Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 V 172



102 V 172

41. Arrêt du 24 août 1976 dans la cause Jaunin contre Caisse cantonale
neuchâteloise de compensation et Commission cantonale neuchâteloise de
recours en matière d'AVS Regeste

    Art. 11 IVG. Voraussetzungen der Haftung der Invalidenversicherung für
Krankheiten oder Unfälle, die durch Eingliederungsmassnahmen verursacht
werden.

Sachverhalt

    A.- Le 23 avril 1969, Line Jaunin, née en 1949, atteinte de
spondylolisthésis, s'est soumise à une spondylodèse par greffe
sacro-lombaire concernant trois segments (L4, L5, S1). Pratiquée par le
docteur X., spécialiste en chirurgie et orthopédie, et prise en charge
par l'assurance-invalidité, l'opération parut d'abord avoir bien réussi...
Cependant de nouveaux troubles lombaires se manifestèrent en 1971.

    Au début de 1974, le médecin prénommé a constaté la formation d'une
pseudarthrose au niveau de la greffe effectuée en 1969. Aussi, le 25
septembre 1974, a-t-il répété l'opération, après "ablation du matériel
pseudarthrosique".

    ... Par décision du 18 septembre 1974, la Caisse de compensation du
canton de Neuchâtel a refusé la prise en charge de cette intervention,
motif pris de ce que la nouvelle spondylodèse faisait partie du traitement
de l'affection vertébrale comme telle.

    B.- Statuant sur recours de Line Jaunin, par jugement du 4 décembre
1975, la Commission de recours du canton de Neuchâtel a confirmé la
décision négative susmentionnée, en reprenant en substance l'argumentation
de l'administration.

    C.- Line Jaunin interjette recours de droit administratif. Elle conclut
à ce que l'assurance-invalidité soit déclarée tenue de prendre en charge la
nouvelle greffe du 25 septembre 1974 et s'en remet, pour l'essentiel, à un
exposé du 24 février 1976 du docteur X., qui écrit notamment ce qui suit:

    "... la greffe sacro-lombaire placée en 1969 présentait une
pseudarthrose
   et l'opération de 1974 s'adressait donc au traitement de la
   pseudarthrose, c'est-à-dire au traitement de l'échec partiel de la
   première intervention..."

    La caisse de compensation intimée déclare n'avoir pas d'observations
à formuler, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales conclut
au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'assuré a droit au remboursement des frais de guérison résultant
des maladies ou des accidents qui lui sont causés par des mesures de
réadaptation (1re phrase de l'art. 11 al. 1 LAI). L'assuré qui, vu son
invalidité, aurait droit à une rente mais dont on exige qu'il se soumette à
des mesures de réadaptation, a droit à la réparation du dommage causé par
les mesures de réadaptation et non couvert selon l'art. 11 al. 1 LAI; il
n'est cependant pas alloué d'indemnité pour tort moral (art. 11 al. 2 LAI).

    La réparation prescrite par l'art. 11 LAI suppose un rapport de
causalité adéquate entre la mesure de réadaptation et la maladie ou
l'accident. Il ne suffit pas que ces derniers se soient produits pendant
la réadaptation. Il suffit, en revanche, que la réadaptation en soit
l'une des causes (RO 99 V 212, ATFA 1968 p. 199, 1965 p. 77, 1962 p. 48,
RCC 1972 p. 639, 1971 p. 349, 1968 p. 631; arrêt non publié Genilloud
du 28 juillet 1975).

    L'obligation de l'assurance-invalidité de réparer le dommage dure
aussi longtemps que celui-ci est provoqué par la mesure de réadaptation
(RCC 1972 p. 639 consid. 3). Le lien de causalité est rompu lorsque la
mesure de réadaptation a atteint le but qui lui était assigné, que l'état
de l'assuré - tout en étant normal après une telle intervention - présente
certains risques accrus d'accident et qu'un tel risque se réalise (par
exemple chute après une arthrodèse de la hanche, RCC 1971 p. 349; arrêt
non publié Genilloud du 28 juillet 1975; cf. également RCC 1969 p. 349).

    Les prétentions découlant de l'art. 11 LAI sont fondées sur la
responsabilité de l'assurance-invalidité pour les suites d'une mesure de
réadaptation ordonnée par ses organes, a déclaré le Tribunal fédéral des
assurances (RCC 1965 p. 228 consid. 2). Il s'agit d'une responsabilité
causale, de sorte qu'il n'importe point - dans les relations entre
l'assurance et l'assuré - que l'auteur du dommage ait ou n'ait pas commis
de faute. Sont assimilées aux mesures de réadaptation ordonnées par
l'administration de l'assurance-invalidité celles qu'elle avait refusées
mais que le juge a accordées après leur exécution (ATFA 1968 p. 199)
et celles qu'elle subventionne sans les avoir ordonnées (2e phrase de
l'art. 11 al. 1 LAI).

    Ont aussi droit à la couverture étendue du risque, selon l'art. 11
al. 2 LAI, les assurés qui sont menacés d'une invalidité imminente,
au sens de l'art. 8 al. 1 LAI, au moment où a été exécutée la mesure de
réadaptation qui a causé le dommage (RO 99 V 212, consid. 5 p. 216).

Erwägung 2

    2.- Dans la présente espèce, il est incontesté et incontestable que
la pseudarthrose en question constituait un processus pathologique. Aussi
remplit-elle la notion de "maladie" suivant l'art. 11 al. 1 LAI. En outre,
un rapport de causalité adéquate entre la tentative de greffe de 1969
et la pseudarthrose successive est indéniable: cette dernière est sans
doute à l'origine de l'échec de la première opération pratiquée par le
docteur X. Dans son exposé du 24 février 1976, s'exprimant au sujet de
l'intervention de 1974, le spécialiste prénommé explique lui-même qu'"il
s'agissait de la même opération comme lorsque dans une fracture on est
obligé de refaire un geste chirurgical pour arriver à la consolidation
finale". Enfin, le rapport de causalité adéquate entre la première
tentative de spondylodèse et la pseudarthrose n'a pas été interrompu
au sens de la jurisprudence précitée. L'intervention du 23 avril 1969
comportait un risque inhérent à toute greffe lombosacrée et qui, d'après
un certificat du 18 septembre 1974 du docteur X., "se présente dans un
certain pourcentage de cas, variable suivant les statistiques de 10 à 50%"
(voir aussi HOHMANN, HACKENBROCH et LINDEMANN, Handbuch der Orthopädie,
vol. 11, 1958, pp. 447 et ss).

    Dans ces conditions, c'est à tort que l'Office fédéral des assurances
sociales croit pouvoir contester, en se fondant sur l'arrêt Genilloud
susmentionné, tout lien de causalité entre l'opération de 1969 et la
pseudarthrose successive. N'était pas mieux fondée la thèse, soutenue
initialement par ledit office dans sa lettre adressée à la Commission de
l'assurance-invalidité du canton de Vaud le 24 juin 1974, selon laquelle
"l'affection en cause n'(était) pas une conséquence immédiate d'une mesure
médicale de réadaptation", parce qu'elle avait pour origine "la progression
d'un état pathologique labile, lequel aurait tout aussi bien évolué sans
opération". Cette argumentation est incompatible avec la doctrine en
matière de causalité adéquate, donc inconciliable avec l'art. 11 al. 1 LAI
et la jurisprudence afférente. En effet, sans l'opération de 1969, l'état
pathologique de la recourante aurait, il est vrai, probablement évolué,
mais dans un sens autre que celui de la pseudarthrose, dont la cause
essentielle a été la présence d'un greffon dans la région sacro-lombaire
de la colonne vertébrale atteinte.

Erwägung 3

    3.- Vu ce qui précède, il est superflu de rechercher encore si les
conditions mises par la loi à l'octroi de la mesure de réadaptation étaient
vraiment remplies en 1969 et si elles l'auraient encore été lors du nouvel
acte chirurgical pratiqué en 1974. Car ce qui entraîne la responsabilité
de l'assurance suivant l'art. 11 al. 1 LAI, c'est d'avoir pris en charge,
à tort ou à raison, la mesure de réadaptation dont procède le dommage à
couvrir suivant ladite norme (arrêt précité Genilloud).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours de droit administratif est admis. La décision administrative
du 18 septembre 1974 et le jugement attaqué sont réformés, en ce sens
que l'assurance-invalidité doit rembourser à la recourante les frais
de l'intervention chirurgicale à laquelle celle-ci s'est soumise en
septembre 1974.