschränken" (voir MARKUS MEYER, Der Schutz der persönlichen
Freiheit im rechtsstaatlichen Strafprozess, thèse Zurich 1962, p. 145). Cet
auteur paraît cependant avoir oublié que la mise au secret a été instituée
dans les cantons romands précisément pour éviter les abus. Dans chaque
cas particulier, le juge doit vérifier si cette mesure est justifiée
et il ne peut l'ordonner que pour un temps strictement limité et sous
le contrôle d'une instance judiciaire cantonale (voir, à cet égard,
JUSTUS KRÜMPELMANN, Die Untersuchungshaft im deutschen, ausländischen
und internationalen Recht, Landesbericht für die Schweiz, p. 657 et 658).

Erwägung 5

    5.- Selon la jurisprudence, la détention préventive a pour but
d'assurer le déroulement régulier de l'enquête pénale; elle doit
empêcher l'inculpé de se soustraire à la procédure en s'enfuyant ou
de faire disparaître les indices de son acte délictueux, entravant
ainsi l'éclaircissement de l'affaire (ATF 97 I 52 consid. 4 b et les
références citées). Ainsi, pour autant qu'elles ne restreignent pas la
liberté du détenu au-delà de ce qu'exigent ce but de l'instruction pénale
et l'ordre de l'établissement de détention (ATF 100 Ia 458 consid. If),
certaines mesures peuvent être prises à l'égard de l'inculpé en détention
préventive qui aggravent le régime de sa détention, notamment en limitant
ses relations avec l'extérieur (ATF 100 Ia 456 ss, 99 Ia 270 ss consid. IV
et V, 97 I 843 consid. 5). En revanche, des restrictions de liberté ayant
un caractère pénal sont inadmissibles dans le régime de la détention
préventive, à moins qu'il ne s'agisse de mesures disciplinaires; de
même, sont contraires à la constitution les limitations de la liberté
d'un inculpé placé en détention préventive qui auraient pour but de le
contraindre à reconnaître les infractions qui lui sont reprochées (ATF
97 I 843 consid. 5).

    a) Le législateur vaudois n'a certainement pas prévu le régime
spécial de la mise au secret pour assurer l'ordre nécessaire dans
les établissements de détention, ni comme une peine disciplinaire qui
serait infligée aux détenus ayant enfreint les règles de discipline. Il a
précisé que le juge peut ordonner la mise au secret "lorsque les besoins
de l'enquête l'exigent" (art. 79 al. 1 CPP). Cette mesure semble donc
avoir été instituée dans un but que la jurisprudence et la doctrine
reconnaissent légitime.

    Toutefois, dans la doctrine, on a soutenu que la mise au secret,
telle qu'elle est prévue dans quatre cantons romands, ne peut pas avoir
un autre but que de contraindre l'inculpé récalcitrant à reconnaître les
infractions qui lui sont reprochées, et qu'elle est donc, de ce fait,
inadmissible (voir, dans ce sens, GENEVIÈVE ZIRILLI, Problèmes relatifs
à la détention préventive, thèse Lausanne 1975, p. 101; voir cependant
l'opinion plus nuancée de MARTIN SCHUBARTH, Die Rechte des Beschuldigten
im Untersuchungsverfahren, besonders bei Untersuchungshaft; eine
Analyse der schweizerischen Strafprozessgesetze unter rechtsstaatlichen
Gesichtspunkten, p. 182 et 183). Par ailleurs, dans l'arrêt X., du 22
janvier 1975, le Tribunal fédéral n'a certes pas tranché la question sur le
plan théorique, mais, sensible aux arguments développés dans la doctrine,
il a tout de même laissé entendre que le juge d'instruction paraissait
avoir ordonné la mise au secret non pas dans le but d'éviter toute
collusion (en droit genevois, il disposait pour cela d'autres moyens),
mais pour faire pression sur l'inculpé (ATF 101 Ia 56 consid. 7 d).

    b) Dans la décision attaquée, le Tribunal d'accusation a défini les
conditions d'application de l'art. 79 al. 1 CPP vaud. La mise au secret
ne peut être ordonnée qu'en raison des exigences de l'instruction; elle
ne saurait viser à constituer un moyen de pression sur le prévenu et
"il convient, en outre, pour respecter le principe de la proportionnalité
d'une telle mesure, d'ajouter qu'elle doit être limitée aux enquêtes se
rapportant aux délits graves, qu'elle doit être utilisée exceptionnellement
et qu'elle l'est en fait dans le canton de Vaud". Il a ensuite jugé que
la mesure ordonnée par le juge informateur satisfaisait à ces conditions
restrictives, considérant notamment "que le succès des investigations
impose des mesures particulières de sécurité visant à en assurer la
discrétion et à éliminer tout risque de collusion avec les tiers encore
recherchés". Se référant aux éléments de la procédure, il a ainsi constaté
"que la mesure en tant que telle ne constitue pas un moyen de pression
sur le recourant pour le faire parler".

    Pour sa part, le recourant n'allègue aucun fait précis qui soit de
nature à contredire - ou même à mettre en doute - les constatations faites
par l'instance cantonale de recours. Il ne prétend pas ni ne démontre
que, dans son cas particulier, la mise au secret aurait été en réalité
ordonnée dans le but de faire pression sur lui pour l'obliger à parler;
dans son mémoire de recours, il cite simplement les considérations qui
ont été faites dans la doctrine au sujet de l'institution de la mise au
secret dans les cantons romands.

    Dans ces conditions, il faut considérer que le bien-fondé des critiques
formulées dans la doctrine n'est pas démontré, tout au moins en ce qui
concerne l'application des art. 79 et 80 CPP dans le canton de Vaud. Le
recourant n'a fourni aucune preuve ni même des indices permettant de penser
que, dans son cas ou dans d'autres cas concrets, une mise au secret a été
ordonnée dans le seul but de faire pression sur le prévenu pour l'obliger à
parler. Il résulte au contraire des renseignements donnés par le procureur
général du canton de Vaud que les ordonnances de mise au secret sont tout
à fait exceptionnelles dans la pratique judiciaire vaudoise et qu'elles ne
sont rendues que si les besoins de l'enquête le justifient. Le recourant
ne conteste pas l'exactitude de ces renseignements.

Erwägung 6

    6.- a) Il convient dès lors d'examiner si la mise au secret, telle
qu'elle est réglementée en droit vaudois (art. 79 et 80 CPP), restreint
la liberté des prévenus au-delà de ce qu'exigent les besoins de l'enquête
et si, de ce fait, elle consacre - ou peut consacrer - une violation du
principe de la proportionnalité. Tenant compte du caractère exceptionnel
de cette mesure, admise seulement dans les cas graves et pour un temps
strictement limité, le Tribunal d'accusation ne l'a pas admis. Dans ses
observations, le procureur général du canton de Vaud s'efforce de démontrer
que la mise au secret est compatible avec la garantie constitutionnelle de
la liberté personnelle. En revanche, le recourant soutient une opinion
contraire: à ses dires, les dispositions des art. 80 et 81 du règlement
vaudois des maisons d'arrêts, des prisons d'arrondissement, du 11 janvier
1944, "sauvegardent entièrement les besoins de l'enquête; on ne saurait
recourir, sans violer le principe de proportionnalité, au régime plus
strict de la mise au secret".

    Actuellement, le régime de la détention préventive est défini en droit
vaudois par les art. 64 et 65 CPP et 121 ss de la loi du 18 septembre 1973
sur l'exécution des condamnations pénales et de la détention préventive,
qui a remplacé, dès le 1er janvier 1974, le règlement du 11 janvier
1944. En règle générale, les personnes détenues préventivement sont isolées
les unes des autres; le juge peut prescrire des mesures particulières
d'isolement pour les besoins de l'enquête (art. 122 al. 2 et 3 de la loi
du 18 septembre 1973). Le prévenu en détention préventive peut recevoir la
visite des personnes qui sont munies d'une permission du juge, mais, sauf
autorisation spéciale du juge, ces visites ne sont admises qu'en présence
d'un gardien ou d'un agent de la police judiciaire et à raison d'une
personne à la fois (art. 64 al. 1 et 2 CPP vaud.). En outre, le prévenu
ne peut recevoir ou expédier la correspondance, des objets ou des messages
que sous le contrôle et par l'intermédiaire du juge (art. 65 al. 1 et 2
CPP vaud.). Toutefois, ces mesures restrictives ne sont pas applicables
au défenseur, qui peut librement communiquer, oralement ou par écrit,
avec le prévenu (art. 64 al. 3 et 65 al. 3 CPP). Enfin, selon l'art. 124
de la loi du 18 septembre 1973, les médecins et aumôniers attitrés de
la prison et les autres personnes ayant un mandat de l'administration
pénitentiaire ont libre accès auprès des personnes détenues préventivement,
sous réserve d'instructions contraires du juge. Cette disposition réserve
cependant l'art. 80 CPP.

    Aux termes de l'art. 80 al. 1 CPP, le prévenu mis au secret ne peut
communiquer avec personne. Cela veut dire d'abord qu'il doit être isolé des
autres détenus, mais cet isolement est déjà prévu comme la règle générale,
applicable dans le régime normal de la détention préventive (art. 122
al. 2 de la loi du 18 septembre 1973). Ensuite, la mise au secret a pour
conséquence l'interdiction des visites qui, dans le régime normal, sont
assez généralement permises; en outre, elle entraîne la suppression du
droit qui, dans le régime normal, appartient à tout prévenu de communiquer
librement avec son défenseur. En revanche, il semble bien que le prévenu
mis au secret conserve la faculté de recevoir et d'expédier des lettres,
des objets ou des messages sous le contrôle et par l'intermédiaire du
juge. L'art. 80 al. 2 CPP autorise le juge à apporter au régime du secret
les assouplissements qu'il jugera opportuns, notamment en ce qui concerne
le défenseur. Dans ses observations sur le recours, le Ministère public
affirme qu'en droit vaudois, "l'accès au médecin et à l'aumônier existe
pour le détenu au secret", si ce dernier le demande. Il convient de prendre
acte de cette déclaration, dont le recourant ne conteste pas le bien-fondé.

    b) Pratiquement, la mise au secret entraîne, en droit vaudois,
deux restrictions supplémentaires de la liberté relative dont jouissent
normalement les prévenus placés en détention préventive: ce sont, d'une
part, la suppression des visites et, d'autre part, l'interdiction de
communiquer avec le défenseur. Or le recourant critique essentiellement
cette seconde conséquence, qu'il tient pour une mesure de méfiance
inadmissible à l'égard des avocats et, de ce fait, incompatible avec
la garantie constitutionnelle de la liberté personnelle. Ce moyen n'est
pas fondé.

    La législation fédérale (art. 117 PPF et 58 DPA) ainsi que la
plupart des lois cantonales posent en principe la libre communication,
oralement et par écrit, avec le défenseur, mais elles prévoient que le
juge d'instruction peut exceptionnellement limiter ou faire cesser ces
communications pour un temps déterminé, "lorsque l'intérêt de l'instruction
l'exige". D'autres législations cantonales disposent que ce droit ne
pourra s'exercer qu'à partir d'un certain stade de la procédure ou, mais
alors exceptionnellement, avant ce stade. En revanche, et cela vaut pour
toutes les législations helvétiques, à partir d'un moment que l'on peut
fixer approximativement à la période entre la clôture de l'instruction
et l'éventuel renvoi en jugement, la consultation du dossier par le
défenseur ne pourra plus être refusée (voir DOMINIQUE PONCET, Le droit à
l'assistance de l'avocat durant la procédure, Recueil de travaux suisses
présentés au VIIIe Congrès international de droit comparé, p. 422 et les
références citées).

    Ces limitations du droit de communiquer librement avec son défenseur
peuvent paraître "fort critiquables" (voir DOMINIQUE PONCET, loc.cit.,
p. 423), elles n'en existent pas moins partout en Suisse, de sorte qu'il
n'est pas possible d'affirmer que le prévenu en détention préventive
doit avoir en Suisse un droit absolu et inconditionnel de communiquer
librement avec son défenseur à tous les stades de l'enquête pénale. Ce
droit peut être limité ou même supprimé pour autant que cette mesure
soit prise à titre exceptionnel, dans les cas graves, et seulement pour
le temps nécessaire aux besoins de l'enquête. Or tel est bien le cas, en
droit vaudois, de la mise au secret qui, selon la loi et la jurisprudence,
est subordonnée à des conditions - formelles et matérielles - rigoureuses
et reste, en fait, une mesure exceptionnelle. Il faut d'ailleurs relever
qu'il s'agit là, en droit vaudois, de la seule mesure par laquelle toute
communication du prévenu avec son défenseur peut être interdite. Le juge
vaudois ne dispose pas d'autre moyen, telle la suspension de l'information
contradictoire que le juge d'instruction genevois peut ordonner "lorsque
l'importance d'une procédure l'exige" (art. 70 al. 1 CPP gen.; voir à
ce sujet ATF 101 Ia 56 consid. 7 d; DOMINIQUE PONCET, Thèse précitée,
Genève 1967, p. 138 ss). Il convient en outre de rappeler qu'en vertu de
l'art. 80 al. 2 CPP, le juge informateur - ou le Tribunal d'accusation -
peut apporter au régime du secret certains assouplissements, notamment
en ce qui concerne le défenseur: le prévenu et son défenseur ont donc
toujours la possibilité de faire valoir des motifs particuliers d'obtenir
cet assouplissement. Or, en l'espèce, le Tribunal d'accusation a relevé
qu'à aucun moment le recourant "n'a indiqué en quoi il serait indispensable
de voir son défenseur immédiatement" et "que le dossier ne révèle pas non
plus de circonstance particulière qui justifierait l'application d'office
de l'art. 80 al. 2 CPP".

    c) En définitive, il n'est pas démontré qu'en droit vaudois la
mise au secret comporte une limitation de la liberté personnelle en soi
disproportionnée au but - reconnu légitime - pour lequel elle peut être
ordonnée et il n'est pas exact de dire que le juge vaudois ne tient pas
compte des circonstances de chaque cas (voir MARKUS MEYER, thèse précitée,
Zurich 1962, p. 145). Le juge informateur et le Tribunal d'accusation
ont l'obligation de lever le secret dès le moment où les besoins de
l'enquête n'exigent plus l'isolement du prévenu; de plus, en vertu de
l'art. 80 al. 2 CPP, ils peuvent - et doivent - apporter au régime du
secret les assouplissements justifiés par les circonstances. Par ailleurs,
ces limitations de la liberté personnelle en droit vaudois (notamment
la suppression de toute communication directe entre le prévenu et son
défenseur) existent dans la plupart des autres cantons comme aussi dans
la législation fédérale. S'il fallait tenir les dispositions des art. 79
et 80 CPP pour incompatibles avec le principe de la proportionnalité,
il est clair que l'on devrait aussi déclarer contraires à la garantie
constitutionnelle de la liberté personnelle toutes les dispositions légales
ou réglementaires qui, en droit fédéral et dans la plupart des cantons,
autorisent le juge à interdire, pour un temps limité, les communications
entre le prévenu et son défenseur. Dans ces conditions, le moyen tiré
d'une prétendue violation du principe de la proportionnalité doit être
rejeté.

Erwägung 7

    7.- Le recourant soutient en outre que l'institution même de la mise
au secret est contraire à la liberté personnelle garantie aux art. 3 et
6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

    a) Aux termes de l'art. 3 de la convention, "nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains
ou dégradants". Cette disposition est interprétée en ce sens que
l'autorité n'a pas le droit, dans le procès pénal, de faire usage de
méthodes d'interrogatoire ayant pour effet de porter atteinte à la
liberté de décision du prévenu (ATF 101 Ia 58/59 consid. 9; voir aussi
GURADZE, Die Europäische Menschenrechtskonvention, Kommentar, Nos 9
et 11 ad art. 3 p. 53 et 54); "sogenannte Überrumpelungsmanöver sind
unzulässig; sie stellen eine Entwürdigung der Person dar" (voir PETER
BISCHOFBERGER, Die Verfahrensgarantie der europäischen Konvention zum
Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten (Art. 5 und 6) in ihrer
Einwirkung auf das schweizerische Strafprozessrecht, thèse Zurich 1972,
n. 519). Cependant, pour la Commission européenne des droits de l'homme,
toute méthode d'interrogatoire ne consacre pas une violation de l'art. 3
dès lors qu'elle est de nature à porter atteinte à la liberté de décision
du prévenu; dans l'application de l'art. 3 l'appréciation des circonstances
joue un rôle important (voir des exemples de méthodes jugées admissibles en
raison des circonstances, notamment en Irlande du Nord, cités par FRANCIS
G. JACOBS, The European Convention on human rights, p. 25, FREDE CASTBERG,
The European Convention on human rights, p. 82 et 83).

    Dans son mémoire de recours, le recourant ne se plaint pas d'avoir
dû subir, au cours de sa mise au secret, des interrogatoires selon des
méthodes ayant porté atteinte à sa liberté de décision. Il ne prétend
pas non plus que le régime du secret ait eu chez lui un tel effet. Par
ailleurs, il n'a pas démontré que, dans le canton de Vaud, la mise
au secret a été ordonnée dans le but de faire pression sur le prévenu
récalcitrant pour l'obliger à parler ni qu'elle a pu avoir pour effet
de porter atteinte à la liberté de décision du prévenu. Le recourant
se contente d'affirmer, d'une manière toute générale et théorique, que
la suppression de tout contact entre le prévenu et le monde extérieur
"constitue un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3 de la
Convention, car il n'est rien d'autre qu'une forme de torture psychique".
Dans ces conditions, le moyen tiré d'une prétendue violation de l'art. 3
de la convention n'apparaît pas fondé.

    b) Enfin, selon le recourant, "l'exclusion de l'avocat - fût-ce pour
un temps relativement court - est contraire au droit de tout accusé à
avoir les facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à avoir
l'assistance d'un défenseur (art. 6 ch. 3b et c de la Convention)".

    Aux termes de l'art. 6 al. 3 lettre b de la convention, "tout accusé a
droit notamment à ... disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense", ce qui signifie qu'il doit pouvoir librement
communiquer avec son défenseur (voir GURADZE, op.cit., No 31 ad art. 6
p. 107). Dans son rapport du 9 décembre 1968 relatif à la convention, le
Conseil fédéral a relevé à ce sujet que "le droit de la défense entraîne
normalement celui de communiquer librement avec son défenseur". Se référant
à la législation genevoise, il a ajouté que "les cantons qui autorisent
le juge d'instruction à ordonner, dans des cas exceptionnels et pour les
besoins de l'enquête, la mise au secret de l'inculpé pourraient dès lors
rencontrer certaines difficultés suivant l'usage que leurs autorités
feront de cette faculté" (FF 1968 II 1120 n. 6).

    Ni la Commission, ni la Cour européenne des droits de l'homme n'ont
posé en principe absolu le droit inconditionnel pour le prévenu de
communiquer avec son défenseur librement et en tout temps. Au contraire,
sans le dire expressément, la Commission semble admettre comme allant
de soi certaines restrictions apportées à l'exercice de ce droit,
l'essentiel étant que le défenseur soit en mesure d'assister le prévenu
au stade décisif de la procédure. Ainsi, dans l'affaire Köplinger, ayant
constaté que l'avocat avait assisté le requérant à un stade décisif de la
procédure, la Commission a considéré que l'avocat "a disposé du temps et
des facilités nécessaires à la préparation de la défense de Köplinger";
de plus, "elle estime que le requérant n'a pas été empêché de développer
de façon appropriée ses recours interjetés contre le jugement de première
instance, du fait que les autorités de la prison ne lui ont pas permis
d'apporter avec lui ses notes manuscrites et ses documents annotés,
lorsqu'il a été conduit au parloir pour y rencontrer son avocat" (voir
Répertoire de la jurisprudence relative à la Convention européenne des
droits de l'homme, 1955-1967, p. 151 et 153, No 172). Dans la doctrine,
on a encore précisé que l'inculpé doit, dans la mesure du possible,
être autorisé à communiquer avec son défenseur, librement, par écrit et
oralement, dès que l'état de la procédure le permet et notamment lorsqu'il
n'y a plus de danger de collusion (voir PETER BISCHOFBERGER, op.cit.,
n. 514; voir cependant DOMINIQUE PONCET, La protection de l'accusé par la
Convention européenne des droits de l'homme, p. 184, n. 527, qui soutient
que les règles de la CEDH concernant la communication avec le défenseur
s'appliquent également à la phase de l'instruction préparatoire, ce qui a
pour conséquence que toutes les dispositions des diverses procédures qui
ont pour effet d'interdire cette communication, ou de la suspendre, sont
contraires à la Convention). Il est vrai que, selon le ch. 93 des règles
minima pour le traitement des détenus, adoptées par le Comité des ministres
du Conseil de l'Europe en date du 19 janvier 1973, "un prévenu doit, dès
son incarcération, pouvoir choisir son avocat ou être autorisé à demander
la désignation d'un avocat d'office lorsque cette assistance est prévue,
et à recevoir des visites de son avocat en vue de sa défense". Toutefois,
cette résolution No (73) 5 du Comité des ministres contient seulement des
recommandations et non pas des normes de droit international obligatoires
pour les Etats membres du Conseil de l'Europe; selon la jurisprudence, un
détenu ne peut pas, par la voie du recours de droit public, se plaindre de
la violation d'une ou de plusieurs de ces recommandations (ATF 102 Ia 284
consid. 2c, 307 consid. 4a). Par ailleurs, il faut relever qu'en l'espèce,
ni le recourant, ni son défenseur n'ont réclamé, devant les instances
cantonales, l'observation stricte de la règle No 93; ils n'ont pas demandé
un assouplissement du régime du secret dans ce sens (art. 80 al. 2 CPP).

    Ainsi, en raison de son caractère exceptionnel et des conditions
rigoureuses - formelles et matérielles - auxquelles elle est subordonnée
en droit vaudois, l'institution de la mise au secret telle qu'elle est
réglementée aux art. 79 et 80 CPP n'apparaît pas en soi contraire aux
dispositions de l'art. 6 de la convention.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.