Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IA 452



102 Ia 452

64. Extrait de l'arrêt du 22 décembre 1976 en la cause Marché Diga S.A.
contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel et commune du Landeron Regeste

    Art. 31 BV.

    Den Ladeninhabern auferlegte Verpflichtung ihre Geschäfte an einem
Wochenhalbtag geschlossen zu halten. Bestimmungen, welche die Wahl des
Halbtags beschränken.

Sachverhalt

    A.- La loi neuchâteloise sur la fermeture des magasins durant
la semaine (LFM), du 1er octobre 1968, prévoit, à son art. 4, que sur
requête écrite des deux tiers au moins des commerçants d'une même branche
d'activité et après avoir consulté les associations professionnelles
intéressées, le Conseil communal peut, pour les magasins de cette branche,
prescrire la fermeture obligatoire un demi-jour, deux demi-jours ou un
jour entier ouvrables par semaine. Parmi les branches d'activité figurent
notamment les épiceries-primeurs, les laiteries, les boulangeries ainsi
que les grands magasins à rayons multiples. Lorsque des requêtes sont
présentées conjointement par des commerçants de branches différentes,
les majorités sont calculées pour chacune d'elles.

    Marché Diga S.A., entreprise commerciale ayant son siège à Cernier,
a ouvert un "supermarché" au Landeron en mars 1975. Conformément à sa
demande, cette entreprise a été autorisée par le Conseil communal à fixer
au lundi matin la demi-journée hebdomadaire de fermeture.

    En avril 1975, à la suite d'une démarche effectuée par le Groupement
des commerçants du Landeron, le Conseil communal a informé Marché
Diga S.A. qu'elle serait soumise à un arrêté communal du 21 mars 1967,
dont l'art. 1er dispose que les magasins d'alimentation sont fermés le
mercredi après-midi.

    Marché Diga S.A. s'est opposée à cette décision. Représentant à elle
seule les deux tiers des commerçants de la branche des grands magasins
à rayons multiples, elle demandait de prévoir, pour cette catégorie de
commerces, la fermeture du lundi matin.

    A la suite d'une requête présentée par une association de commerçants
du district de Neuchâtel et par plusieurs commerçants du Landeron, le
Conseil communal a adopté le 4 novembre 1975 un nouvel arrêté soumettant
les grands magasins à rayons multiples à l'art. 1er de l'arrêté du 21
mars 1967.

    Marché Diga S.A. a formé auprès du Conseil d'Etat un recours contre
cet arrêté; elle demandait le maintien de l'ouverture de son magasin le
mercredi après-midi.

    Le 25 mai 1976, le Conseil d'Etat a rejeté le recours.

    Marché Diga S.A. a formé contre la décision du Conseil d'Etat un
recours de droit public, que le Tribunal fédéral a admis dans la mesure
où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- L'art. 31 Cst., qui proclame la liberté du commerce et de
l'industrie, réserve les prescriptions cantonales sur l'exercice du
commerce et de l'industrie; celles-ci ne peuvent cependant déroger
au principe de la liberté ainsi garantie, à moins que la constitution
fédérale n'en dispose autrement. Selon la jurisprudence, le canton est
en droit d'imposer aux commerçants l'obligation de fermer les locaux de
vente pendant un demi-jour ouvrable par semaine; une telle mesure peut être
destinée à la protection non pas des travailleurs - actuellement protégés
en vertu de la loi sur le travail - mais des exploitants eux-mêmes, des
membres de leurs familles et de certains employés dirigeants. Le canton
ne peut en revanche justifier une telle obligation par des considérations
de politique économique; les mesures prises ne doivent donc pas avoir pour
objectif d'intervenir dans la libre concurrence. De plus, pour satisfaire
aux exigences de l'art. 31 Cst., les prescriptions cantonales doivent
reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public suffisant
et respecter les principes de la proportionnalité et de l'égalité de
traitement (ATF 101 Ia 486 consid. 5 et les arrêts cités).

Erwägung 4

    4.- L'existence d'une base légale n'est pas contestée.  L'arrêté pris
par le Conseil communal le 4 novembre 1975 est fondé sur la loi sur la
fermeture des magasins, qui autorise l'autorité communale à prescrire
dans certaines conditions aux commerçants la fermeture des magasins un
demi-jour ouvrable par semaine. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner
si cette loi a été correctement interprétée, la recourante n'élevant pas
sur ce point de grief recevable.

Erwägung 5

    5.- Dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat justifie
l'application de la loi dans la commune du Landeron, où la plupart
des magasins sont tenus par une seule personne ou par une famille, par
le besoin de protéger les commerçants de façon à leur assurer un repos
minimum. Seule une mesure telle que celle qui est prévue par la loi permet
d'obtenir ce résultat, à la condition que les magasins plus importants,
disposant d'un certain personnel, y soient également assujettis.

    De ce point de vue cependant, l'existence d'un intérêt public n'est pas
contestée par la recourante, qui accepte l'obligation qui lui est faite
de fermer son magasin un demi-jour ouvrable par semaine. En revanche,
elle fait grief à la décision attaquée de l'astreindre à l'observation
de la même demi-journée de fermeture que celle qui est prévue pour les
magasins d'alimentation, soit le mercredi après-midi, alors qu'elle désire
pouvoir continuer à assurer cette fermeture le lundi matin.

    Il s'agit donc de savoir si l'autorité cantonale justifie de
l'existence d'un intérêt public non pas pour ordonner aux commerçants
la fermeture d'un demi-jour ouvrable, mais bien pour obliger les grands
magasins à rayons multiples à observer la même demi-journée de fermeture
que celle qui est imposée aux commerces d'alimentation. Le Conseil communal
légitime cette mesure par la recherche "de l'égalité de traitement et la
sauvegarde de l'harmonie entre les divers commerçants"; pour sa part, le
Conseil d'Etat déclare que la multiplication des régimes applicables dans
le domaine de la fermeture hebdomadaire serait à l'origine de nombreuses
difficultés nées d'un excès de concurrence.

Erwägung 6

    6.- D'après la jurisprudence, le but d'intérêt public qui peut être
poursuivi par les mesures tendant à imposer aux commerçants la fermeture
de leurs magasins pendant une demi-journée ouvrable par semaine, soit la
sauvegarde des loisirs des exploitants, des membres de leurs familles
et des employés dirigeants, pourrait parfaitement être réalisé par des
dispositions qui laisseraient aux commerçants la liberté de choisir la
demi-journée de fermeture. Mais d'autres buts d'intérêt public sont à même
de justifier des restrictions à cette dernière liberté; il peut s'agir
notamment de permettre ou de faciliter le contrôle par les pouvoirs publics
de l'observation de l'ordre de fermeture, ou encore, le cas échéant,
de tenir compte des intérêts du public (ATF 101 Ia 488 ss, 98 Ia 404
consid. 6). Aucun motif de cette nature n'est cependant invoqué par les
autorités neuchâteloises. On voit d'ailleurs mal que l'on puisse fonder
la mesure prise sur des considérations tenant à l'obligation d'assurer le
contrôle; même si Marché Diga S.A. n'est pas la seule entreprise de son
espèce, comme l'affirme le Conseil d'Etat, des magasins tels que celui
qu'elle exploite sont en tout cas en très petit nombre. On ne saurait
prétendre non plus que le besoin de tenir compte des intérêts du public
puisse jouer un rôle en l'occurrence.

    Selon le principe de la proportionnalité, l'intervention de l'Etat ne
doit pas restreindre les libertés individuelles dans une mesure plus grande
que ne l'exige le but recherché (ATF 101 Ia 488, 99 Ia 380, 98 Ia 403 s.,
97 I 508). Il ressort de ce qui précède que la réalisation de ce but ne
réclame pas l'adoption de mesures imposant la fixation d'une demi-journée
de fermeture uniforme pour l'ensemble des magasins d'une localité.
Sans même que l'on doive résoudre la question de savoir si une liberté
complète devrait être laissée à chaque commerçant - ce à quoi pourraient
s'opposer les raisons mentionnées ci-dessus - aucun motif compatible avec
les exigences de l'art. 31 Cst. ne permet d'imposer aux grands magasins,
comme celui de la recourante où, d'après les constatations du Département
de l'industrie, les rayons consacrés aux produits non alimentaires ont
une importance plus grande que ceux consacrés aux produits alimentaires,
la même demi-journée de fermeture qu'aux magasins d'alimentation. Le
motif allégué par le Conseil d'Etat ne peut se justifier au regard de
l'art. 31 Cst., s'agissant d'une mesure de politique économique que le
canton ne pourrait prendre que s'il y était autorisé par une disposition
spéciale de la constitution, comme l'art. 31ter Cst. Or, il n'existe en la
matière aucune disposition de ce genre. L'argument invoqué par la commune,
soit la recherche de l'égalité de traitement entre les commerçants, perd
toute pertinence du moment que l'on peut accorder une certaine liberté
de choix aussi bien aux magasins d'alimentation qu'aux exploitants de
grands magasins en les soumettant à une restriction analogue.

    L'obligation imposée à la recourante de tenir ses locaux fermés le
mercredi après-midi plutôt que le lundi matin ne se justifie donc pas au
regard de l'art. 31 Cst.