Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 V 91



102 V 91

22. Extrait de l'arrêt du 23 juin 1976 dans la cause Schmidlin contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents contre Schmidlin et Tribunal des
assurances du canton de Vaud Regeste

    Art. 26 Abs. 1 und 74 Abs. 3 KUVG. Über den Begriff der
Überversicherung in der Krankenversicherung und in der obligatorischen
Unfallversicherung (Erw. II).

    Art. 99 Abs. 1 KUVG und 62 ff. OR. Rückforderung einer bezahlten
Nichtschuld durch die SUVA. Pflicht der SUVA zu einer solchen Rückforderung
(Erw. III).

    Anwendung des Art. 47 AHVG in der Unfallversicherung.

Sachverhalt

                      Résumé des faits:

    A.- René Schmidlin, assuré auprès de la Caisse nationale, a été
victime le 4 janvier 1970 d'un accident de ski et a subi à cette occasion
une fracture ouverte de la jambe gauche. Des complications médicales ont
nécessité plusieurs interventions chirurgicales. C'est ainsi que jusqu'à
fin 1972 l'intéressé a été hospitalisé pendant 543 jours au total. La
Caisse nationale lui a versé pour cette période, à titre d'acomptes sur
les indemnités de chômage, un montant de 45'126 fr. 85.

    L'intéressé a touché en outre pour la période allant de la date de
son accident à fin 1972 les prestations suivantes:

    a) de l'Assicuratrice Italiana, en vertu d'une assurance complémentaire
à la Caisse nationale, une somme de 10'935 fr. 90 correspondant à la perte
de salaire (allocations et gratifications non comprises) non couverte
par l'assurance-accidents obligatoire;

    b) de l'assurance-invalidité fédérale, des rentes d'invalidité
s'élevant, compléments compris, à 8'770 fr. au total pour la période du
1er août 1971 au 30 novembre 1972;

    c) de la Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine
(Rentenanstalt), une somme de 5'430 fr., en vertu d'un avenant à une police
d'assurance-vie garantissant une indemnité journalière de 10 fr. en cas
d'hospitalisation par suite de maladie ou d'accident, correspondant aux
543 jours d'hôpital;

    d) de cette même société, une somme de 5'000 fr. 10, en vertu d'un
avenant prévoyant une rente d'invalidité de 2'000 fr. par an en cas
d'incapacité de gain par suite de maladie, d'accident ou d'invalidité.

    La Caisse nationale, informée au printemps 1973 des versements de
l'assurance-invalidité et de la Rentenanstalt, a examiné la question
de la surassurance. Elle a abouti à une surassurance de 16'560 fr. 60,
d'où résultait un trop-perçu de 16'914 fr. 80. Par décision du 23 octobre
1973, elle a demandé à l'assuré des propositions pour le remboursement
de cette somme.

    B.- L'assuré a recouru.

    Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a tenu le recours pour
fondé sur deux points:

    a) considérant que l'indemnité journalière en cas d'hospitalisation
versée par la Rentenanstalt n'avait pas pour but économique de compenser
une perte de gain, il a prononcé que la somme de 5'430 fr. ne devait pas
être prise en compte dans le calcul de la surassurance;

    b) constatant que du fait des arrêts de travail les gratifications
avaient été réduites de 840 fr., il a ajouté ce montant à la perte de
gain retenue par la Caisse nationale.

    Il a rejeté en revanche les autres moyens de l'assuré et, par jugement
du 26 février 1975, a admis le recours en ce sens que la somme à restituer
était ramenée à 10'644 fr. 80.

    C.- Tant René Schmidlin que la Caisse nationale interjettent recours
de droit administratif.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

II

Erwägung 1

    II.1.- L'art. 74 al. 3 LAMA dispose que "si pour le même accident des
prestations sont versées par d'autres assureurs, l'indemnité de chômage
ne peut excéder la différence entre le montant de ces prestations et le
total du gain dont l'assuré se trouve privé".

    Le Tribunal fédéral des assurances a récemment eu l'occasion de se
déterminer sur le second terme de la comparaison susmentionnée, soit sur la
définition du gain dont l'assuré se trouve privé. Il a prononcé qu'il n'y
a pas perte de gain dans la mesure où l'employeur est tenu à prestations,
que ce soit en vertu de la loi ou du contrat; que des prestations purement
volontaires de l'employeur, en revanche, n'ont pas pour effet d'annihiler
ou de réduire la perte de gain (RO 97 V 94 et 99 V 140).

    Mais sur le premier terme de la comparaison, soit sur la définition
des "prestations versées par d'autres assureurs", il n'y a guère de
jurisprudence. La Cour de céans a précisé toutefois il y a longtemps
déjà qu'il doit s'agir de prestations effectivement fournies, non pas de
prétentions non réalisées (ATFA 1944, p. 69). Cet arrêt critiqué par MAURER
(Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung,
2e éd., p. 209) ne dit rien, en revanche, de la nature de ces prestations.

    La Caisse nationale soutient qu'il faut entendre par là l'ensemble
des prestations en argent - quelles que soient leur dénomination ou
leur affectation - versées pour la même période et pour les suites du
même accident.

    Il apparaît d'emblée que cette thèse ne saurait être retenue en ses
termes absolus. Il est en effet exclu de tenir compte de prestations
destinées à couvrir un dommage matériel, p.ex. la détérioration
d'habits, la destruction d'un véhicule à moteur, l'incendie de mobilier,
etc. L'application de l'art. 74 al. 3 LAMA doit à l'évidence être
restreinte aux seules prestations en relation avec les séquelles
corporelles de l'accident. La Caisse nationale ne semble d'ailleurs pas
songer à soutenir le contraire. Mais toute indemnisation en rapport avec
l'atteinte portée au corps humain doit-elle nécessairement être prise en
compte dans le cadre de cette disposition?

    La question soulève des problèmes dont le Tribunal fédéral des
assurances a été saisi en matière d'assurance-maladie, à savoir ceux de
la concordance des prestations et de leur comparaison globale ou séparée
(cf. RJAM 1973 No 176, p. 147; 1974 No 189, p. 11 et No 200, p. 141;
arrêt non publié Amrein du 12 novembre 1975). En cette matière, la Cour
de céans a adopté le principe de la concordance et reconnu que l'art. 26
al. 3 LAMA vise les prestations de tiers assureurs dont la fonction est
assimilable à celle des prestations allouées par l'assurance-maladie dans
le cas d'espèce. Quant au calcul de la surassurance, elle a prononcé
qu'il fallait établir un compte global, et non un compte séparé pour
chaque catégorie de risques; mais il a déclaré dans le dernier arrêt
cité ci-dessus que le problème n'était pas nécessairement ainsi résolu
de façon définitive.

    Sans doute la situation n'est-elle pas identique dans
l'assurance-maladie et dans l'assurance-accidents. Les textes légaux
eux-mêmes divergent: tandis que l'art. 26 al. 1 LAMA dispose d'une manière
toute générale que l'assurance-maladie ne doit pas être une source de
gain pour l'assuré et que l'art. 16 Ord. III exclut le versement de
prestations dépassant le montant intégral de la perte de gain, des frais
médico-pharmaceutiques et des autres frais entraînés par la maladie qui ne
sont pas couverts par ailleurs, l'art. 74 al. 3 LAMA se borne à exclure une
surindemnisation de la perte de salaire encourue. Mais la situation n'est
pas fondamentalement différente pour autant, et l'on ne saurait admettre
en droit qu'il puisse y avoir gain illicite résultant de prestations
d'assurance destinées à couvrir un dommage dont la Caisse nationale
n'assume pas la couverture. Le principe de la concordance des prestations
est donc un élément constitutif de la notion même de surassurance, dans
l'assurance-accidents aussi bien que dans l'assurance-maladie.

    Reste à examiner la question du compte global ou séparé pour
chaque catégorie de risques. Mais ce problème, actuellement indécis dans
l'assurance-maladie, est automatiquement résolu dans l'assurance-accidents,
du seul fait que la Caisse nationale n'accorde pas de prestations
en espèces pour le traitement médical, mais fournit ce traitement en
nature. La valeur en est certes chiffrable; tenir compte de cette valeur
dans le cadre d'un compte global aurait cependant pour conséquence absurde
que le patient se faisant hospitaliser en division privée pourrait voir
le surplus des frais de traitement couvert par le biais des indemnités
de chômage, ce qui ne saurait être admis.

    En conclusion, seules doivent être prises en compte les prestations
d'autres assurances destinées à compenser la perte de gain.

Erwägung 2

    II.2.- Que faut-il entendre par là?

    Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral relative à
l'art. 96 LCA, toute assurance-vie ou accidents privée est une assurance de
somme; et même si ses prestations sont fixées en fonction du dommage, elles
ne peuvent être considérées comme destinées à compenser ce dommage (voir
p. ex. RO 100 II 453 et 94 II 173, plus spécialement p. 186 consid. 8b). Si
l'on adoptait cette thèse civiliste - d'ailleurs critiquée par la doctrine
(voir MAURER, Cumul et subrogation dans l'assurance sociale et privée,
Berne, 1976, pp. 84 ss) -, pareilles prestations ne pourraient jamais être
prises en compte dans le calcul d'une éventuelle surindemnisation. Mais,
quelque opinion que l'on puisse exprimer sur la jurisprudence relative à
l'art. 96 LCA, il n'y a pas contradiction à considérer que l'art. 74 al. 3
LAMA - comme la Cour de céans l'a fait, sans même aborder la question,
à propos de l'art. 26 al. 3 LAMA - part d'une tout autre optique et d'une
notion essentiellement économique de la surassurance.

    Pour ce même motif, la dénomination choisie par les parties
pour désigner les prestations d'assurance convenues ne saurait être
déterminante. Le fait p.ex. d'appeler rente une prestation versée
durant une incapacité temporaire de travail ne suffit pas à lui enlever
le caractère de compensation de la perte de salaire, si telle apparaît
être sa fonction économique.

    Déterminer la fonction économique d'une prestation ne sera certes
pas toujours facile, ainsi que l'objecte la Caisse nationale. Il arrivera
ainsi qu'une assurance privée verse une rente d'invalidité qui - découlant
d'un barème ("Gliedertabelle") - ne correspondra en rien à une perte de
gain; et le plus fréquemment l'atteinte donnera lieu au versement d'un
capital, qui échappera vraisemblablement à toute prise en compte. Mais les
difficultés pratiques ne sauraient l'emporter sur la situation de droit.

Erwägung 3

    II.3.- En l'espèce, outre les indemnités de chômage de la Caisse
nationale, l'intéressé a touché des prestations de quatre sources.

    La prise en compte de deux de ces prestations dans le cadre
de l'art. 74 al. 3 LAMA n'est pas ou plus litigieuse. Il s'agit
des prestations versées par l'Assicuratrice Italiana en vertu d'une
assurance complémentaire à la Caisse nationale, d'une part, et de la rente
d'invalidité versée par la Rentenanstalt, d'autre part. Si les premières
compensent de toute évidence une perte de gain effective (non couverte
par la Caisse nationale), le caractère de la rente d'invalidité mérite
quelques commentaires: l'assurance en vertu de laquelle cette rente est
versée est une assurance de somme au sens de la jurisprudence relative
à l'art. 96 LCA, et le montant convenu de la prestation n'a aucun lien
avec celui du gain. Mais le droit à la rente découle de l'incapacité de
gain - définitive ou temporaire - et le montant en est proportionnel au
degré de cette incapacité (art. 14 des conditions générales). Si l'on
part du critère de la fonction économique, le but de la rente est donc
bien de compenser une perte de salaire. On constate ainsi que ce qui est
déterminant n'est pas le calcul de la prestation - somme forfaitaire ou
fixée en fonction du gain - mais la cause de son octroi.

    La troisième de ces prestations est une rente simple de
l'assurance-invalidité, avec rente complémentaire pour l'épouse. En
procédure cantonale, l'assuré avait soutenu que, puisque l'art. 45
al. 1 LAI autorisait jusqu'à fin 1973 le cumul d'une rente de
l'assurance-invalidité avec une rente de la Caisse nationale en cas
d'accident non professionnel, il devait en aller de même du cumul entre
la rente de l'assurance-invalidité et les indemnités de chômage de la
Caisse nationale. Il a abandonné cette thèse en procédure fédérale,
mais fait valoir que la rente complémentaire ne devrait pas être prise
en considération dans le décompte de surassurance. Le Tribunal fédéral
des assurances a rejeté déjà pareille solution dans un cas de cumul
d'une rente de couple avec une rente de l'assurance militaire (RO 100
V 83), et il doit en être de même quant aux rentes complémentaires de
l'assurance-invalidité dans le cadre de l'art. 74 al. 3 LAMA. Toute rente
de l'assurance-invalidité a en effet pour cause une incapacité de gain,
et ce n'est pas son mode de calcul - avec adjonction de prestations selon
les charges familiales - qui peut lui enlever son but de compensation
(forfaitaire) de la perte de gain; seule l'ampleur de la compensation
varie selon ces charges (voir à ce sujet MAURER, Cumul et subrogation,
art. C chiffre 2, p. 77).

    La quatrième et dernière prestation consiste en la somme versée
par la Rentenanstalt en vertu d'un avenant à une police d'assurance-vie
garantissant une indemnité journalière de 10 fr. en cas d'hospitalisation
par suite de maladie ou d'accident. Le fait qu'il s'agit d'une assurance
de somme au sens de la jurisprudence relative à l'art. 96 LCA ne
s'oppose pas à la prise en compte d'une telle prestation. Mais il faut
constater, à l'instar du juge cantonal, que la cause de son octroi n'est
pas l'incapacité de gain; elle est une hospitalisation. Et le but de la
prestation n'est pas de compenser une perte de salaire; il est de couvrir
les frais annexes liés pratiquement à toute hospitalisation.

    Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a réservé le cas où le
rôle attribué à la prestation d'assurance privée ne coïnciderait pas avec
l'effet économique qu'elle exercerait en réalité, p.ex. des indemnités
journalières d'hospitalisation d'un montant si élevé qu'elles dépasseraient
de beaucoup les frais entraînés par l'hospitalisation. Semblable réserve
a déjà été faite par le Tribunal fédéral des assurances en matière
d'assurance-maladie (RJAM 1974 No 189, p. 11). La Caisse nationale en
tire argument pour déclarer impossible de déceler si telle prestation
d'un assureur privé est destinée à compenser une perte de gain. Mais,
outre que les cas d'indemnités d'hospitalisation démesurées seront sans
doute extrêmement rares, les difficultés pratiques ne sauraient former
obstacle à l'application du droit.

    Il est vrai par ailleurs que la Caisse nationale tient compte de
certains frais nécessaires engendrés par l'accident, en les déduisant
du revenu lors du calcul de la perte de gain. Bien qu'elle n'ait pas
de base légale, cette pratique répond à des motifs d'équité et n'a
jamais été contestée par la jurisprudence (RO 99 V 140, en particulier
145 consid. 4 in fine). Il pourrait donc se produire que les mêmes frais
soient couverts à double, d'une part du fait de la déduction opérée par la
caisse et d'autre part par les indemnités d'hospitalisation de l'assurance
privée; mais pareille situation n'est pas donnée en l'espèce, comme l'a
constaté à bon droit le juge cantonal, vu la modicité tant de la déduction
opérée que de l'indemnité assurée. Au demeurant, il sied de relever que
l'existence de frais accessoires déductibles ne doit pas être admise trop
facilement par la Caisse nationale, si l'on ne veut pas défavoriser celui
qui a fait l'effort de s'assurer par rapport à l'imprévoyant. Sans doute
le principe même de l'interdiction de la surindemnisation implique-t-il
une certaine pénalisation de l'homme prudent (on le voit en l'occurrence
avec la rente d'invalidité de la Rentenanstalt), qui devrait cependant
ne pas devenir excessive.

    En bref, la Cour de céans se rallie aux thèses retenues dans le
jugement attaqué à propos de chacune des prestations ici en cause,
thèses qui aboutissent - les calculs n'étant en soi pas litigieux -
à fixer à 10'644 fr. 80 la somme que l'assuré a indûment touchée de la
Caisse nationale.

III

Erwägung 1

    III.1.- Le montant de la surassurance au sens de l'art. 74 al. 3 LAMA
et la somme que l'assuré a indûment touchée de ce fait étant établis,
il faut examiner par quelle voie la Caisse nationale doit en exiger le
remboursement. En effet, il ne saurait être laissé au libre arbitre de
l'administration de décider de cas en cas si elle entend demander ou non
restitution de prestations touchées sans droit: s'il y a eu versement indu,
la Caisse nationale a le devoir d'en exiger le remboursement, en principe
du moins, à l'instar de ce qui est prescrit dans les autres branches
des assurances sociales (voir art. 47 al. 1 LAVS, auquel renvoient les
art. 49 LAI, 11 LFA et 27 al. 1 OPC; art. 35 al. 1 LAC, 20 al. 1 LAPG;
pour l'assurance-maladie, voir ATFA 1967, p. 5, plus spécialement consid. 3
lit. c in fine, pp. 13-14, ainsi que RO 99 V 193 et 98 V 158).

    En première instance, la Caisse nationale avait soutenu que son droit
d'exiger restitution découlait directement de l'art. 74 al. 3 LAMA et
n'avait besoin d'aucun autre fondement. Le juge cantonal a fait justice de
cette thèse, dont René Schmidlin conteste à raison l'exactitude dans son
recours de droit administratif. Si l'art. 74 al. 3 LAMA pose le principe
de la surassurance et permet de dire ce que l'assurance doit ou ne doit
pas, il ne contient rien sur la répétition des montants que la caisse a
payés alors qu'elle ne les devait pas en vertu de cette disposition. Il
faut donc rechercher quelle est la règle applicable, ce que la Caisse
nationale ne conteste apparemment plus en procédure fédérale.

    Dans le domaine de l'assurance-maladie, régie par le titre premier
de la LAMA, il n'existe aucune norme légale. Le Tribunal fédéral des
assurances a déclaré l'art. 47 LAVS applicable par analogie lorsque des
dispositions statutaires - lesquelles peuvent tout aussi bien renvoyer
aux art. 62 ss CO - font défaut (voir en particulier ATFA 1967, p. 5,
plus spécialement consid. 3, pp. 10-14, et RJAM 1971 No 98, p. 123;
cf. également RO 88 I 213, plus spécialement pp. 216-217, et 78 I 86). Dans
le domaine de l'assurance-accidents, en revanche, il y a dans le titre
deuxième de la LAMA l'art. 99 al. 1, aux termes duquel la Caisse nationale
peut - elle le doit en principe, comme il a été dit plus haut - exiger,
conformément aux art. 62 à 67 CO, la restitution du montant des prestations
en argent qu'elle a indûment fournies. L'administration avait soutenu en
première instance que l'art. 99 al. 1 LAMA ne valait que dans les cas
où les prestations avaient été versées indûment en raison de manoeuvres
frauduleuses de l'assuré, ou lorsqu'il se révélait par la suite que le lésé
n'avait pas qualité d'assuré ou encore que les prestations pouvaient être
refusées en raison de la nature ou des circonstances de l'accident; elle
niait l'application de cette disposition dans les cas de surassurance. La
Caisse nationale paraît avoir abandonné cette thèse, réfutée par le juge
cantonal. Ni la doctrine ni la jurisprudence (MAURER, Recht und Praxis,
p. 278 N. 20; ATFA 1946, p. 21) n'ont jamais fait d'allusion quelconque
à pareille restriction du champ d'application de l'art. 99 al. 1 LAMA,
lequel doit valoir pour tous les cas où l'assurance a versé à tort des
prestations en argent. Ce sont ainsi bien les art. 62 à 67 CO qui sont
déterminants pour la répétition de l'indu.

Erwägung 2

    III.2.- Reste donc à examiner le dernier moyen de fond invoqué par
l'assuré, à savoir le défaut d'enrichissement.

    Le principe fondamental posé par l'art. 64 CO est que l'enrichi de
bonne foi n'est tenu à restituer que dans la mesure de l'enrichissement
existant lors de la répétition de l'indu; en d'autres termes, qu'il ne peut
être placé dans une situation inférieure à celle qui serait la sienne si
le versement indu ne s'était pas produit. Cette disposition considère
uniquement le sort de la prestation en cause dans le patrimoine de
l'intéressé et fait totale abstraction des autres éléments de la situation
financière. C'est ainsi qu'un homme même très aisé par ailleurs n'aura rien
à rembourser, s'il établit avoir entièrement consommé la prestation indue
sans que son patrimoine s'en trouve augmenté. A l'inverse, est enrichi
et doit par conséquent rembourser celui dont le patrimoine se trouve
augmenté, même si sa situation pécuniaire est des plus modeste, voire
misérable: dans le domaine du droit civil est enrichi non seulement celui
qui est encore en possession du montant reçu à tort (et éventuellement de
ses intérêts), mais aussi celui qui l'a utilisé pour payer des dettes;
ou celui qui a utilisé le montant indûment touché pour son entretien
(p.ex. logement, nourriture, habillement) ou un traitement médical (voir
p.ex. RO 71 II 147, plus spécialement p. 153 consid. 6). En revanche,
n'est plus enrichi celui qui, par libéralité, a fait don à un tiers du
montant reçu sans droit; ni en principe, celui qui a consacré le montant
indûment touché à des dépenses non nécessaires ou à des avantages non
durables (voyages d'agrément, concerts ou spectacles, soit d'une manière
générale à des valeurs extra-patrimoniales).

    Appliquées strictement au cas d'espèce, les règles de l'art. 64 CO
aboutissent à admettre l'enrichissement de l'assuré, par conséquent son
obligation de rembourser à la Caisse nationale les prestations indûment
perçues en raison de la surassurance.

    Certes, l'intéressé avait touché de bonne foi les prestations indues
pour la période en cause, la surassurance provenant pour l'essentiel
du paiement rétroactif de rentes de l'assurance-invalidité, en avril
1973. Et il les avait apparemment entièrement dépensées lorsqu'il a été
averti pour la première fois, en juin 1973, d'une répétition probable;
à son dire, que rien ne permet de suspecter, il ne possédait plus alors
que le montant rétroactif des rentes de l'assurance-invalidité. Mais on
doit tenir pour certain qu'il a utilisé les prestations touchées sans
droit pour son entretien; car, durant ses longues périodes d'incapacité
de travail (où les rentes de l'assurance-invalidité ne lui étaient pas
versées encore), il n'avait pas d'autres ressources que les indemnités
de chômage de la Caisse nationale et les prestations complémentaires de
l'Assicuratrice Italiana et de la Rentenanstalt. Or un tel emploi de la
prestation indue ne fait pas disparaître l'enrichissement découlant de
cette prestation, ainsi qu'il a été dit plus haut.

Erwägung 3

    III.3.- Il faut toutefois se demander si le résultat auquel aboutit
l'application de l'art. 64 CO est compatible avec les principes de
l'assurance sociale et le caractère de ses prestations, ou de manière
plus générale, si les normes des art. 62 ss CO auxquelles renvoie
l'art. 99 al. 1 LAMA sont encore adéquates. A cet égard, le Tribunal
fédéral des assurances a constaté que le système de l'art. 47 LAVS
convenait à l'assurance sociale en général, à la plupart des branches de
laquelle on a vu qu'il avait été étendu déjà, que ce soit par la loi ou
par la jurisprudence (ATFA 1969, p. 36, plus spécialement consid. 3,
p. 40). La commission d'experts chargés d'examiner la revision de
l'assurance-accidents propose de son côté de l'adopter en cette matière
aussi (rapport du 14 septembre 1973, pp. 153 et 212). Mais le juge,
lié par la loi, ne saurait s'écarter du texte légal formel, même si la
solution voulue par le législateur est aujourd'hui sujette à de sérieuses
critiques et mérite d'être modifiée dans le cadre de la revision en cours.

    Le résultat auquel conduit l'application des règles des art. 62 ss
CO va cependant à l'encontre des tendances de la législation et de la
jurisprudence dans tous les autres domaines de l'assurance sociale. Il
est donc nécessaire d'y apporter correctif ou remède.

    Il serait en soi concevable d'aménager l'application de l'art. 64
CO. Ainsi, constatant que les prestations en argent de la Caisse nationale
ont, en tant que prestations d'assurance sociale, pour but originel de
permettre à leur bénéficiaire de pourvoir à son entretien, il suffirait de
déclarer contraire à ce but que de tenir pour enrichi celui qui a utilisé
les prestations à cette fin précisément, tout au moins dans la mesure où
il ne disposait pas d'autres ressources qui lui auraient permis aussi de
subvenir à son entretien. Une telle solution présenterait toutefois deux
graves inconvénients. D'abord, elle introduirait dans l'interprétation de
l'art. 64 CO une dérogation à la jurisprudence constante des tribunaux
civils, et cela au nom d'une particularité du droit des assurances
sociales. Ensuite, elle créerait pour l'assurance-accidents une solution
dont les effets pratiques pourraient certes être fort proches de ceux des
solutions que connaissent les autres branches de l'assurance sociale, mais
dont le fondement juridique serait entièrement différent; or la tendance
doit être à l'harmonisation dans toute la mesure du possible, et une telle
possibilité est ici donnée par la voie d'un complément à l'ordre légal.

    La solution que retient la Cour de céans découle de la constatation
que, de par la loi et la jurisprudence, toutes les autres branches de
l'assurance sociale connaissent deux principes: celui de l'obligation de
restituer l'indu et celui de la remise de cette obligation au débiteur
de bonne foi et qui serait mis dans une situation difficile. Or,
si l'art. 99 al. 1 LAMA dispose que la Caisse nationale peut répéter
l'indu conformément aux art. 62 à 67 CO, il ne dit rien des conditions
auxquelles elle doit y renoncer. Il n'y a pas là silence qualifié de
la loi, qui entendrait exclure toute possibilité de remise de dette; il
faut bien plutôt admettre qu'il s'agit d'un silence auquel la pratique
et la jurisprudence sont appelées à remédier (voir p.ex. RO 99 V 19).
Et il est tout naturel que le juge comble cette lacune en recourant aux
normes connues des branches voisines, soit notamment à l'art. 47 LAVS.

    Il ne s'agit pas, comme le suggère le mandataire de l'assuré, de
substituer l'art. 47 LAVS aux art. 62 à 67 CO - la norme expresse de
l'art. 99 al. 1 LAMA liant le juge -, mais de compléter l'ordre légal
existant par l'institution ailleurs connue de la remise de dette. Rien ne
permet de prévoir des difficultés pratiques, si l'on distingue bien les
champs d'application respectifs de l'art. 99 al. 1 LAMA et des art. 62 à 67
CO auxquels il renvoie, qui règlent de façon exhaustive la seule répétition
de l'indu, d'une part, et, d'autre part, des normes de l'art. 47 LAVS,
applicables par analogie à la seule question de la remise de l'obligation
de restituer cet indu.

    En l'espèce, le montant de l'enrichissement est connu; il est
de 10'644 fr. 80, ainsi que l'a arrêté le premier juge. Mais remise
peut-elle en être accordée, pour le tout ou pour partie?

    La bonne foi de l'assuré n'est ni contestée ni contestable. La seule
question est donc si le remboursement de ce montant mettrait l'assuré dans
une situation difficile, au sens de la pratique et de la jurisprudence
relative à l'art. 47 LAVS.