Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 II 97



102 II 97

17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 mars 1976 dans la cause
Weber contre Behar. Regeste

    Verjährung der Gewährleistungsklage wegen Mängel der verkauften Sache,
Art. 210 OR.

    Grundsätzlich schliesst der Verkauf einer Briefmarke zu einem Preis,
der dem Wert eines echten Stückes entspricht, die Garantie ihrer Echtheit
bereits ein. Ausdrückliche Zusicherung im konkreten Fall bejaht (Erw. 2a).

    Art. 210 Abs. 1 OR am Ende. Der Käufer, der sich auf diese
Bestimmung beruft, muss nachweisen, dass der Verkäufer ihm die Ausübung
der Gewährleistungsklage über die einjährige Frist seit der Lieferung
gestatten wollte; es genügt nicht, dass der Verkäufer eine Eigenschaft
zugesichert hat, die nicht vom Zeitablauf abhängt oder welche die Identität
der Sache selber bestimmt (Änderung der Rechtsprechung; Erw. 2b und c).

Sachverhalt

                      Résumé des faits:

    A.- Henry Behar, marchand de timbres-poste, est entré en rapport le
5 février 1970 avec Jean Weber, collectionneur de timbres-poste suisses,
pour lui proposer quatre fragments de lettres portant chacun un timbre de
40 ct. "Helvetia assise" de couleur grise, émission 1881, oblitérés. Il
avait lui-même acquis ces fragments d'un autre marchand de timbres-poste,
avec des attestations d'authenticité établies par Werner Liniger, alors
employé supérieur aux PTT, expert officiel de l'Association internationale
des experts philatéliques. Il a envoyé les fragments en question à Weber
en relevant qu'il s'agissait d'"un ensemble exceptionnel tant du point
de vue de sa rareté que de sa qualité". Il lui a également communiqué
les attestations d'authenticité. Consulté par Weber, Liniger a confirmé
ces attestations, en précisant que la marchandise était irréprochable et
que les oblitérations apposées étaient d'époque. Au cours d'un entretien
téléphonique le 4 mars 1970, Behar et Weber sont tombés d'accord sur la
vente des quatre fragments pour le prix de 16'000 fr. Weber s'est acquitté
de cette somme entre mars et mai 1970.

    Peu après, deux experts ont émis des doutes sur l'authenticité des
fragments, plus particulièrement des oblitérations. Weber en a informé
Behar en précisant que si la falsification était avérée, il rendrait
les pièces et demanderait le remboursement du prix payé. Le 9 novembre
1971 il a déclaré avoir la preuve que les oblitérations étaient fausses,
ou en tout cas pas d'époque, et a communiqué peu après les certificats
dont il se prévalait. Par la suite, il a encore présenté à Behar quatre
attestations d'expertise selon lesquelles le timbre et le sceau avaient été
apposés après coup sur les fragments, qui étaient dès lors des faux. Behar
a toutefois refusé de rembourser le prix de 16'000 fr.

    B.- Weber a ouvert action le 12 février 1973 contre Behar en paiement
de 16'000 fr. avec intérêt.

    L'instruction a été limitée à la question de la prescription, et de
l'abus de droit à invoquer ce moyen.

    Par jugement du 21 octobre 1975, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté l'action.

    C.- Le demandeur recourt en réforme au Tribunal fédéral en concluant au
rejet de l'exception de prescription et au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle statue sur le fond.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le Tribunal cantonal constate à propos de l'action fondée sur
l'erreur essentielle que le demandeur, après avoir longuement éprouvé
des doutes, a acquis la conviction, le 9 novembre 1971, que les sceaux
n'étaient pas d'époque et qu'il a déclaré au défendeur sa résolution de
ne pas maintenir le contrat qui les liait; les avis qu'il avait obtenus
lui paraissaient suffisants pour agir; il ne pouvait plus espérer
recueillir des certificats contraires corroborant ceux de Liniger, et
ne le cherchait d'ailleurs pas; les attestations des experts de l'Union
des sociétés philatéliques suisses ne pouvaient que lui apporter une
confirmation. Appliquant la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à
la notion de connaissance du droit de répétition au sens de l'art. 67 CO,
les premiers juges considèrent que le demandeur disposait donc, dès le 9
novembre 1971, du délai d'une année institué par cette disposition pour
répéter le prix qu'il avait payé et que l'action, ouverte en février 1973
sans que la prescription ait été interrompue, est dès lors prescrite.

    Cette appréciation juridique est conforme à la jurisprudence concernant
les art. 23 ss et 67 CO (RO 82 II 428 consid. 9a, 83 II 24 ss consid. 7,
87 II 139 consid. 7a). Le recourant ne critique d'ailleurs pas le jugement
déféré sur ce point. L'action fondée sur l'erreur essentielle est ainsi
prescrite.

Erwägung 2

    2.- Examinant la nature du délai de prescription de l'action
rédhibitoire ouverte par le demandeur, le Tribunal cantonal se réfère aux
arrêts RO 56 II 424 ss et 94 II 26 ss Il considère que cette jurisprudence
doit être appliquée restrictivement et qu'une promesse de garantie tacite
ne suffit pas à entraîner la prescription décennale. La garantie ne serait
promise implicitement pour un délai plus long qu'un an selon l'art. 210
al. 1 in fine CO que lorsque le vendeur a eu conscience de garantir
l'authenticité de la chose vendue "par une déclaration y relative",
c'est-à-dire lorsque l'acheteur s'est fait promettre expressément une
telle garantie comme dans les arrêts précités. Or, relève la Cour civile,
le défendeur n'a pas promis expressément sa garantie. Les indications qu'il
a données par référence aux attestations de Liniger et qui permettaient
d'apprécier la qualité de l'objet de la vente constituent une garantie
implicite de l'authenticité des fragments; selon les règles de la bonne
foi, le demandeur était fondé à les prendre pour une promesse au sens de
l'art. 197 CO, et le défendeur devait savoir que l'acheteur y attachait
de l'importance.

    Le recourant fait valoir que par les lettres des 5 et 11 ou 12
février 1970, le vendeur garantissait à l'acheteur que les fragments
étaient authentiques; il l'a encore affirmé en procédure; le seul fait
que les quatre fragments étaient vendus pour le prix de 16'000 fr. par un
marchand de timbres-poste permet d'ailleurs d'admettre que le vendeur en
garantissait l'authenticité. Selon le recourant, les premiers juges ont
violé le droit fédéral en refusant d'appliquer la jurisprudence citée;
la garantie d'authenticité étant donnée pour une durée qui ne dépend pas
de l'écoulement du temps, le délai de prescription serait de 10 ans.

    a) La distinction entre garantie expresse et garantie tacite de
la qualité de la chose vendue, sur laquelle l'autorité cantonale fonde
sa solution, ne se justifie pas. Dans le commerce de certains objets,
notamment d'oeuvres d'art, d'antiquités, de pierres et métaux précieux,
de monnaies anciennes, de timbres-poste, la vente d'un corps certain
par un marchand spécialisé, à un prix correspondant à la valeur d'une
pièce authentique, implique déjà, en principe, la garantie de son
authenticité. Celle-ci constitue en effet une qualité déterminante de la
chose vendue, tant pour la fixation du prix que pour la décision d'acheter;
l'absence de cette qualité prive pratiquement la vente de sa cause. Il
faut admettre en pareil cas l'existence d'une garantie tacite qui entraîne
les mêmes effets qu'une garantie expresse (cf. BECKER, n. 12 et 14 ad
art. 197, qui cite précisément l'exemple du timbre-poste ancien vendu au
prix correspondant à celui d'un timbre authentique; OSER/SCHÖNENBERGER,
n. 8 ad art. 197; GUHL/MERZ/KUMMER, p. 332; KATZ, Sachmängel beim Kauf
von Kunstgegenständen und Antiquitäten, thèse Zurich 1973, p. 47 ss).

    En l'espèce, le jugement déféré constate que les indications données
par le défendeur par référence aux attestations de Liniger permettaient
d'apprécier la qualité de l'objet de la vente. Considérant que le demandeur
était fondé, selon les règles de la bonne foi, à prendre ces indications
pour une promesse au sens de l'art. 197 CO, et que le défendeur devait
se dire que l'acheteur y attachait de l'importance et l'en rendrait
responsable, le Tribunal cantonal en déduit avec raison que l'authenticité
des fragments a été garantie. On peut même admettre qu'il s'agissait d'une
garantie expresse et non seulement implicite comme le dit le jugement
attaqué: en proposant au demandeur un ensemble d'une qualité "très belle,
avec naturellement des attestations garantissant l'authenticité", puis
en déclarant qu'"il s'agit d'un ensemble exceptionnel tant du point du
vue de sa rareté que de sa qualité", le défendeur prenait clairement à
son compte la garantie d'authenticité contenue dans lesdites attestations.

    b) L'action en garantie pour les défauts de la chose vendue se prescrit
par un an dès la livraison faite à l'acheteur (art. 210 al. 1 CO). Il y
a cependant deux exceptions à cette règle: lorsque le vendeur a promis
sa garantie pour un délai plus long ("es sei denn, dass der Verkäufer
eine Haftung auf längere Zeit übernommen hat"; art. 210 al. 1 in fine),
d'une part; lorsqu'il est prouvé que le vendeur a induit l'acheteur en
erreur intentionnellement (art. 210 al. 3), d'autre part. Cette dernière
hypothèse n'entre pas en considération ici: le jugement déféré constate
souverainement que "rien ne permet de penser que le défendeur aurait
induit le demandeur en erreur intentionnellement, et le demandeur ne l'a
d'ailleurs pas plaidé"; le demandeur n'invoque pas non plus le dol en
instance fédérale.

    Quant à la première exception, elle vise le cas où le vendeur
a manifesté, expressément ou tacitement, sa volonté d'assumer pour
une plus longue durée la responsabilité (Haftung) des défauts de la
chose. L'art. 210 al. 1 in fine CO concerne l'action en garantie, il
suppose une promesse du vendeur qui se rapporte à l'exercice des droits
que la loi confère à l'acheteur qui reçoit une chose défectueuse. En soi,
la promesse d'une qualité n'emporte pas d'effets sur la durée du délai
de prescription de l'action en garantie; il appartient à l'acheteur
d'établir si et dans quelle mesure les parties entendaient prolonger ce
délai (BECKER, n. 2 ad art. 210 et correction p. 1000; VON BÜREN, OR,
Besonderer Teil, p. 50).

    Dans l'arrêt RO 56 II 430, relatif à la vente d'un tableau garanti
comme étant l'oeuvre du peintre Léopold Robert, le Tribunal fédéral a
considéré qu'il fallait interpréter l'art. 210 al. 1 in fine CO selon
le sens que les parties pouvaient donner de bonne foi à la garantie, en
considération de la nature de la chose. La garantie d'authenticité ne porte
pas sur une qualité qui ne doit subsister que pour une durée plus ou moins
longue, et qui peut être touchée par l'écoulement du temps. L'acheteur
peut donc s'en prévaloir jusqu'à l'expiration du délai ordinaire de
prescription. Le Tribunal fédéral se réfère à ce précédent dans l'arrêt
RO 94 II 36 s., concernant la vente d'une voiture automobile dont l'année
de construction avait été garantie. Considérant l'importance spéciale
attachée par les parties à cette spécification qui porte sur une qualité
essentielle déterminant l'identité même de la chose vendue, il admet en
application de l'art. 210 al. 1 in fine CO qu'une telle garantie implique
que l'acquéreur puisse s'en prévaloir en tout temps jusqu'à l'expiration
du délai ordinaire de prescription de dix ans.

    Cette interprétation de l'art. 210 al. 1 in fine CO doit être
abandonnée. Elle va au-delà du sens de cette disposition, qui ne consacre
une exception à la prescription annale de l'action en garantie que dans
l'hypothèse où le vendeur s'est engagé à répondre pour une plus longue
durée des suites légales des défauts ou de l'absence d'une qualité
promise de la chose vendue. Assimiler à ce cas tous ceux où le vendeur
garantit une qualité qui ne dépend pas de l'écoulement du temps ou qui
détermine l'identité même de la chose aboutirait au surplus à vider de
sa substance l'art. 210 al. 1 CO. Combiné avec l'obligation de vérifier
aussitôt l'état de la chose reçue, le délai de prescription d'un an vise
à créer, dans l'intérêt de la sécurité des transactions, une situation
claire aussi rapidement que possible après la livraison (RO 78 II 368, 82
II 423). Une interprétation aussi extensive de la disposition d'exception
de l'art. 210 al. 1 in fine CO irait à l'encontre de ce but. Elle aurait
en outre pour effet de traiter de la même façon le vendeur de bonne foi
et le vendeur de mauvaise foi; Or les raisons qui conduisent à priver
ce dernier de la faculté d'invoquer la prescription d'un an (art. 210
al. 3) ne valent pas pour le premier, même s'il a formellement garanti
une qualité substantielle de la chose. Il convient donc de n'appliquer la
réserve de l'art. 210 al. 1 in fine CO que s'il est établi que le vendeur
entendait permettre à l'acheteur d'exercer au-delà d'une année les droits
découlant de l'existence de défauts ou de l'absence d'une qualité promise.

    c) En l'espèce, le défendeur a garanti l'authenticité des fragments
litigieux. Mais rien ne prouve qu'il ait voulu ainsi permettre au demandeur
de faire valoir ses droits après l'expiration du délai de prescription
légal, au cas où ces fragments ne s'avéreraient pas authentiques. L'action
en garantie est dès lors soumise au délai de prescription d'un an dès la
livraison, conformément à l'art. 210 al. 1 CO. Les fragments ayant été
remis au demandeur avant même la conclusion de la vente le 4 mars 1970,
l'action ouverte le 12 février 1973 est également prescrite en tant
qu'elle se fonde sur les art. 197 ss CO.

Erwägung 3

    3.- La prescription étant acquise en tout état de cause, il n'y a pas
lieu de prendre position ici sur les critiques élevées par une partie de la
doctrine contre la jurisprudence du Tribunal fédéral (RO 82 II 420 et les
arrêts cités, 83 II 21, 84 II 517 s., 88 II 412, 98 II 20 s. consid. 3)
admettant l'application alternative des dispositions sur les vices du
consentement et la garantie des défauts (cf. BECKER, n. 22 ad art. 24;
MERZ, Sachgewährleistung und Irrtumsanfechtung, in Festschrift Theo Guhl,
p. 87 ss; CAVIN, Considérations sur la garantie en raison des défauts de
la chose vendue, in SJ 1969 p. 329 ss; VON BÜREN, OR, Allgemeiner Teil
p. 203; ENGEL, p. 229).