Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 103 IA 259



103 Ia 259

45. Extrait de l'arrêt du 8 juin 1977 dans la cause Perren-Sarbach contre
Conseil d'Etat du canton du Valais Regeste

    Art. 31 BV; Handels- und Gewerbefreiheit.

    1. Begriff der Handels- und Gewerbefreiheit; kant. Beschränkungen
insbesondere durch polizeiliche Massnahmen, die das öffentliche Interesse
rechtfertigt (E. 2a).

    2. Die Anforderung eines Befähigungszeugnisses oder eines als
gleichwertig anerkannten Ausweises, die Art. 1 lit. d des Walliser
Reglements betreffend die Ausübung des Berufes der Kosmetikerin, vom
24. Mai 1972, für die Ausübung dieses Berufes aufstellt, ist geeignet
die Volksgesundheit zu schützen (E. 2b, c und d).

    3. Eine solche Voraussetzung verstösst nicht gegen das
Verhältnismässigkeitsprinzip (E. 3).

Sachverhalt

    Pierrette Perren-Sarbach est titulaire d'un diplôme d'esthéticienne
décerné le 8 novembre 1971 par l'Association suisse d'esthéticiennes
propriétaires d'instituts de beauté et de relaxation (ASEPIB). Par lettre
du 12 juin 1972, le chef du Service valaisan de la santé publique l'informa
qu'elle ne remplissait pas les conditions exigées par la législation
valaisanne pour pratiquer d'une manière indépendante la profession
d'esthéticienne dans ce canton et qu'en conséquence l'autorisation qu'elle
avait requise ne pouvait lui être accordée. Pierrette Perren-Sarbach
accomplit alors un stage dans l'institut Carina, à Crans-sur-Sierre,
du 11 juillet 1972 au 17 juillet 1973. Elle prit ensuite, sans avoir
sollicité d'autorisation, la direction d'un institut de beauté, également à
Crans-sur-Sierre. Le chef adjoint du Service cantonal de la santé publique
imposa en conséquence, en application de l'art. 104 de la loi cantonale sur
la santé publique, la fermeture dudit institut, subordonnant sa réouverture
au respect de toutes les conditions posées par le règlement du 24 mai 1972.

    Au début de 1975, alors qu'elle exploitait sans autorisation un
institut à Monthey, Pierrette Perren-Sarbach requit l'autorisation
nécessaire à cette exploitation. Par lettre du 14 février 1975, le chef
adjoint du Service cantonal de la santé publique, se référant à ses
correspondances précédentes, l'informa que, devant un tel mépris des
dispositions légales, ledit service se trouvait dans l'obligation de lui
infliger une amende et de lui interdire immédiatement toute activité
dans le domaine des soins esthétiques. Par lettre du 24 février 1975,
le président de l'ASEPIB, agissant au nom de Pierrette Perren-Sarbach,
recourut contre cette décision auprès du Conseil d'Etat du canton du
Valais, lui demandant de revoir le règlement contesté.

    Le 12 mars 1975, le chef du Département de la santé publique infligea
à Pierrette Perren-Sarbach une amende de Fr. 200.-- pour infractions
aux art. 1er, 2 et 3 du règlement du 24 mai 1972 concernant la profession
d'esthéticienne.

    Par lettre du 11 avril 1975, le conseil de Pierrette Perren-Sarbach
informa le Conseil d'Etat qu'il confirmait le recours déposé le 24 février,
portant dorénavant sur la seule question de l'équivalence du certificat
de capacité. Considérant que le recours avait un effet suspensif, il
l'avisait en outre que sa cliente reprendrait immédiatement son activité.

    Par décision motivée du 10 novembre 1975, le chef du Département de
la santé publique ordonna la fermeture des locaux exploités par Pierrette
Perren-Sarbach, précisant que, sauf décision contraire du Conseil d'Etat,
le recours n'avait pas d'effet suspensif. Le 15 octobre 1976, le Conseil
d'Etat rejeta le recours que Pierrette Perren-Sarbach avait formé contre
cette décision.

    Agissant par la voie du recours de droit public, Pierrette
Perren-Sarbach conclut à l'annulation de la décision du 15 octobre 1976,
l'autorité compétente étant invitée à lui délivrer l'autorisation d'exercer
la profession d'esthéticienne.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- La recourante déclare ne pas mettre en cause la constitutionnalité
de l'art. 57 de la loi valaisanne sur la santé publique, du 18 novembre
1961 (LSP), autorisant le Conseil d'Etat, "en vue de la sauvegarde de
la santé publique, à réglementer les conditions d'exercice d'autres
professions, telles que esthéticiens et coiffeurs". En revanche, elle
soutient - en substance - que le règlement du 24 mai 1972 concernant la
profession d'esthéticienne, rendu en application de cette disposition
légale, consacre une violation du principe constitutionnel de la liberté
du commerce et de l'industrie. Elle relève en outre que ce règlement
distingue l'autorisation d'exercer la profession d'esthéticienne
(art. 1er) de l'autorisation d'exploiter un institut (art. 2): sans le
dire clairement, elle se plaint notamment du fait que l'exercice de la
profession d'esthéticienne lui est interdit même comme employée; selon
elle, en effet, la décision attaquée implique "par sa nature et d'ailleurs
dans ses considérants, un refus clair, net et définitif de l'autorisation
d'exercer la profession d'esthéticienne même au titre d'employée".

    a) La doctrine et la jurisprudence ont toujours interprété la notion de
commerce et d'industrie dans un sens large. Au regard de l'art. 31 Cst.,
une industrie est toute activité rétribuée exercée professionnellement
(ATF 87 I 271 consid. 2, 80 I 143 consid. 2, 67 I 87 consid. 3). Dès lors,
l'exercice d'une activité professionnelle à des fins lucratives (ATF 63 I
219) ou dans le but d'en tirer un revenu (ATF 87 I 271 et les arrêts cités)
bénéficie en principe de la garantie constitutionnelle de la liberté
du commerce et de l'industrie (ATF 101 Ia 476 consid. 2 b). En outre,
sensible aux critiques de la doctrine, le Tribunal fédéral a abandonné,
en 1958 déjà, la jurisprudence restrictive selon laquelle un employé ne
pouvait pas se prévaloir de la garantie de l'art. 31 Cst. (ATF 84 I 21
consid. 2). Cet article protège donc toute activité économique privée
tendant à la production d'un gain et exercée à titre professionnel, soit
toute activité déployée par une personne dans un but lucratif. Il couvre le
droit de choisir et d'exercer librement toute activité lucrative privée,
sur un point quelconque du territoire suisse, la liberté du commerce et
de l'industrie appartenant aussi bien aux employés ou salariés qu'aux
indépendants (ATF 100 Ia 174 et 175 consid. 3a et les références de
doctrine citées).

    Les cantons peuvent cependant apporter à la liberté constitutionnelle
du commerce et de l'industrie des restrictions consistant notamment en
des mesures de police justifiées par l'intérêt public; sont en revanche
prohibées les mesures qui interviennent dans la libre concurrence
pour assurer ou favoriser certaines branches de l'activité lucrative
ou certaines formes d'exploitation et qui tendent à diriger l'activité
économique selon un certain plan. Les prescriptions cantonales de police
visent à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la santé et la moralité
publique, à préserver d'un danger ou à l'écarter; elles doivent se limiter
à ce qui est nécessaire à la réalisation de ces tâches (ATF 100 Ia 175
consid. 3a, 99 Ia 373 consid. 2).

    La jurisprudence reconnaît donc aux cantons le droit d'imposer
le régime de la patente ou du certificat de capacité dans le choix de
certaines activités, dont il importe de réserver l'exercice aux personnes
qui en sont capables, la délivrance du certificat ou de la patente étant
généralement subordonnée à la réussite d'un examen d'aptitude. Toutefois,
cette restriction ne saurait reposer sur des raisons économiques; elle
ne peut se justifier que par des motifs de police. Il s'agit notamment
d'assurer la protection du public, lorsque l'activité présente des
dangers que seule une personne professionnellement capable est à même
d'écarter dans une mesure notable (ATF 100 Ia 175 et 176 consid. 3a et
les références de doctrine citées). Le Tribunal fédéral a déjà admis que
tel était le cas des guides de montagne (ATF 53 I 118 consid. 3), des
professeurs de ski (ATF 55 I 162 s. consid. 2), des colporteurs (ATF 55 I
76 et 77), des sages-femmes (ATF 59 I 183 consid. 1), des chiropraticiens
(ATF 80 I 16 consid. 4), des agents immobiliers (ATF 65 I 76 consid. 2),
des mécaniciens-dentistes (ATF 80 I 135 consid. 1), des chauffeurs de taxi
(ATF 79 I 339 s. consid. 4b), des installateurs d'appareils électriques
(ATF 88 I 67 consid. 5) et des directeurs d'écoles de ski (ATF 100 Ia 176
s. consid. 4a). En revanche, il a jugé en 1944 que le canton de Fribourg
ne pouvait pas obliger les maîtres coiffeurs à se munir d'une patente
pour l'exercice indépendant de leur profession (ATF 70 I 146 consid. 2),
mais il ne s'est pas encore prononcé au sujet des esthéticiennes.

    b) Aux termes de l'art. 1er du règlement valaisan concernant la
profession d'esthéticienne, du 24 mai 1972:

    "La personne qui veut exercer la profession d'esthéticienne doit
   remplir les conditions suivantes:

    a) être citoyenne suisse ou porteur d'un permis d'établissement;

    b) jouir de l'exercice complet des droits civils;

    c) offrir toute garantie au point de vue moralité et santé;

    d) être titulaire du certificat fédéral de capacité d'esthéticienne ou

    d'un titre équivalent reconnu;

    e) avoir reçu l'autorisation de pratiquer accordée par le Service de
   la santé publique."

    La recourante n'attaque pas le règlement dans son ensemble, ni même
toutes les conditions auxquelles cet art. 1er subordonne l'exercice,
dépendant ou indépendant, de la profession d'esthéticienne; en particulier,
elle admet implicitement l'exigence d'une autorisation de pratiquer, selon
l'art. 1er lettre e du règlement, puisqu'elle demande à titre subsidiaire
au Tribunal fédéral d'inviter l'autorité cantonale compétente à lui
délivrer cette autorisation. En réalité, c'est seulement la disposition
de l'art. 1er lettre d du règlement qu'elle conteste parce qu'elle
serait incompatible avec la garantie constitutionnelle de la liberté du
commerce et de l'industrie ou, sinon, du moins contraire au principe de
la proportionnalité qui en découle.

    Il faut donc examiner si, dans le cas des esthéticiennes, l'exigence
d'un certificat de capacité est justifiée par un intérêt public,
reconnu légitime et suffisant, plus exactement, si cette exigence est
fondée sur des considérations de police de la santé publique. Dans la
décision attaquée, le Gouvernement cantonal affirme que tel est bien
le cas. Il déclare avoir "considéré que la profession d'esthéticienne
fait courir au public certains dangers, tant corporels que moraux, qui
proviendraient essentiellement du fait que l'esthéticienne entre en contact
physique étroit avec la clientèle. En outre, certains dangers corporels
seraient créés par l'emploi nécessaire d'appareils ou de substances dont
l'application exige des qualités et des connaissances spéciales."

    c) En Valais, l'art. 4 du règlement du 24 mai 1972 interdit
aux esthéticiennes de donner des consultations et des soins médicaux
(lettre a), de délivrer des médicaments (lettre b), de traiter autrui par
des massages à caractère médical (lettre c), de procéder à l'épilation
électrique sauf autorisation spéciale (lettre d), de traiter autrui pour
les cors, les durillons, les verrues plantaires, les ongles incarnés et
de procéder à la taille des ongles des pieds ou à toute autre activité
réservée aux pédicures (lettre e) dont la profession est aussi réglementée
(voir le règlement du 20 juillet 1944 concernant la profession de
pédicure). On doit donc admettre que les esthéticiennes ne peuvent
pas exercer d'activité médicale ou paramédicale, mais cela n'autorise
pas encore la recourante à dire qu'"ainsi circonscrite et conçue par
le législateur, la profession d'esthéticienne n'entre à l'évidence pas
dans celles susceptibles de présenter des dangers pour le public, qu'une
capacité professionnelle établie avec formalisme soit seule en mesure de
diminuer notablement".

    En fait, l'esthéticienne s'occupe essentiellement des soins de beauté
du visage et du corps. Elle entre donc nécessairement en contact physique
étroit avec le visage et certaines parties du corps féminin où la peau est
peut-être la plus sensible; elle doit, de ce fait, apprendre à travailler
dans des conditions rigoureuses de propreté et il faut aussi relever que,
même lorsqu'elle ne dirige pas l'institut de beauté, toute esthéticienne
doit pouvoir travailler de manière indépendante, car elle donne
généralement elle-même tous les soins que demande la cliente. En outre,
ces soins de beauté comportent certains traitements que l'esthéticienne
administre au moyen d'appareils que n'importe qui ne peut pas manipuler
sans danger: il semble, en effet, que ces traitements (électriques, à
rayons ultraviolets ou à infrarouge) peuvent avoir des effets bénéfiques
ou, au contraire, nocifs, selon les divers types de peau. L'esthéticienne
doit donc nécessairement avoir une connaissance approfondie non seulement
du fonctionnement de ces appareils, mais des effets de ces traitements sur
la peau et ce n'est probablement pas sans raison que l'OFIAMT attache une
certaine importance, dans le programme d'apprentissage, à l'enseignement
méthodique et progressif de la connaissance de ces appareils (art. 5 et 6
du règlement provisoire du 18 février 1971 concernant l'apprentissage et
l'examen d'apprentissage de la profession d'esthéticienne). Par ailleurs,
l'esthéticienne emploie aussi des crèmes, laits, lotions et autres
cosmétiques, dont l'application sur certains types de peau peut provoquer
des allergies. Sans doute, dans la mesure où elle ne compose pas elle-même
ces cosmétiques, l'esthéticienne n'a pas à connaître les prescriptions
détaillées que le Département fédéral de l'intérieur a établies dans son
ordonnance du 7 décembre 1967 concernant les cosmétiques (RS 817.641),
mais elle doit au moins connaître les propriétés de ces divers cosmétiques.

    Ainsi, même limitée aux seuls soins de beauté du visage et du corps
(à l'exclusion de tous soins à caractère médical ou paramédical),
l'activité professionnelle de l'esthéticienne apparaît susceptible de
mettre en danger la santé des clientes dans la mesure tout au moins où
elle est exercée par une personne inexpérimentée et ignorante de ces
risques. Au regard de la jurisprudence, il est dès lors justifié, pour
sauvegarder la santé publique, d'exiger des esthéticiennes la possession
d'un certificat de capacité. Il est vrai que, dans un arrêt Äbischer
du 15 mai 1944 cité par la recourante, le Tribunal fédéral a annulé une
loi fribourgeoise concernant la profession de maître coiffeur; mais, en
obligeant les personnes exploitant à leur compte un salon de coiffure à
se munir d'une patente, cette loi apparaissait comme une mesure typique
de politique commerciale, incompatible avec l'art. 31 Cst. Cette loi
n'exigeait pas que les employés présentent les même garanties physiques,
morales et professionnelles que les patrons, de sorte qu'elle ne suffisait
même pas à la protection de l'intérêt public qu'alléguait le Gouvernement
cantonal; en outre, le Conseil d'Etat fribourgeois avait lui-même dit que
la loi avait pour but de régulariser la profession, précisant à ce sujet
que les coiffeurs avaient demandé que leur profession fût réglementée
afin de porter remède à la pléthore des salons de coiffure dans le canton
de Fribourg. Enfin, la loi fribourgeoise n'exigeait, des seuls patrons,
que l'obtention d'une patente et non pas la possession d'un certificat de
capacité professionnelle (ATF 70 I 148 consid. 2). Or la situation dans le
cas présent est bien différente: selon le règlement valaisan, les personnes
qui désirent exercer, de manière dépendante ou indépendante, la profession
d'esthéticienne doivent, par la production d'un certificat de capacité,
prouver qu'elles ont acquis l'expérience et les connaissances nécessaires
(art. 1er) et, de plus, il subordonne l'autorisation d'exploiter à son
compte un institut de beauté à la preuve que l'installation de cet institut
présente toujours les garanties requises (art. 2). D'autre part, il est
clair que l'activité du coiffeur ne présente pas les mêmes risques pour
le public que celle d'esthéticienne; contrairement à l'opinion soutenue
par la recourante, il n'est nullement démontré qu'en autorisant le Conseil
d'Etat à réglementer "les conditions d'exercice d'autres professions telles
que esthéticiennes et coiffeurs" (art. 57 LSP), le législateur valaisan
ait voulu assimiler, en tout point, ces deux professions. C'est donc en
vain que la recourante cite, à l'appui de son recours, l'arrêt Äbischer.

    d) Le 18 février 1971, l'OFIAMT a édicté un règlement provisoire
concernant l'apprentissage et l'examen de fin d'apprentissage de la
profession d'esthéticienne. C'est pour tenir compte de la création, dans
cette profession, d'un certificat fédéral de capacité (voir les art. 32
LF sur la formation professionnelle et 17 du règlement provisoire)
que le Conseil d'Etat valaisan a, par arrêté du 24 mai 1972, modifié
son règlement concernant la pratique de l'esthétique du 27 novembre
1956. Fondé sur la disposition de l'art. 57 LSP, ce nouveau règlement
concernant la profession d'esthéticienne a été édicté sur proposition
du Département de la santé publique et préavis du Conseil cantonal de la
santé. Le Gouvernement cantonal n'a pas agi à la demande des propriétaires
d'instituts de beauté et rien ne permet de penser qu'il a édicté ce nouveau
règlement pour des motifs de politique économique. Il dit, au contraire,
avoir été amené à prendre sa décision par des considérations de police,
dans le but de sauvegarder la santé publique; la recourante n'apporte
d'ailleurs aucun élément de fait qui l'autorise à contredire cette
déclaration de l'autorité cantonale.

    Au regard de la jurisprudence, l'exigence d'un certificat de capacité,
telle qu'elle est prévue à l'art. 1er lettre d du règlement cantonal,
n'apparaît donc pas incompatible avec la garantie constitutionnelle
de la liberté du commerce et de l'industrie. Dans un arrêt ancien, le
Tribunal fédéral a d'ailleurs déjà jugé que ce principe constitutionnel ne
s'oppose nullement à ce que l'exercice de la profession de masseur (pour
des massages non médicaux) soit subordonné à certaines conditions jugées
nécessaires pour prévenir les risques que l'ignorance ou l'inexpérience
du masseur impliquent pour le public (ATF 43 I 33 consid. 3). En outre,
il faut aussi relever qu'en droit lucernois, "ist jede Massagetätigkeit
bewilligungspflichtig, ob sie nun ausschliesslich als Ausübung der
Heilkunde, oder bloss als Mittel zur Stärkung, Ausbildung und Verschönerung
des Körpers betrachtet wird" (EMIL GREBER, Die Polizeierlaubnis, ihre
Erteilung und ihr Entzug nach luzernischem Recht, thèse Fribourg 1955,
p. 92). Or, précisément, les massages du visage ou du corps semblent
jouer un rôle non négligeable dans l'activité de l'esthéticienne.

    Ainsi, le principal moyen de recours n'apparaît pas fondé: en
subordonnant l'exercice de la profession d'esthéticienne à la possession
du certificat fédéral de capacité ou d'un titre reconnu équivalent, le
règlement valaisan du 24 mai 1972 ne viole pas le principe constitutionnel
de la liberté du commerce et de l'industrie. On pourrait d'ailleurs se
demander si la recourante n'est pas juridiquement liée par la déclaration
que son mandataire actuel a faite au Conseil d'Etat dans sa lettre du
11 avril 1975. En effet, tout en confirmant le recours formé contre la
décision que le chef adjoint du Service de la santé avait prise le 14
février 1975, l'avocat de la recourante avait lui-même relevé que le
seul élément faisant encore l'objet du recours était "la contestation de
l'équivalence du certificat de capacité de Mme Perren"; il reconnaissait
ainsi, au moins implicitement, le bien-fondé de l'exigence d'un certificat
de capacité.

Erwägung 3

    3.- La recourante fait aussi valoir que l'exigence du certificat
fédéral de capacité ou d'un titre reconnu équivalent (art. 1er lettre d
du règlement) devrait être sanctionnée comme une violation du principe de
la proportionnalité. Selon elle, "la santé des clientes d'un institut de
beauté peut et doit être sauvegardée par des restrictions moins lourdes à
la liberté du commerce et de l'industrie que l'exigence litigieuse". C'est
là une question que le Tribunal fédéral examine en principe librement.

    a) Contrairement à l'opinion soutenue par la recourante, il n'est
nullement démontré que "l'article 4 de même que l'article 5 du règlement
constituent des garanties largement suffisantes pour la clientèle et
le public".

    Certes, en interdisant, à l'art. 4 de son règlement, tous soins à
caractère médical ou paramédical, le Conseil d'Etat valaisan a déjà pris
une mesure dans le but d'écarter certains risques d'atteintes à la santé
des clientes de l'esthéticienne. Mais il ne faut pas oublier qu'il reste à
celle-ci un champ d'activité relativement vaste, qui correspond d'ailleurs
à l'activité propre de l'esthéticienne, telle que l'OFIAMT l'a définie dans
son règlement provisoire du 18 février 1971 concernant l'apprentissage
et l'examen de fin d'apprentissage de la profession d'esthéticienne. Or
on a déjà admis (voir ci-dessus, consid. 2b) que, même limitée aux soins
de beauté du visage et du corps, cette activité comporte certains dangers
pour la santé, dans la mesure où la personne qui exerce cette activité n'a
pas acquis l'expérience et les connaissances nécessaires. Il est d'ailleurs
vraisemblable que l'apprentissage prévu dans le règlement provisoire du 18
février 1971 est précisément destiné à donner aux futures esthéticiennes
cette expérience et ces connaissances. En fait, l'art. 4 du règlement
valaisan ne fait que délimiter le champ d'activité de l'esthéticienne; il
est dès lors clair que cette disposition réglementaire ne constitue aucune
garantie contre les risques qu'implique l'exercice de cette activité.

    Quant à l'art. 5 du règlement, il dispose simplement que "le Service
de la santé s'assure de la bonne tenue et de l'exploitation correcte des
salons de beauté par des inspections auxquelles il peut procéder en tout
temps". Or, même si les fonctionnaires du Service de la santé avaient le
pouvoir de contrôler la qualité des prestations des personnes travaillant
dans un institut de beauté - ce qui est pour le moins discutable - ils
ne pourraient de toute façon pas, par des inspections même fréquentes des
salons de beauté, vérifier si ces personnes ont bien acquis l'expérience
et les connaissances, théoriques et pratiques, que requiert un exercice,
exempt de risques, de la profession d'esthéticienne; il est probable
d'ailleurs que le Service cantonal de la santé publique ne dispose pas
de fonctionnaires experts en esthétique.

    En réalité, si l'on admet que l'exercice de la profession
d'esthéticienne exige une certaine expérience et des connaissances,
théoriques et pratiques, relativement étendues, il est clair que l'on peut
- et doit - dans l'intérêt public, demander aux personnes qui désirent
travailler dans un institut de beauté d'apporter la preuve qu'elles ont
bien acquis cette expérience et ces connaissances. Or le certificat de
capacité est précisément l'un des moyens le plus souvent utilisé pour
rapporter cette preuve (voir les art. 28 al. 1 et 32 al. 1 LF sur la
formation professionnelle; voir aussi JÜRG LARGIER, Der Fähigkeitsausweis
im schweizerischen Wirtschaftsrecht, thèse Zurich 1950, p. 24). En soi,
l'exigence d'un tel certificat de capacité n'est donc pas contraire au
principe de la proportionnalité et il est significatif à cet égard que la
recourante ne propose aucune autre mesure de contrôle qui soit de nature
à garantir le public contre les risques que l'ignorance et l'inexpérience
d'une esthéticienne non instruite pourraient impliquer.

    b) L'art. 11 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur la formation
professionnelle donne au Département fédéral de l'économie publique ou,
à titre provisoire, à l'OFIAMT la compétence d'édicter des règlements
concernant l'apprentissage et l'examen de fin d'apprentissage dans les
diverses professions soumises à cette loi; en outre, selon l'art. 32 al. 1
de cette loi, celui qui a subi avec succès l'examen de fin d'apprentissage
reçoit le certificat fédéral de capacité. Sauf dans les professions
où le législateur fédéral est intervenu en vertu des pouvoirs que la
constitution lui a conférés (en vertu notamment de l'art. 31 bis Cst.),
ce sont les cantons qui peuvent fixer ces conditions, de même qu'ils
peuvent renoncer à réglementer l'exercice de certaines professions. Ainsi,
lorsque l'autorité fédérale a créé un certificat fédéral de capacité dans
une profession déterminée, les cantons ne sont pas tenus de subordonner
l'exercice de cette profession à la possession du certificat de capacité
(HANS NEF, La liberté du commerce et de l'industrie, FJS No 619 p. 3 et
4). Ils n'ont le droit de le faire que dans la mesure compatible avec la
garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie,
comme aussi avec le principe de la proportionnalité qui en découle.

    En droit fédéral, le certificat de capacité atteste que son détenteur
a subi avec succès l'examen de fin d'apprentissage et possède ainsi
l'habileté et les connaissances nécessaires pour exercer sa profession
(art. 7 al. 1 LF sur la formation professionnelle). Or cette expérience et
ces connaissances professionnelles peuvent être jugées nécessaires à deux
points de vue différents: elles peuvent être nécessaires pour permettre
de réussir sur le plan économique ou pour écarter les dangers qu'implique
pour le public l'exercice libre d'une profession déterminée. Il en résulte
logiquement que l'exigence du certificat fédéral de capacité pour être
autorisé à exercer une profession peut être envisagée comme une mesure
de politique économique, tendant notamment à corriger les effets de la
concurrence par l'élimination des incapables, mais elle peut aussi être
envisagée comme une mesure de police, destinée à écarter, dans l'intérêt
du public, les dangers qu'impliquent l'inexpérience ou l'ignorance (JÜRG
LARGIER, op.cit., thèse Zurich 1950, p. 33) et l'on sait que tel peut
être le cas dans la profession d'esthéticienne.

    Il faut donc examiner si l'obtention du certificat fédéral de capacité
d'esthéticienne est soumise à des conditions que la sauvegarde de la
santé publique ne requiert pas. S'agissant de questions principalement
techniques, le Tribunal fédéral doit procéder à cet examen avec une
certaine retenue.

    c) Lorsque, dans une profession déterminée, l'apprentissage
fait l'objet d'une réglementation fédérale au sens de la loi sur la
formation professionnelle, les personnes qui ont régulièrement suivi cet
apprentissage ont le droit - et l'obligation - de se présenter à l'examen
de fin d'apprentissage, mais d'autres personnes y sont également admises
à condition qu'elles aient exercé la profession pendant une période au
moins double de celle qui est prescrite pour cet apprentissage et qu'elles
prouvent avoir suivi un enseignement professionnel ou acquis d'une autre
manière les connaissances requises (art. 29 al. 1 et 30 al. 1 LF sur la
formation professionnelle). Or l'apprentissage d'esthéticienne est soumis
au règlement provisoire du 18 février 1971. Il dure trois ans et ne peut
pas commencer avant que l'apprentie ait atteint l'âge de 16 ans révolus,
ce "pour tenir compte des exigences particulières de la profession"
(art. 1er al. 3 et 4 du règlement provisoire du 18 février 1971). Au
cours de ces trois années, l'apprentie doit non seulement suivre un
enseignement de 960 h, selon un programme détaillé, comprenant les
connaissances professionnelles générales, la connaissance des appareils
et celle des cosmétiques, ainsi que des cours de culture générale (voir
l'annexe au règlement provisoire), mais encore recevoir de sa maîtresse
d'apprentissage une formation pratique, menée systématiquement, avec
"répétition constante de ce que l'apprentie sait déjà, de manière qu'à
la fin de l'apprentissage elle soit capable d'exécuter seule et en un
temps convenable tous les travaux énumérés au programme de formation"
(art. 4 al. 4 du règlement provisoire du 18 février 1971).

    Certes, ces conditions pour être admise à l'examen de fin
d'apprentissage et, par voie de conséquence, pour pouvoir obtenir le
certificat fédéral de capacité d'esthéticienne paraissent rigoureuses,
mais elles ne sont pas manifestement excessives si l'on tient compte du
fait que l'exercice - à titre dépendant ou indépendant - de la profession
d'esthéticienne exige, dans l'intérêt du public et notamment pour protéger
la santé des clientes, des qualités particulières de propreté et d'habileté
ainsi que des connaissances professionnelles étendues et approfondies qui
ne peuvent être acquises que par une formation pratique et un enseignement
professionnel de durée relativement longue. Il est vrai que l'apprentie
doit également suivre des cours de technique de vente (80 h), de langue
étrangère (120 h) et de culture générale (380 h). Ces cours ne sont
pas destinés à permettre à la future esthéticienne d'éviter les dangers
que son activité comporte pour la santé des clientes; ils ont pour but
de parfaire l'éducation générale de l'apprentie, conformément à l'art. 7
al. 1 de la loi sur la formation professionnelle. Il faut cependant relever
que l'ensemble de ces cours de culture générale représente moins de 10%
du temps que l'apprentie consacre à sa formation professionnelle. Cela
signifie qu'ils n'ont pas pour effet de prolonger, de manière exagérée,
la durée de l'apprentissage; la recourante elle-même ne prétend pas
le contraire.

    Dans ces conditions, l'exigence, prévue à l'art. 1er lettre d
du règlement valaisan concernant la profession d'esthéticienne, du
certificat fédéral de capacité ou d'un titre reconnu équivalent n'apparaît
pas disproportionné au but poursuivi, qui est de sauvegarder la santé
publique. Il est à cet égard significatif que la la recourante ne donne
aucun renseignement précis sur d'autres possibilités que les futures
esthéticiennes auraient d'acquérir l'expérience et les connaissances
nécessaires. Le motif de recours tiré d'une prétendue violation du principe
de la proportionnalité n'est donc pas fondé.