Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 II 353



102 II 353

51. Arrêt de la Ire Cour civile du 19 octobre 1976 dans la cause Hoffman
contre Van Muyden et Masse en faillite d'Asbestospray S.A. Regeste

    Scheineinzahlung von Aktien. Verjährung.

    Beginn der zehnjährigen Frist für die Verantwortlichkeitsklage gegen
die Gründer und die mit der Verwaltung und Geschäftsführung betrauten
Personen (Art. 760 OR; Erw. 2 und 3).

    Verjährung der Zeichnerverpflichtung, den Aktienbetrag einzuzahlen
(Art. 680-682, 127 und 130 OR; Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- La société anonyme Asbestospray S.A. a été constituée à Genève, le
25 août 1958, par Guy Montmartin, Léon Hoffman et Henri-Paul Brechbuhl. Le
capital social, fixé à 50'000 fr., était réparti en 50 actions de 1'000
fr. dont 24 ont été souscrites par Montmartin, 24 par Hoffman et 2 par
Brechbuhl. Il n'a pas été versé par les fondateurs au moyen de fonds
propres. A la demande de Montmartin, Hoffman a obtenu de la Banque de
dépôts à Genève un prêt de 50'000 fr. qui devait être remboursé dès que
la société serait formée. La Banque de dépôts a versé cette somme à
l'Union de banques suisses à Genève (ci-après: UBS), office cantonal de
consignation au sens de l'art. 635 CO. L'acte de fondation a constaté
que le capital social, souscrit en totalité par les fondateurs, était
entièrement versé et déposé auprès de l'office cantonal de consignation. La
société a été inscrite au registre du commerce de Genève le 3 septembre
1958.

    Raymond Van Muyden a été désigné comme administrateur unique,
Montmartin et Hoffman étant fondés de pouvoirs. L'administrateur et chacun
des deux fondés de pouvoirs avaient la signature individuelle. Les deux
actions souscrites par Brechbuhl ont été attribuées à Van Muyden.

    Le 15 septembre 1958, l'UBS, sur ordre de Hoffman, a débité le compte
d'Asbestospray S.A. de 49'950 fr. (après retenue d'une commission de 50
fr.) et viré cette somme au compte de la société à la Banque de dépôts. Le
16 septembre 1958, la Banque de dépôts a tout d'abord crédité le compte
d'Asbestospray S.A. du montant reçu de l'UBS. Le même jour, toujours
sur ordre de Hoffman, elle a débité le compte d'Asbestospray S.A. de
49'950 fr. et crédité celui de Hoffman auprès d'elle du même montant,
en remboursement du prêt qu'elle lui avait accordé.

    Deux comptes courants de 25'000 fr. chacun ont été ouverts à Montmartin
d'une part et à Hoffman d'autre part, dans la comptabilité d'Asbestospray
S.A., à titre d'avances. Ils se sont augmentés au cours des années des
intérêts afférents. Le bilan d'Asbestospray S.A. au 23 mai 1969 comportait
cependant non pas deux comptes, mais un seul, intitulé "Actionnaires"
et s'élevant à 58'035 fr. 80.

    Asbestospray S.A. a été déclarée en faillite le 23 mai 1969. A
la requête de la masse, le séquestre de tous les comptes et avoirs de
Hoffman auprès des banques Darier & Cie et Lombard-Odier & Cie, à Genève,
a été ordonné le 25 juin 1970. La masse ayant requis le 10 juillet une
poursuite en validation de séquestre, un commandement de payer a été
notifié le 2 septembre 1970 à Hoffman, qui a fait opposition.

    La masse en faillite d'Asbestospray S.A. a ouvert action contre
Hoffman en paiement de 49'950 fr. avec intérêt à 5% dès le 16 septembre
1958 et en mainlevée de l'opposition. Elle invoquait la responsabilité
civile du défendeur comme fondateur et administrateur d'Asbestospray S.A.

    Soulevant notamment l'exception de prescription, le défendeur a conclu
au rejet de la demande. Il a appelé en cause Montmartin et Van Muyden. Ce
dernier est resté seul appelé en cause après le décès de Montmartin.

    Par jugement du 30 avril 1975, le Tribunal de première instance de
Genève a rejeté les conclusions de la demanderesse contre le défendeur,
et celles du défendeur contre l'appelé en cause.

    La Cour de justice du canton de Genève a réformé ce jugement par arrêt
du 9 avril 1976. Elle a condamné le défendeur à payer à la demanderesse
49'950 fr. avec intérêt à 5% dès le 16 septembre 1958, prononcé la
mainlevée définitive de l'opposition formée par le défendeur et condamné
l'appelé en cause à relever et garantir le défendeur de la condamnation
prononcée contre lui, à concurrence de 50% en capital, intérêts et frais.

    Le défendeur et l'appelé en cause recourent l'un et l'autre en réforme
au Tribunal fédéral. Hoffman reprend ses conclusions libératoires à l'égard
de la demanderesse et récursoires contre Van Muyden. Celui-ci propose le
rejet des conclusions du défendeur.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 753 ch. 2 CO, ceux qui coopèrent à la fondation
d'une société anonyme répondent à son égard, de même qu'envers chaque
actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en
contribuant intentionnellement ou par négligence à faire inscrire la
société sur le registre du commerce au vu d'une attestation ou de quelque
autre document qui renfermerait des assertions inexactes.

    En vertu de l'art. 754 al. 1 CO, toutes les personnes chargées de
l'administration, de la gestion ou du contrôle répondent, à l'égard de
la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social,
du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par
négligence à leurs devoirs.

    L'art. 755 CO concerne selon sa note marginale le dommage indirect
en dehors de la faillite de la société. Il prévoit que lorsque la
responsabilité des fondateurs, des administrateurs, des gérants et des
contrôleurs, ainsi que des liquidateurs, est en cause, et qu'il s'agit
d'un dommage éprouvé par la société elle-même, mais subi d'une manière
indirecte par des actionnaires ou des créanciers, ceux-ci ne peuvent
actionner qu'en paiement de dommages-intérêts dus à la société.

    Selon l'art. 758 CO, les créanciers de la société ne peuvent faire
valoir leurs droits qu'après l'ouverture de la faillite.

    La demanderesse est ainsi habilitée à faire valoir les droits des
créanciers sociaux contre Hoffmann et à l'actionner en dommages-intérêts
à la suite du préjudice indirect qu'ils subissent.

Erwägung 2

    2.- La juridiction cantonale considère avec raison qu'il y a eu en
l'espèce une libération fictive du capital social d'Asbestospray S.A. au
sens de la jurisprudence (ATF 76 II 314 ss consid. 4, 86 III 159) et que
la responsabilité de Hoffman, comme fondateur, est en principe engagée
selon l'art. 753 ch. 2 CO. Le défendeur le reconnaît dans son recours.

    Il convient aussi de suivre l'arrêt déféré lorsqu'il admet que l'action
de l'administration de la faillite contre Hoffman, en tant qu'elle est
intentée au nom de la société ou des actionnaires, tous fondateurs,
se heurte au principe du consentement donné par ceux-ci à la libération
fictive du capital-actions. En effet, les actes et les omissions d'un
fondateur n'engagent pas sa responsabilité envers la société si les autres
y ont eux-mêmes consenti librement et en toute connaissance de cause, car
on doit imputer à la société ce que ses fondateurs ont voulu (ATF 86 III
159, 90 II 496). Tel est le cas en l'espèce: les fondateurs et actionnaires
ont réalisé et approuvé la libération fictive du capital social.

    Quant à l'action exercée par la masse en faillite au nom des
créanciers, le défendeur soutient qu'elle est prescrite, parce qu'elle
a été introduite plus de dix ans après la libération fictive du capital
social, qui lui est reprochée.

    a) Selon l'art. 760 CO, les actions en responsabilité contre les
fondateurs (art. 753 CO), les administrateurs, gérants, contrôleurs et
liquidateurs (art. 754 CO) se prescrivent par cinq ans à compter du jour
où la partie lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne
responsable, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait
dommageable s'est produit (al. 1); si les dommages-intérêts dérivent d'une
infraction soumise par les lois pénales à une prescription de plus longue
durée, cette prescription s'applique à l'action civile (al. 2).

    La cour cantonale estime avec raison que le délai extraordinaire
de l'art. 760 al. 2 CO ne s'applique pas en l'espèce, aucune infraction
pénale soumise à une prescription de plus de dix ans n'étant établie à
la charge de Hoffman.

    Le délai ordinaire de cinq ans auquel est soumise l'action du créancier
social contre un fondateur, un administrateur, gérant, contrôleur ou
liquidateur, ne commence pas à courir avant que la société soit déclarée
en faillite (ATF 87 II 297 ss consid. 4).

    Mais la prescription absolue de dix ans part du jour où le fait
dommageable s'est produit. Si la faillite de la société est prononcée
plus de dix ans après le fait dommageable, l'action du créancier contre
un fondateur, administrateur, etc., est ainsi prescrite, quand bien même
la prescription quinquennale ne pouvait pas commencer à courir avant la
déclaration de faillite. Ce délai de cinq ans n'entre plus en ligne de
compte dès lors que la prescription absolue de dix ans est acquise. Cela
ressort clairement de l'art. 760 al. 1 CO, aux termes duquel les actions
qui y sont visées se prescrivent... dans tous les cas par dix ans dès
le jour où le fait dommageable s'est produit (F. DE STEIGER, Le droit
des sociétés anonymes en Suisse, adaptation française de J. Cosandey
et P. Subilia, 1973, p. 303; J. et E. HENGGELER, Die zivilrechtlichen
Verantwortlichkeiten im Bankengesetz und im neuen schweizerischen
Aktienrecht, p. 59).

    b) En l'espèce, le dernier acte accompli par Hoffman dans les
opérations de libération fictive du capital social d'Asbestospray S.A. a
été l'ordre qu'il a donné à la Banque de dépôts de débiter le compte de
la société des 49'950 fr. qui y avaient été virés par l'office cantonal
de consignation, et de créditer de cette somme son compte personnel
en remboursement du prêt à court terme qu'elle lui avait accordé. La
Banque de dépôts a exécuté cet ordre le 16 septembre 1958. C'est dès
lors à cette date que le fait dommageable au sens de l'art. 760 al. 1
CO s'est produit et que le délai de prescription de dix ans a commencé à
courir. JÄGGI (Die Scheineinzahlung von Aktien, RSJ 1952 p. 303 n. 37 et
p. 305 n. 50) considère il est vrai que le fait dommageable, en cas de
libération fictive du capital social, est la réquisition d'inscription
de la société au registre du commerce. La date de cette réquisition
n'est pas indiquée en l'espèce par l'arrêt cantonal, ni ne ressort du
dossier; seule est constatée la date de l'inscription d'Asbestospray
S.A. au registre du commerce, soit le 3 septembre 1958. Mais le délai
de prescription de dix ans était de toute façon expiré le 23 mai 1969,
jour où a été prononcée la faillite d'Asbestospray S.A., et à fortiori
le 24 juin 1970, date à laquelle la masse en faillite de la société a
fait valoir les droits des créanciers sociaux par une poursuite, soit a
requis le séquestre (ATF 41 III 321 s.) des biens de Hoffman.

    c) La juridiction cantonale considère que la prescription n'est pas
acquise parce que "Hoffman a reconnu sa dette en acceptant que soit virée
sur son compte et sur celui de feu M. Montmartin ... la somme de 49'950
fr. à laquelle se sont ajoutés chaque année des intérêts débiteurs", le
bilan du 23 mai 1969 comportant ainsi "un compte actionnaires débiteurs de
58'035 fr. 80"; il ressortirait des déclarations en justice de Hoffman et
Van Muyden que la somme transférée de l'UBS à la Banque de dépôts aurait
finalement été considérée comme une avance d'Asbestospray S.A. à Hoffman
et Montmartin, qui se reconnaissaient solidairement responsables de cette
somme, le paiement des intérêts ayant interrompu la prescription selon
l'art. 135 ch. 1 CO; dans son exploit, la demanderesse avait d'ailleurs
commencé par viser les art. 312 ss CO relatifs au prêt de consommation.

    Le défendeur Hoffman conteste l'application de l'art. 135 ch. 1 CO
en l'espèce. Selon lui, la simple comptabilisation d'intérêts dont le
versement effectif n'a jamais été envisagé ni exigé par la société ne
remettait pas en cause la volonté des fondateurs, constatée par la Cour de
justice, de fonder la société sans avoir l'intention d'y mettre des fonds;
elle ne pouvait interrompre la prescription du moment que la volonté du
débiteur de reconnaître la dette n'avait - dès l'origine - jamais existé.

    Cette objection est fondée. Le fait que des intérêts ont été portés,
dans la comptabilité d'Asbestospray S.A., au débit du compte de Hoffman
et Montmartin, n'équivaut pas au paiement d'intérêts par ceux-ci, au sens
de l'art. 135 ch. 1 CO, impliquant de leur part une reconnaissance de
dette et interrompant la prescription. En outre et surtout, en acceptant
le virement de la somme de 49'950 fr. sur le compte "actionnaires",
Hoffman n'a nullement reconnu être débiteur du montant de 49'950 fr. que
la demanderesse lui réclame au nom des créanciers sociaux, en sa qualité
de fondateur ayant participé à la libération fictive du capital social. La
prescription de cette action en responsabilité, qui a commencé à courir
au plus tard le 16 septembre 1958, n'a pas été interrompue par une
reconnaissance de dette du défendeur ni par le paiement d'intérêts. Elle
était donc acquise le 24 juin 1970, date à laquelle la demanderesse a
accompli le premier acte propre à l'interrompre.

    d) Selon l'arrêt déféré, Hoffman a affirmé en justice que pendant la
vie de la société il y avait eu dans les livres de celle-ci deux comptes
avances de 25'000 fr. à lui-même et à Montmartin. Quand bien même la Cour
de justice constate que "la société a été fondée sans que ses fondateurs
aient l'intention d'y mettre des fonds", Hoffman ne peut prétendre qu'il
ne doit pas à Asbestospray S.A. la somme de 25'000 fr. représentant
l'avance que celle-ci lui avait faite et qu'il a expressément reconnue
lors de son interrogatoire en justice. Mais il ne s'agit pas là d'une
dette découlant de sa responsabilité comme fondateur de la société,
en raison de la libération fictive du capital social.

Erwägung 3

    3.- a) La cour cantonale considère avec raison que Hoffman, qui était
fondé de pouvoirs d'Asbestospray S.A. avec signature individuelle, rentre
dans les personnes chargées de l'administration et de la gestion de la
société au sens de l'art. 754 al. 1 CO. Van Muyden avait certes été nommé
administrateur unique, mais à titre fiduciaire. Hoffman et Montmartin,
qui possédaient toutes les actions d'Asbestospray S.A., géraient eux-mêmes
et seuls la société. Ils étaient des administrateurs camouflés ("verdeckte
Verwaltungsräte", BÜRGI, n. 119 ad art. 753/754 CO).

    En donnant l'ordre à la Banque de dépôts de débiter le compte
d'Asbestospray S.A. des 49'950 fr. qui y avaient été virés par l'office
cantonal de consignation, et de créditer de cette somme son compte
personnel, en remboursement du prêt à court terme qu'elle lui avait
accordé pour la libération fictive du capital social, Hoffman a sans
conteste manqué intentionnellement à ses devoirs d'administrateur ou de
gérant au sens de l'art. 754 al. 1 CO, car il a ainsi gravement porté
atteinte au patrimoine de la société (JÄGGI, op.cit., p. 301).

    b) S'agissant de la responsabilité encourue par l'administrateur,
le remboursement opéré au souscripteur qui a fait une libération fictive
du capital social constitue le fait dommageable au sens de l'art. 760
al. 1 CO, fixant le point de départ de la prescription de dix ans (JÄGGI,
op.cit., p. 305 n. 50).

    La Cour de justice considère que l'action en responsabilité contre
Hoffman en tant qu'administrateur n'est pas prescrite, parce qu'il a non
seulement approuvé l'opération de libération fictive réalisée en 1958
mais qu'il a approuvé chaque année, dans le rapport de gestion présenté
par le conseil d'administration à l'assemblée générale, cette situation
contraire aux art. 633 et 680 CO, qu'il n'a ainsi rien fait pour rétablir.

    Cet argument n'est toutefois pas fondé. Certes, le défendeur n'a rien
entrepris pour que le capital social, libéré fictivement à fin août-début
septembre 1958, fût versé par la suite à la société par lui-même et
par Montmartin. Mais ce manquement à ses devoirs d'administrateur
ne constitue pas le fait dommageable de l'art. 760 al. 1 CO. C'est le
remboursement à Hoffman, opéré sur son ordre par la société le 16 septembre
1958, qui est l'acte, le fait dommageable, engageant sa responsabilité
d'administrateur. Ce remboursement était le dernier acte de l'opération de
libération fictive du capital social qu'il avait accomplie en accord avec
l'autre souscripteur et actionnaire Montmartin. En ne versant pas par la
suite à la société sa part de 50% du capital social, soit 25'000 fr., et
en ne sommant pas Montmartin de payer la sienne, également de 50%, Hoffman
n'a pas causé le dommage, qui s'était déjà produit intégralement par le
remboursement intervenu le 16 septembre 1958; il a uniquement omis de
prendre les mesures qui auraient rétabli une situation conforme à la loi.

    Le délai de prescription de dix ans de l'action en dommages-intérêts
contre Hoffman, en sa qualité d'administrateur et en raison de la
libération fictive du capital social, a donc commencé à courir le 16
septembre 1958. Cette action était prescrite lorsque la demanderesse a
agi pour la première fois contre le défendeur par la voie de la poursuite,
le 24 juin 1970.

Erwägung 4

    4.- Appliquant les art. 680 à 682 CO, la Cour de justice considère
la responsabilité du défendeur Hoffman comme engagée, en sa qualité de
souscripteur astreint à libérer le capital social.

    a) En opérant une libération fictive du capital social d'Asbestospray
S.A., Hoffman et Montmartin n'ont pas exécuté leurs obligations de libérer
les actions qu'ils avaient souscrites. D'après l'acte de fondation, ils
avaient souscrit chacun 24 actions et Brechbuhl 2; mais ce dernier n'est
intervenu qu'à titre fiduciaire: en fait, Hoffman et Montmartin étaient
chacun souscripteur de 25 actions de 1'000 fr.

    La libération fictive du capital social comporte un acte simulé et
un acte dissimulé (JÄGGI, op.cit., p. 299 ch. 2). Hoffman et Montmartin
ont voulu que le versement du capital social à l'office cantonal de
consignation créât seulement une apparence de libération du capital social
destinée à tromper cet office. Ils étaient d'accord, comme souscripteurs
et comme fondateurs de la société, que ce versement n'aurait pas de valeur
dans leurs rapports avec cette société et qu'elle leur rembourserait le
capital social après la fondation. Cet acte simulé, qui reposait sur
une convention de simulation liant Hoffman et Montmartin, d'une part,
et la société qu'ils fondaient, d'autre part, est nul.

    L'acte dissimulé portait principalement sur le remboursement ultérieur
par la société du capital social souscrit. Ce remboursement a eu pour
effet que les souscripteurs n'ont pas exécuté leur obligation de libérer
le montant qu'ils avaient souscrit. La société peut donc leur réclamer
en tout temps l'exécution de cette obligation (JÄGGI, op.cit., p. 301).

    b) L'obligation de libérer le capital social ne peut se prescrire que
par dix ans, aucune disposition légale spéciale ne prévoyant un autre
délai (art. 127 CO). Quant au point de départ de ce délai, certains
auteurs admettent que la créance n'est exigible (art. 130 CO) que par
l'appel de versement de l'administration et à partir de la date fixée
par elle pour le versement (F. DE STEIGER, op.cit. p. 178 s.; G. BEELER,
Die Wertpapiere im schweizerischen Recht, p. 181 s.). Selon SPIRO, Die
Begrenzung privater Rechte durch Verjährung, Verwirkung und Fatalfristen,
1975, I par. 118, p. 268 (cf. aussi par. 35 p. 59 n. 23), à l'égard des
créanciers sociaux, la prescription ne commence à courir qu'au moment de
l'ouverture de la faillite de la société.

    Que l'on adopte l'un ou l'autre point de vue, l'obligation du défendeur
de libérer les actions qu'il a souscrites et partant de payer la somme
correspondante de 25'000 fr. à la demanderesse n'était pas prescrite
lorsque celle-ci a requis le séquestre de ses biens, le 24 juin 1970. Le
défendeur n'a jamais été sommé de libérer ses actions, et la société n'a
été déclarée en faillite que le 23 mai 1969. Le jugement déféré retient
donc avec raison que la créance de la demanderesse n'est pas prescrite
à concurrence des 25'000 fr. que représentent les 25 actions souscrites
par le défendeur et qu'il est tenu de libérer.

    c) On ne saurait en revanche suivre la Cour de justice lorsqu'elle
admet la responsabilité de Hoffman pour la totalité du capital social
parce que "si pro forma Montmartin a souscrit 24 actions et ... Brechbuhl
2, l'argent nécessaire avait été emprunté par Hoffman et ... c'est sur
son compte débiteur à la Banque de dépôts qu'il a été reversé". Cette
circonstance ne change rien au fait que le défendeur n'a souscrit et n'a
l'obligation de libérer que 25 actions. Il ne répond pas solidairement
du paiement des actions souscrites par Montmartin.

    d) Les intérêts moratoires sur la somme de 25'000 fr. ne peuvent
pas courir dès le 16 septembre 1958, date à laquelle le remboursement
du capital social libéré fictivement a été effectué. Ils ne partent que
dès le moment où la demanderesse a mis le défendeur en demeure de payer
49'950 fr. en agissant contre lui par la voie de la poursuite, soit dès
la réquisition de séquestre du 24 juin 1970.

    Le recours de Hoffman doit dès lors être partiellement admis en ce sens
qu'il est condamné à payer à la demanderesse 25'000 fr. avec intérêt à 5%
dès le 24 juin 1970.

Erwägung 5

    5.- La masse en faillite d'Asbestospray S.A. n'a pas actionné Van
Muyden. C'est le défendeur Hoffman qui l'a appelé en cause, concluant
à ce que Van Muyden fût condamné à le "relever et garantir de toute
condamnation prononcée contre lui".

    Le défendeur n'aurait cependant un droit de recours contre
l'appelé en cause que si l'un et l'autre répondaient solidairement
d'un même dommage, le premier en tant que fondateur ou administrateur
d'Asbestospray S.A. et le second comme administrateur (art. 759 CO). Or les
actions en responsabilité contre Hoffman, en sa qualité de fondateur ou
d'administrateur, sont prescrites, et c'est seulement comme souscripteur
qui n'a pas libéré ses actions qu'il est tenu de payer 25'000 fr. à la
masse en faillite. Quand bien même Van Muyden a manqué à ses devoirs
d'administrateur, les fautes qu'il a commises sont sans incidence sur
l'obligation du défendeur de libérer ses actions. Au surplus, il n'a pas
participé à la libération fictive du capital social d'Asbestospray S.A.,
que Hoffman et Montmartin ont seuls voulue et réalisée.

    Le recours de l'appelé en cause doit dès lors être admis, et les
conclusions prises contre lui par le défendeur rejetées.

Entscheid:

            Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours du défendeur Hoffman et admet le
recours de l'appelé en cause Van Muyden;

    2. Réforme l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 9
avril 1976 en ce sens que le défendeur Hoffman est condamné à payer à
la masse en faillite d'Asbestospray S.A. le montant de 25'000 fr. avec
intérêt à 5% dès le 24 juin 1970, l'opposition faite au commandement de
payer No 51026 de l'Office des poursuites de Genève étant définitivement
levée à concurrence de ce montant;

    Rejette les conclusions prises par le défendeur Hoffman contre l'appelé
en cause Van Muyden.