Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IB 335



102 Ib 335

55. Arrêt du 12 novembre 1976 dans la cause Division fédérale de la
justice contre dame Bischoff-Froehly Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Art. 17 BewV
1973/1976.

    1. Widerruf der mit der Bewilligung des Erwerbs verbundenen Auflagen;
Voraussetzungen. (Erw. 1).

    2. Intertemporales Recht. Lex mitior? Rückwirkung? (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- De nationalité française et domiciliée à Mulhouse, dame Froehly
veuve Bischoff a été autorisée, le 2 décembre 1967, à acquérir les
parcelles nos 1208 et 811 de la commune d'Icogne, de 2000 m2 environ pour
le prix de 240'000 francs; l'autorisation était assortie des charges
suivantes, d'une durée de dix ans: restriction du droit d'aliéner,
interdiction de louer, obligation de construire dans les trois ans
un unique chalet familial de vacances à l'exclusion de toute autre
construction; ces charges ont fait l'objet d'une mention au registre
foncier. Dame Bischoff-Froehly n'a pas fait construire le chalet familial
visé par la charge précitée, mais des projets de construire un bâtiment
locatif d'une certaine importance ont été étudiés, à tout le moins
dès 1969.

    Souhaitant vendre son terrain en vue de la construction du bâtiment
projeté en dernier lieu (comptant quatorze appartements, selon les
indications de l'Administration communale d'Icogne), dame Bischoff-Froehly
a requis le 23 février 1976 la radiation de la restriction au droit
d'aliéner, exposant que son âge (elle est née en 1890) et son état de
santé ne lui permettaient plus de résider en altitude, ce qu'attestait une
déclaration médicale. Le Service juridique du registre foncier du canton
du Valais a rejeté la demande le 26 mars 1976. Saisi d'un recours de dame
Bischoff-Froehly, le Conseil d'Etat l'a admis le 21 juillet 1976 et a
révoqué les trois charges contenues dans la décision du 2 décembre 1967.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Division
fédérale de la justice a conclu à l'annulation de la décision du Conseil
d'Etat et au rejet de la requête de l'intimée.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les conditions auxquelles les charges imposées aux bénéficiaires
d'une autorisation d'acquérir peuvent être révoquées sont fixées à
l'art. 17 al. 4 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 21 décembre 1973
"sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger"
(en abrégé: OAIE), disposition qui n'a pas été modifiée par l'ordonnance
du Conseil fédéral du 11 février 1976 (OCF 1976). En vertu de ce texte,
une charge peut être révoquée lorsque, en raison d'une modification des
circonstances, son exécution apparaît impossible pour l'acquéreur ou se
trouve être d'une rigueur extrême.

    a) En ce qui concerne la charge consistant en l'obligation de
construire un chalet familial dans les trois ans, le Conseil d'Etat a
estimé que l'âge et l'état de santé de dame Bischoff-Froehly en rendaient
l'exécution impossible et qu'il y avait lieu de la révoquer.

    Mais la charge en question a un double aspect: un aspect positif,
à savoir l'obligation de construire dans le délai de trois ans, et un
aspect négatif, c'est-à-dire l'interdiction d'ériger sur la parcelle
toute autre construction qu'un unique chalet familial de vacances. Sous
ce dernier aspect, la charge garde toute sa raison d'être; le grand âge et
l'état de santé de l'intimée ne rendent nullement "impossible à exécuter"
la charge négative de ne pas construire sur ce terrain autre chose qu'un
chalet familial de vacances, et l'intimée n'indique pas d'autre raison
qui pourrait faire conclure à un cas de rigueur extrême permettant de
justifier la révocation. Le recours doit donc être admis et la décision
annulée sur ce point.

    b) Quant aux deux autres charges, le Conseil d'Etat a jugé avec raison
que leur révocation ne pouvait pas être ordonnée sur la seule base de
l'art. 17 al. 4 OAIE. En effet, les interdictions de vendre et de louer
pendant dix ans ne sont pas impossibles à exécuter et ne se trouvent
pas être non plus d'une rigueur extrême. Leur révocation ne saurait se
justifier par les seuls intérêts économiques de l'intimée, désireuse
de vendre son terrain dans de bonnes conditions, ni par l'intérêt de la
commune d'Icogne à voir prochainement se construire sur son territoire un
nouvel immeuble résidentiel. Or, en dehors de ces intérêts non pertinents
pour la solution du présent cas, l'intimée n'avance rien qui puisse faire
apparaître le maintien des charges comme insupportable.

    Tout en partageant cette manière de voir, le Conseil d'Etat a estimé
pouvoir révoquer l'interdiction d'aliéner en se référant à la modification
apportée à l'art. 17 al. 2 OAIE par l'OCF 1976, qui réduit à cinq ans la
durée minimale de l'interdiction d'aliéner, alors que cette durée avait été
fixée à dix ans par le texte primitif de 1973. Il s'agit d'examiner si,
en procédant ainsi, le Conseil d'Etat a violé le droit fédéral, comme le
soutient la recourante.

Erwägung 2

    2.- a) La disposition transitoire de l'OCF du 11 février 1976, entrée
en vigueur le 1er avril 1976, prévoit (ch. III al. 2) que la modification
s'applique également aux demandes d'autorisation et aux recours en suspens
lors de son entrée en vigueur. Sont donc visées par là uniquement les
procédures d'autorisation d'acquérir - et les recours y relatifs - qui
étaient pendantes au 1er avril 1976; la modification en cause ne saurait
donc s'appliquer aux procédures d'autorisation qui étaient terminées à
la date ci-dessus.

    Or, en l'espèce, la procédure d'autorisation d'acquérir les parcelles
1208 et 811 par dame Bischoff-Froehly, procédure au cours de laquelle
les charges en cause ont été imposées et mentionnées au registre foncier,
s'est terminée à fin 1967 déjà. Les nouvelles dispositions de l'OCF 1976
ne s'y appliquent donc pas.

    En revanche, la décision sur demande de révocation, qui est soumise
aux dispositions obligatoires au moment où elle est rendue (cf. ANDRE
GRISEL, L'application du droit public dans le temps, ZBl 1974 p. 255),
pouvait se fonder sur les dispositions en vigueur au jour où le Conseil
d'Etat a statué sur le recours. Mais l'art. 17 al. 4 OAIE, qui règle
la question de la révocation des charges, n'a pas été modifié par l'OCF
1976; après comme avant le 1er avril 1976, une telle révocation ne peut
être ordonnée que si les conditions prévues par cette disposition sont
remplies; Or le cas d'une interdiction de revendre qui aurait déjà duré
plus de cinq ans n'y est nullement prévu.

    b) L'intimée invoque le principe de la lex mitior, qui devrait
s'appliquer du moment que les droits acquis des tiers ne sont pas touchés;
et de citer l'arrêt rendu par la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral dans l'affaire Buholzer (ATF 97 I 924).

    Mais le principe de la lex mitior, qui est une exception au principe
de la non-rétroactivité des lois, est soumis aux conditions auxquelles
la doctrine et la jurisprudence subordonnent l'admissibilité de la
rétroactivité des dispositions légales, notamment à la condition que
cette rétroactivité soit expressément prévue par la loi ou qu'en tout cas
elle découle clairement de son sens (cf. ATF 102 Ia 72). Si le principe
de la lex mitior est admis principalement en droit pénal, c'est qu'il a
été expressément voulu et manifesté par le législateur à l'art. 2 al. 2
CP. Et c'est sur le principe découlant de cette disposition que se fonde
l'arrêt Buholzer précité, relatif à l'exécution de mesures prononcées
par le juge pénal.

    En l'espèce, on ne se trouve nullement dans une situation semblable. La
disposition transitoire de l'OCF 1976 déclare le nouveau texte applicable
aux seules procédures d'autorisation - et aux recours y relatifs -
qui sont en suspens au moment de son entrée en vigueur. Les autorités
cantonales peuvent donc, dès le 1er avril 1976, fixer à cinq ans au
minimum (au lieu de dix ans précédemment) l'interdiction de revendre
un immeuble pour lequel la requête d'autorisation a été déposée - ou la
décision de première instance rendue - avant cette date. Mais la durée
des interdictions de revendre fixée, dans une procédure terminée avant le
1er avril 1976, à dix ans conformément aux normes en vigueur à l'époque
ne pourrait être ramenée à cinq ans que si une disposition claire le
prévoyait, car il s'agirait alors d'un véritable cas de rétroactivité.

    Ainsi, par exemple, le législateur fédéral a-t-il dû, lors de
la revision du Code pénal du 18 mars 1971 qui a notamment supprimé
la privation des droits civiques comme peine accessoire, prévoir une
disposition transitoire expresse (III ch. 3 al. 3) pour faire cesser les
effets de privations des droits civiques prononcées dans des jugements
antérieurs. En effet, le principe de la lex mitior n'y aurait pas
suffi, lequel ne s'applique, selon l'art. 2 al. 2 CP, qu'aux procédures
pendantes - ou non encore ouvertes - au moment de l'entrée en vigueur
de la disposition plus favorable, et non pas aux procédures qui étaient
terminées à ce moment-là.

    En l'espèce, où la procédure d'autorisation était terminée en 1967
déjà, la réduction de dix à cinq ans de la durée minimale de l'interdiction
de revendre n'aurait donc pu s'appliquer que si l'OCF 1976 l'avait prévu
clairement, ce qui n'est pas le cas.

    Le Conseil d'Etat a donc violé le droit fédéral en se fondant
sur la lex mitior de 1976 pour révoquer les charges imposées lors de
l'autorisation du 2 décembre 1967.

    c) Il n'en reste pas moins que ladite réduction de dix à cinq ans est
un facteur qui pourrait permettre d'apprécier avec moins de rigueur les
demandes de révocation de charges dont la durée avait été fixée à dix ans,
notamment dans les cas où la procédure d'autorisation aurait été terminée
peu de temps avant l'entrée en vigueur de l'OCF 1976.

    Mais, en l'espèce, on ne saurait tenir compte de ce facteur: non
seulement l'intimée n'indique aucun motif valable qui permettrait de
justifier la révocation de l'interdiction de revendre (la contre-indication
médicale de résider en altitude ne constitue nullement un tel motif,
du moment que le chalet projeté n'a pas été construit), mais encore
elle a manifesté, par son comportement, que le but indiqué par elle en
vue d'obtenir l'autorisation du 2 décembre 1967 n'avait nullement le
caractère sérieux et durable requis pour une telle autorisation. Il ne
saurait être question, dans ces conditions, de la libérer des charges
destinées à assurer l'application correcte du droit fédéral en la matière.