Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IA 493



102 Ia 493

68. Extrait de l'arrêt du 17 mars 1976 en la cause Bucher-Guyer A.G. contre
Cour de justice du canton de Genève et Meikli Co. Ltd Regeste

    Schiedsgerichtsbarkeit des Schiedsgerichts der Internationalen
Handelskammer (IHK); Interkantonales Konkordat über die
Schiedsgerichtsbarkeit vom 27. März 1969; Art. 58 BV, Art. 1 UWG.

    1. Bestellung eines einzigen Schiedsrichters durch das Schiedsgericht
der IHK gemäss Art. 7 (2) Abs. 3 der Vergleichs- und Schiedsordnung der
IHK (VSO). Art. 58 BV (E. 2).

    2. Legitimation zur Geltendmachung einer Verletzung des Konkordats. Die
Bestimmungen der VSO über Zahl und Bestellung der Schiedsrichter durch
die Parteien gehen denjenigen des Konkordats (Art. 10 und 11) vor (E. 4).

    3. Überprüfung der Anwendung von Art. 7 (2) Abs. 3 VSO durch das
Bundesgericht (E. 5).

    4. Art. 1 UWG. Abmachung über die Befugnis gewisse Maschinen
herzustellen. Vertragsbruch. Schiedsurteil, das die Herstellung und den
Verkauf von Maschinen verbietet, solange diese gewisse Merkmale aufweisen,
die von der Abmachung erfasst werden (E. 12).

    5. Wirkungen der Gutheissung einer staatsrechtlichen Beschwerde gegen
den Entscheid einer kant. Behörde, die die Nichtigkeitsbeschwerde gegen
ein Schiedsurteil abgewiesen hat (E. 13).

Sachverhalt

    A.- La maison Meiki Co. Ltd (ci-après: Meiki), ayant son siège
à Nagoya (Japon), a conclu le 9 juillet 1965 une convention avec la
maison Bucher-Guyer S.A., Ateliers de construction (ci-après: Bucher),
à Niederweningen. Selon cette convention, Meiki a notamment conféré à
Bucher le droit exclusif, la licence et le privilège de construire en
Europe selon les plans et spécifications de Meiki et selon les brevets que
Meiki possédait ou pouvait posséder à l'avenir certains types de machines à
injecter des matières thermoplastiques et des presses à chaud pour laminer
des feuilles plastiques. Elle lui a aussi conféré le droit de vendre ces
machines en Europe. Meiki devait fournir à Bucher les données nécessaires
à la fabrication (dessins, plans, descriptifs, know-how, etc.) ainsi que
toute l'assistance technique requise (y compris le personnel adéquat). En
contrepartie, Bucher s'est engagée à payer à Meiki une redevance initiale
de 30'000 dollars des Etats-Unis d'Amérique dans les 30 jours dès la
conclusion de la convention, ainsi que des royautés correspondant à 4%
du prix de vente net de toute machine Meiki fabriquée et vendue par
Bucher. Celle-ci était d'autre part autorisée à faire breveter les
améliorations qu'elle pourrait apporter aux machines en question; elle
devait octroyer à Meiki une licence exclusive et gratuite de fabrication
et de vente des machines concernant les améliorations brevetées, pour
les pays situés hors d'Europe et des Etats-Unis d'Amérique. La durée de
la convention était fixée en principe à dix ans dès la date du paiement
de la redevance initiale; la convention pouvait cependant être résiliée
sans délai dans certains cas déterminés, notamment en cas de violation
matérielle (material breach) de ses dispositions. Selon l'article H-3,
tout différend relatif à la convention ou à sa violation devait être réglé
par arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale à Genève, Suisse.

    Les 19-28 mars 1968, les parties ont conclu une convention
additionnelle, aux termes de laquelle de nouveaux modèles de machines
Meiki, SJ-40 et RJ-100, étaient ajoutés à ceux qui figuraient dans la
liste contenue dans la convention de base.

    Le 31 janvier 1969, Bucher écrivit à Meiki une lettre demandant
la revision des conventions passées entre les parties. Elle indiquait
que, pour pouvoir vendre en Europe les machines à injecter des matières
thermoplastiques, elle avait été dans l'obligation de modifier celles qui
étaient offertes par Meiki, et de créer et mettre sur le marché en avril
1967 une nouvelle machine, dénommée RJ 100, qui, sauf un petit nombre
de composantes, était entièrement différente des machines fabriquées par
Meiki. Elle proposait donc à cette dernière de ne payer la redevance que
sur les parties de ses machines qui avaient été fabriquées conformément
aux spécifications de Meiki et elle versait, pour 34 machines vendues en
1968, un montant de 348 fr. 85 par machine, soit de 11'860 fr. 90 au total.

    Estimant que Bucher avait violé ses obligations contractuelles, Meiki,
par télégramme du 30 avril 1970, a déclaré résilier les conventions
intervenues entre les parties; elle a fait interdiction à Bucher de
fabriquer et de vendre des machines à injecter appliquant la technique
Meiki et ayant fait l'objet de la convention de licence, ainsi que de
fabriquer et de vendre des machines similaires, en réservant tous droits
de demander à Bucher l'accomplissement de ses obligations contractuelles.

    Le 28 mai 1970, Bucher déclara son accord pour la résiliation immédiate
des conventions, affirmant qu'elle était désormais libre d'agir à sa guise.

    Par requête du 8 juillet 1971, Meiki a saisi la Cour d'arbitrage
de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), à Paris, d'une demande
d'arbitrage sollicitant la désignation d'un arbitre unique, résumant
l'objet du litige et concluant notamment à ce que d'une part il soit fait
interdiction à Bucher de fabriquer et de vendre des machines à injecter
des matières thermoplastiques de n'importe quel type, ainsi que d'utiliser
et de divulguer le know-how acquis de Meiki, et à ce que d'autre part
Bucher soit condamnée à lui payer certains montants à titre de royautés
et de dommages-intérêts.

    Par lettre du 17 août 1971, Bucher a demandé l'ouverture de la
procédure de conciliation, conformément aux dispositions du "règlement
de conciliation et d'arbitrage" de la CCI (ci-après: règlement CCI). En
cas d'échec de la procédure de conciliation, l'arbitrage devrait avoir
lieu à Genève, conformément aux règles prévues dans le règlement, la
défenderesse se réservant le droit d'interjeter appel selon la législation
genevoise. Elle a ajouté qu'un arbitre unique pouvait être désigné si
l'on trouvait une personne qui convint aux deux parties. Sinon, Bucher
insistait pour la nomination de trois arbitres, chaque partie désignant
le sien et les deux arbitres ainsi désignés nommant le surarbitre.

    Meiki refusa toute tentative de conciliation et précisa qu'elle se
contentait d'un arbitre unique, indépendant et impartial, devant être
choisi par la CCI.

    La Cour d'arbitrage communiqua le 9 septembre 1971 cette proposition
à Bucher, l'attention de cette dernière étant attirée sur la suggestion
relative à la désignation d'un arbitre unique, avec invitation à se
déterminer à ce sujet avant la réunion de la Cour d'arbitrage. Bucher ne
réagit pas.

    La Cour d'arbitrage, siégeant le 22 septembre 1971, a prié le Comité
national canadien de la CCI de désigner un arbitre unique, constaté
l'accord des parties sur le choix de Genève comme le lieu de l'arbitrage
et fixé la provision d'arbitrage.

    Par lettre du 11 octobre 1971, Bucher, observant qu'elle s'était
réservé le droit de voir le différend jugé par un tribunal composé
de trois arbitres, insista pour obtenir satisfaction, invoquant la
"complexité des questions soulevées" et le montant "irréaliste" réclamé
par la demanderesse.

    Le 10 novembre 1971, la Cour d'arbitrage décida "de ne pas donner
suite à la demande de la partie défenderesse tendant à la constitution
d'un tribunal arbitral composé de trois arbitres, au lieu d'un arbitre
unique". Le 16 décembre 1971, elle avisa la défenderesse que l'arbitre
désigné était M. J.G. Castel, professeur à la York University, Ontario
(Canada).

    Tout en signalant qu'elle excipait, devant ledit arbitre, de
l'incompétence du Tribunal arbitral, Bucher accepta, sous toutes réserves,
de verser la provision demandée pour l'arbitrage.

    En réponse à la requête présentée par la défenderesse le 7 janvier
1972, par laquelle celle-ci soulevait un déclinatoire d'incompétence,
l'arbitre l'avisa que ce problème serait inclus dans la mission arbitrale
devant être précisée en conformité de l'art. 19 du règlement CCI.

    Par sentence préliminaire datée du 10 octobre 1972, l'arbitre a rejeté
l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse.

    L'arbitre a rendu le 29 décembre 1972 sa sentence sur le fond. Le
dispositif de cette sentence, rendue en anglais, est ainsi conçu:

    "Je condamne la défenderesse

    1) ...

    2) ...

    3) ...

    4) à cesser, dès la date de la présente sentence, la fabrication et la
   vente des machines de la demanderesse mentionnées sous section A (1)
   (a) et (b) et (c) du contrat de licence y compris les machines de la
   défenderesse TS 100, 150, 160 et 180 dans la mesure où les machines
   de la défenderesse utilisent encore les composantes suivantes basées
   sur la technique de la demanderesse, à savoir circuit de temperol,
   minuterie, vis, tambour et ajutage.

    5) à cesser dès la présente sentence, d'utiliser d'une manière
quelconque
   sur ses produits les know-how, renseignements techniques, ou autre
   propriété industrielle acquis de la demanderesse et qui ne sont pas
   tombés dans le domaine public.

    6) à ne pas divulguer, révéler, vendre ou communiquer autrement le
   know-how à qui que ce soit ou à en permettre l'utilisation pour autant
   que le know-how ne soit pas tombé dans le domaine public.

    7) ..."

    Bucher a formé, devant la Cour de justice du canton de Genève des
recours en nullité contre la sentence préliminaire et contre la sentence
sur le fond. Ces recours ont été rejetés par arrêt du 30 mai 1975.

    Bucher a attaqué, par la voie du recours de droit public, l'arrêt
rendu par la Cour de justice.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:
II. Sentence préliminaire

Erwägung 2

    2.- La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 58
Cst. en rejetant le recours formé contre la sentence du 10 octobre 1972
par laquelle l'arbitre a admis sa propre compétence.

    a) La convention du 9 juillet 1965 contient une clause compromissoire
par laquelle les parties ont convenu de soumettre à l'arbitrage de la
Chambre de Commerce Internationale (CCI) les différends résultant de la
convention ou de sa violation. Dans son texte original anglais, cette
clause a la teneur suivante:

    "Any controversy or claim, arising out of and relating to this
   agreement or breach thereof shall be settled by arbitration by the

    International Chamber of Commerce in Geneva, Switzerland".

    La Cour d'arbitrage de la CCI ne tranche pas elle-même les différends,
mais, sauf stipulation contraire, nomme ou confirme les arbitres. Selon
l'art. 7 (2) al. 3 du Règlement de conciliation et d'arbitrage de la CCI,
"si les parties n'ont pas fixé d'un commun accord quel serait le nombre
des arbitres, la Cour nomme un arbitre unique, à moins que l'une d'elles
ne demande que le litige soit soumis à trois arbitres et que le différend
ne paraisse à la Cour assez important pour justifier la désignation de
trois arbitres...". Dans sa demande d'arbitrage, l'intimée avait requis
la nomination d'un arbitre unique. La recourante insista en revanche pour
que trois arbitres soient désignés, à moins que les parties ne puissent
s'entendre sur la personne d'un seul arbitre. Elle n'a cependant pas
réagi lorsque le Secrétaire général de la Cour d'arbitrage l'a invitée
à se déterminer sur la réponse de l'intimée, qui confirmait requérir
la nomination d'un arbitre unique; c'est à cette dernière solution que
s'est arrêtée la Cour d'arbitrage, qui a maintenu sa décision après que
la recourante lui eut demandé de la reconsidérer.

    b) L'art. 58 Cst. garantit au justiciable le droit de voir les
litiges auxquels il est partie être soumis à un tribunal compétent et
régulièrement constitué d'après les dispositions constitutionnelles,
légales et réglementaires en vigueur (ATF 92 I 275, 91 I 401). En
l'espèce, le tribunal qui a statué tire sa compétence d'une clause
compromissoire convenue par les parties. La validité de cette clause n'est
pas discutée. La recourante ne soutient pas qu'elle serait inapplicable
au litige. Elle conteste en revanche la régularité de la composition du
tribunal arbitral, affirmant n'être pas liée à cet égard par le règlement
CCI. C'est ainsi que, dans la lettre qu'elle adressa le 17 août 1971 à
la Cour d'arbitrage, elle n'avait accepté de se soumettre à la décision
d'un arbitre unique que si celui-ci était désigné par accord des parties;
elle exigeait sinon la nomination de trois arbitres. La recourante relève
en outre que la clause compromissoire adoptée par les parties ne reprenait
pas la formule type recommandée par la CCI et ainsi conçue:

    "Tous différends découlant du présent contrat seront tranchés
   définitivement suivant le Règlement de Conciliation et d'Arbitrage de la

    Chambre de Commerce Internationale par un ou plusieurs arbitres nommés
   conformément à ce Règlement."

    c) L'arbitrage organisé par la CCI est un arbitrage institutionnel,
créé par un organisme de droit privé de caractère international, régi
par un règlement adopté par la Chambre afin de faire trancher rapidement
les litiges commerciaux par des personnes qualifiées, et auquel les
commerçants de nombreux pays ont coutume de se soumettre (ATF 84 I 50,
SIMON, Die Schiedsgerichtsbarkeit der Internationalen Handelskammer,
in Die Schiedsgerichtsbarkeit in Zivil- und Handelssachen in Europa,
publié par A. Schönke, Berlin 1944, t. I, p. 50 ss; KLEIN, Considérations
sur l'arbitrage en droit international privé, p. 29; LALIVE, Problèmes
relatifs à l'arbitrage international commercial, Recueil des Cours de
l'Académie de droit international de La Haye, 1967 I 664). Les parties qui,
sans formuler de réserve, déclarent vouloir se soumettre à l'arbitrage de
la CCI acceptent de ce fait que les arbitres soient choisis conformément
aux règles établies par cette Chambre. Dans la clause compromissoire
qu'elles ont adoptée en l'espèce, les parties ne se sont certes pas
référées expressément au règlement CCI; mais l'application de ce dernier
était sous-entendue. L'art. 13 (1) du règlement dispose d'ailleurs que
"lorsque les parties conviennent d'avoir recours à l'arbitrage par les
soins de la Chambre de Commerce Internationale, elles se soumettent par
là même au présent Règlement".

    A tort la recourante croit pouvoir tirer argument de la différence
de texte entre la clause compromissoire adoptée et la formule type
recommandée par la CCI. Si cette dernière a prévu, en dehors du texte de
son règlement, une telle formule, dans le but de faciliter l'insertion
de clauses compromissoires dans les contrats, cela ne saurait entraîner
l'invalidité de toute autre formule choisie par les parties. Il convient en
outre de relever que, dans sa lettre du 17 août 1971 à la Cour d'arbitrage,
la recourante déclara expressément admettre l'application du règlement
CCI, sous réserve seulement du droit d'appel selon la législation
genevoise. C'est dès lors à juste titre que sa requête tendant à la
désignation de trois arbitres a été examinée au regard de l'art. 7 (2)
al. 3 du règlement CCI, applicable in casu. En écartant le grief fondé sur
l'art. 58 Cst., la Cour de justice n'a donc pas violé cette disposition.

Erwägung 4

    4.- La recourante soutient que la Cour de justice a admis la
compétence d'un arbitre unique en violation des art. 10 et 11 du concordat
intercantonal sur l'arbitrage, du 27 mars 1969, approuvé par le Conseil
fédéral le 27 août 1969 (CIA); elle considère donc que l'autorité cantonale
aurait dû déclarer le recours bien fondé en tant qu'il se basait sur les
art. 36 lettres a et b CIA.

    Selon un ancien arrêt, seuls les ressortissants des cantons
concordataires ont qualité pour invoquer une violation du concordat (ATF
54 I 148). La doctrine, qui se réfère à cette jurisprudence, assimile
les concordats aux traités internationaux, qui n'accordent en général
des droits qu'aux ressortissants des Etats liés entre eux (BIRCHMEIER,
Bundesrechtspflege, p. 358; MARTI, Die staatsrechtliche Beschwerde,
p. 32/33; KIRCHOFER, Über die Legitimation zum staatsrechtlichen Rekurs,
RDS 55, p. 180; VETSCH, Die staatsrechtliche Beschwerde wegen Verletzung
von Konkordaten, p. 53). En l'espèce, la recourante a son siège dans
un canton qui n'a pas adhéré au CIA. Il convient cependant de relever
qu'aux termes de l'art. 1er al. 1 CIA, ce concordat s'applique à toute
procédure par-devant un tribunal arbitral dont le siège se trouve sur
le territoire de l'un des cantons concordataires - ce qui est le cas en
l'espèce - et que l'art. 369 de la loi genevoise de procédure civile, du
13 octobre 1920, prescrit que l'arbitrage est régi par les dispositions du
concordat d'arbitrage, approuvé par le Conseil fédéral le 27 avril 1969 et
entré en vigueur dans le canton le 12 janvier 1971. Le recours en nullité
contre la décision arbitrale, prévu aux art. 36 ss CIA, pouvait ainsi être
formé par les parties, qu'elles aient ou non leur domicile ou leur siège
dans un canton concordataire. Elles doivent également pouvoir alléguer,
devant le Tribunal fédéral, la violation des dispositions du concordat en
formant, contre la décision rendue par l'autorité cantonale compétente
au sens de l'art. 3 CIA, un recours de droit public pour violation du
concordat (art. 84 al. 1 lettre b OJ). Peu importe à cet égard qu'elles
soient domiciliées ou qu'elles aient leur siège dans un canton qui n'a
pas adhéré au CIA ou à l'étranger (cf. ATF 98 Ia 230 consid. 2a, ainsi
qu'ATF 100 Ia 422).

    Le grief de violation du concordat intercantonal d'arbitrage est ainsi
recevable. Il est toutefois mal fondé. L'art. 1er al. 2 CIA réserve en
effet l'application des règlements d'arbitrage d'institutions privées
ou publiques ainsi que des compromis d'arbitrage et des clauses
compromissoires, dans la mesure où ils ne contreviennent pas aux
dispositions impératives du concordat; énumérées à l'art. 1er al. 3 CIA,
celles-ci ne comprennent ni l'art. 10 (nombre des arbitres) ni l'art. 11
(désignation par les parties). Les dispositions du règlement d'arbitrage
de la CCI priment donc sur ces points celles du concordat, de telle sorte
que ces deux articles ne sont pas applicables en l'espèce.

Erwägung 5

    5.- La recourante soutient subsidiairement que l'art. 7 du règlement
CCI n'a pas été correctement appliqué; en rejetant ce grief, la Cour de
justice aurait violé l'art. 4 Cst. ainsi que l'art. 36 lettres a et b CIA.

    a) Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de
droit public formé pour violation d'un concordat (art. 84 al. 1 lettre b
OJ), examine librement les griefs invoqués, quelle que soit la nature du
concordat (ATF 101 Ia 527, 100 Ia 422 consid. 3). Toutefois, le grief que
la recourante soulève ne vise pas l'interprétation du concordat comme tel,
mais celle du règlement CCI. Le Tribunal fédéral ne peut l'examiner que
sous l'angle restreint de l'arbitraire. Il ne saurait en effet avoir à
cet égard un pouvoir de cognition plus étendu que celui dont il dispose,
dans le cadre de l'art. 58 Cst., lorsqu'il se prononce sur l'application
de la législation cantonale relative à la composition des tribunaux
(ATF 98 Ia 359 consid. 2).

    b) L'art. 7 (2) al. 3 du règlement CCI prévoit que lorsque les parties
n'ont pas convenu elles-mêmes du nombre des arbitres, la Cour d'arbitrage
nomme un arbitre unique, à moins que l'une des parties ne demande que le
litige soit soumis à trois arbitres, et que le différend ne paraisse à
la Cour assez important pour justifier l'admission de cette requête.

    Dans sa sentence préliminaire, l'arbitre désigné par la Cour a déclaré
que celle-ci était seule compétente pour décider du nombre des arbitres,
et que cette décision ne pouvait être contestée ni devant l'arbitre, ni
devant les tribunaux genevois. Il est toutefois évident que la décision de
la Cour d'arbitrage peut être soumise indirectement à l'autorité judiciaire
genevoise, dans le cadre du recours en nullité formé contre la sentence
arbitrale. La Cour de justice a effectivement reçu le recours, qu'elle
a rejeté en déclarant que l'appréciation faite par la Cour d'arbitrage
n'était pas arbitraire.

    c) La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir relevé qu'elle
avait omis de motiver clairement sa prétention concernant la nomination
de trois arbitres. Ce grief n'est pas fondé. Au surplus, la constatation
de la Cour de justice sur ce point n'a qu'un caractère accessoire. En
effet, ni le Secrétaire général de la Cour d'arbitrage, ni l'arbitre n'ont
soutenu que c'est à la suite de la carence de la recourante que la Cour
d'arbitrage avait décidé la nomination d'un arbitre unique.

    d) La recourante reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir
examiné elle-même si l'importance du litige justifiait la désignation de
trois arbitres, mais de s'être bornée à constater que la Cour d'arbitrage
pouvait valablement faire application de l'art. 7 (2) al. 3 du règlement
CCI et nommer un arbitre unique "puisqu'elle estimait que le différend ne
paraissait pas assez important pour justifier la nomination de plusieurs
arbitres".

    Il est certes exact que la valeur litigieuse était en l'espèce
élevée. Mais on peut se demander si le règlement CCI, en se référant à
l'importance du litige, vise nécessairement le montant des prétentions
pécuniaires des parties. Tel paraît être l'avis de M. Frédéric Eisemann;
alors qu'il était Secrétaire général de la Cour d'arbitrage de la CCI,
il déclara, dans un exposé présenté en 1971 devant le Comité national
autrichien de la CCI:

    "Wenn sich die Parteien darauf nicht einigen können, ist nach der
   gegenwärtigen Schiedsordnung der Schiedsgerichtshof sogar gezwungen,
   drei

    Schiedsrichter zu bestellen, sofern nur eine höhere Summe im Spiel
steht,
   mag der Fall auch sonst keinerlei Komplexität aufweisen"
   (Welthandelsschiedsgerichtsbarkeit - heute, Vienne 1971, p. 8).

    Cette interprétation ne saurait toutefois engager la Cour d'arbitrage;
elle ne résulte pas directement du texte du règlement, qui laisse à
la Cour toute liberté d'appréciation. A moins que le litige ne lui
paraisse "particulièrement important", la Cour préfère généralement
désigner un arbitre unique, en partant de l'idée que, lorsque chaque
partie désigne son arbitre, c'est en général, le surarbitre qui
prend en réalité seul la décision (SIMON, loc.cit., p. 59; WEISBART,
Vergleichs- und Schiedsgerichtsordnung der internationalen Handelskammer,
in Internationales Jahrbuch für Schiedsgerichtswesen in Zivil- und
Handelssachen, II 1928, n. 2 ad art. 11, p. 278; IV 1934, n. 2 ad art. 12,
p. 37).

    Dans ces conditions, la sentence arbitrale n'aurait pu être annulée en
raison de la désignation d'un arbitre unique que s'il avait été démontré,
d'une façon indubitable, que, dans le cas particulier, l'importance du
litige était telle qu'elle appelait nécessairement la présence de trois
arbitres. La recourante ne l'a pas établi; elle avait d'ailleurs elle-même
considéré qu'un seul arbitre pouvait suffire si les parties s'entendaient
sur son choix.

    La Cour de justice n'a donc pas commis arbitraire en considérant que
la décision de la Cour d'arbitrage n'avait pas été rendue en violation
du règlement CCI, et que la sentence préliminaire ne pouvait être annulée
de ce chef.

    e) La recourante reproche à la Cour d'arbitrage, à l'arbitre et
à la Cour de justice d'avoir omis de motiver leurs décisions quant au
choix d'un arbitre unique, ce qui entraînerait l'annulation de l'arrêt
entrepris. Ce grief n'est pas fondé.

    Il convient de relever tout d'abord que seules les décisions de la
Cour d'arbitrage ne sont pas motivées. Cette cour considère en effet que
"l'appréciation de l'importance du litige est un pouvoir discrétionnaire
de la Cour" (cf. la lettre adressée à l'intimée le 14 décembre 1973 par
le Secrétaire général de la Cour d'arbitrage). Aucune disposition du
règlement CCI n'oblige la Cour à motiver ses décisions: par ailleurs, on
peut admettre qu'une motivation n'est pas indispensable lorsque, comme en
l'espèce, la décision de la Cour ne porte que sur le nombre des arbitres.

    En tant qu'il rejette les recours en nullité formés contre la sentence
du 10 octobre 1972, l'arrêt de la Cour de justice ne viole ni les droits
constitutionnels invoqués par la recourante, ni les dispositions du
concordat intercantonal sur l'arbitrage. Le recours doit ainsi, sur ce
point, être rejeté dans la mesure où il est recevable. III. Sentence
sur le fond

Erwägung 12

    12.- Dans le point 4 du dispositif de sa sentence, l'arbitre a fait
interdiction à la défenderesse de continuer à fabriquer et à vendre
les machines visées par la convention, y compris les machines de la
défenderesse TS 100, 150, 160 et 180, dans la mesure où ces machines
utilisent encore les composantes suivantes basées sur la technique
de la demanderesse, à savoir circuit de temperol, minuterie, vis et
ajutage. Dans les points 5 et 6, il a fait interdiction à la défenderesse
d'utiliser le know-how, les renseignements techniques ou autre propriété
industrielle acquis de la demanderesse, ou à divulguer, révéler, vendre
ou communiquer ce know-how ou à en permettre l'utilisation; toutefois, en
ce qui concerne ces deux points, l'interdiction ne vise que le know-how
et les renseignements qui ne sont pas tombés dans le domaine public. En
revanche, une telle réserve ne figure pas dans le point 4.

    a) Pour interdire à la défenderesse de continuer à fabriquer et à
vendre les machines susvisées, l'arbitre s'est référé à l'art. 1er de la
loi fédérale sur la concurrence déloyale, du 30 décembre 1943 (LCD), et
plus particulièrement à la lettre d du deuxième al. de cette disposition;
il a déclaré que le fait pour la défenderesse de continuer à fabriquer
des machines similaires constituerait clairement un cas de concurrence
déloyale au sens de la disposition légale précitée. Répondant au grief
d'arbitraire invoqué par la recourante, la Cour de justice s'est contentée
d'une motivation sommaire, déclarant que l'argumentation de l'arbitre,
fondée sur des principes dégagés par la jurisprudence fédérale (ATF 93
II 278/279, 92 II 206; JdT 1952 I 202) et par la doctrine (V. BÜREN,
Kommentar, allgemeines No 78; Generalklausel No 60, p. 64; Nos 5 à 7
ad art. 1er lettres f et g), n'était nullement arbitraire, même si,
en regard de certaines nuances, elle était peut-être discutable.

    La recourante affirme que la décision de la Cour de justice est, sur
ce point, insoutenable. Selon la jurisprudence et la doctrine, l'imitation
de procédés tenus secrets peut être interdite, mais non celle de procédés
tombés dans le domaine public. Il y aurait contradiction entre la décision
de l'arbitre qui lui interdit d'une manière absolue de fabriquer et de
vendre les machines visées par la sentence et celle qui ne lui interdit
d'utiliser ou de divulguer le know-how acquis de l'intimée qu'en tant
que celui-ci n'est pas tombé dans le domaine public.

    b) Selon l'art. 1er al. 1 LCD (clause générale), est réputé concurrence
déloyale tout abus de la concurrence économique résultant d'une tromperie
ou d'un autre procédé contraire aux règles de la bonne foi.

    L'art. 1er al. 2 lettres a-k LCD énumère différents cas particuliers
de violation de ces règles. En l'espèce, l'arbitre s'est expressément
référé à l'art. 1er al. 2 lettre d, aux termes duquel enfreint les
règles de la bonne foi celui qui "prend des mesures destinées ou de
nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les oeuvres,
l'activité ou l'entreprise d'autrui". Il a d'autre part appliqué, sans le
dire expressément, l'art. 2 al. 1 lettre b LCD, qui permet à celui qui
est atteint ou menacé par un acte de concurrence déloyale de demander la
cessation de cet acte.

    Il convient de constater que ni l'arbitre, ni la Cour de justice
n'expliquent en quoi l'art. 1er al. 2 lettre d LCD serait applicable en
l'espèce. Il n'a pas été allégué devant l'arbitre que la défenderesse
cherchait, par la fabrication et la vente de ses machines, à créer une
confusion avec les produits de l'intimée, de sorte que la sentence ne
peut se fonder sur la disposition précitée. Visant d'une manière générale
l'art. 1er LCD, l'arbitre paraît toutefois avoir entendu faire application
de la clause générale contenue au premier al. de cette disposition. Dans
les motifs concernant l'interdiction d'utiliser et de divulguer le
know-how, il s'est expressément référé aux arrêts rendus par le Tribunal
fédéral dans les causes Widmer c. Rymann A.G. (ATF 93 II 275) et Kunz
c. Zürrer (ATF 77 II 266), et l'on peut admettre qu'il a voulu se fonder
sur les principes juridiques énoncés dans cette jurisprudence également
en ce qui concerne l'interdiction de fabrication et de vente. Dans l'arrêt
Kunz c. Zürrer, le Tribunal fédéral a considéré qu'un acte de concurrence
déloyale peut résulter de la violation d'une obligation de fidélité assumée
dans un contrat d'entreprise; ainsi, l'entrepreneur auquel la construction
d'un appareil avait été confiée agissait contrairement à la bonne foi, au
sens de l'art. 1er LCD, s'il exploitait l'idée de construction après la fin
du contrat, alors même qu'il n'existait plus de secret à ce moment. Mais
l'arbitre a omis de tenir compte des réserves que contient cet arrêt: en
l'espèce, l'interdiction de fabriquer l'appareil en question était motivée
par le fait que l'industriel qui fabriquait le produit le premier pouvait
être en mesure de couvrir les besoins du marché pour une longue période,
de sorte que le secret qui existait lors de la conception de l'appareil
permettait à son constructeur d'éliminer pratiquement toute concurrence;
l'arrêt précise au surplus que l'entrepreneur pourrait fabriquer et
vendre l'objet en cause si un autre fabricant mettait sur le marché,
sans son fait, un appareil de même nature (consid. 3b, publié in JdT
1952 I 208). Dans l'arrêt Widmer c. Rymann, le Tribunal fédéral a admis
que l'obligation de conserver le secret devient sans objet si l'idée qui
est à la base de ce secret est tombée dans le domaine public. Lorsque la
collaboration entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur a pris fin
et que le secret n'existe plus, il n'y a plus place pour une obligation de
fidélité. Celle-ci ne survit au contrat que lorsque le maître de l'ouvrage
rapporte la preuve de l'existence de son intérêt juridique dans ce sens,
soit lorsque l'entrepreneur utilise à son profit une idée qui appartient
encore audit maître. Mais l'intérêt de pur fait de ce dernier à ne pas
être concurrencé ne saurait être pris en considération. Quant à l'auteur
cité par la Cour de justice, il se réfère essentiellement à l'arrêt Kunz
c. Zürrer.

    c) En l'espèce, l'arbitre s'est fondé sur l'art. 1er LCD et
spécialement sur son al. 2 lettre d sans indiquer quels étaient les
principes juridiques ou les circonstances particulières qui l'autorisaient
à faire interdiction absolue à la défenderesse de continuer à fabriquer
et à vendre ses machines aussi longtemps que celles-ci contiendraient
certaines caractéristiques tirées des machines de la demanderesse. Ayant
rompu le contrat, cette dernière ne pouvait en exiger la continuation. Il
était donc exclu, en principe, qu'elle requît qu'il fût fait défense
à Bucher de fabriquer ou de vendre des machines contenant lesdites
caractéristiques, à moins de prouver que ces caractéristiques ou le mode
de fabrication des machines constituent toujours un secret, preuve qu'elle
n'a pas rapportée. L'arbitre à déclaré lui-même que le cylindre et la
vis caractéristiques des machines Meiki ne pouvaient constituer un secret.

    Par ailleurs, se référant aux arrêts susmentionnés du Tribunal fédéral,
l'arbitre a admis qu'il n'y avait lieu de faire défense à Bucher d'utiliser
le know-how acquis de Meiki qu'aussi longtemps que celui-ci n'était pas
"publiquement connu". Il n'a pas expliqué, comme le relève justement la
recourante, pourquoi il n'appliquait pas la même règle à la défense de
fabriquer des machines. La Cour de justice ne s'est pas non plus prononcée
à ce sujet.

    C'est dès lors arbitrairement que, dans le point 4 du dispositif,
l'arbitre a fait défense à Bucher de fabriquer et de vendre les machines en
cause, aussi longtemps qu'elles contiendraient certaines caractéristiques,
et ce sans aucune autre limitation. La Cour de justice a donc commis
arbitraire en rejetant à cet égard le recours de la défenderesse.

Erwägung 13

    13.- Les sentences arbitrales ne peuvent être attaquées directement,
par la voie du recours de droit public, devant le Tribunal fédéral (ATF
71 I 35, 67 I 34; arrêt du 8 mars 1974 en la cause Thönen; BIRCHMEIER,
Bundesrechtspflege, p. 311). En revanche, ce dernier peut être saisi
d'un recours formé contre la décision de l'autorité judiciaire prévue à
l'art. 3 CIA et statuant sur un recours en nullité attaquant la sentence
arbitrale. Lorsque, comme en l'espèce, le recours doit être admis,
la décision attaquée est annulée. La cause est renvoyée à l'autorité
cantonale, à laquelle il appartient de dire si elle annule la sentence dans
son entier ou si l'annulation ne porte que sur certains chefs seulement.

Entscheid:

            Par ces motifs, le Tribunal fédéral,

    1. Rejette le recours en tant qu'il est dirigé contre la décision
de la Cour de justice écartant les recours en nullité formés contre la
sentence préliminaire du 10 octobre 1972.

    2. Admet le recours dans la mesure où il est recevable et annule
l'arrêt de la Cour de justice en tant qu'il a rejeté le recours en nullité
formé contre la sentence sur le fond du 29 décembre 1972.