Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 102 IA 355



102 Ia 355

51. Extrait de l'arrêt du 10 novembre 1976 en la cause William Magnin et
consorts contre Conseil d'Etat du canton du Valais Regeste

    Art. 4 BV.; formelle Rechtsverweigerung. Baubewilligung für Flugfeld
mit besonderen Merkmalen (Höhenflugplatz).

    Die aufgrund von Art. 37 LFG vom Eidgenössischen Luftamt erteilte
Baubewilligung für ein Flugfeld befreit den Ersteller nicht von der
Einholung einer Baubewilligung gemäss kantonalem und kommunalem Recht.

Sachverhalt

    A.- La société anonyme Téléverbier S.A., à Martigny, a adressé le 6
mars 1970 à l'Office fédéral de l'air une demande d'autorisation en vue
de la construction d'un "altiport" au lieu dit Croix-de-Coeur, au-dessus
de la station de Verbier, sur le territoire de la commune de Riddes.

    Après avoir suivi la procédure prescrite par la législation fédérale
sur la navigation aérienne, l'Office fédéral de l'air, section des
aérodromes, a accordé à la requérante, le 8 juillet 1971, l'autorisation
prévue par l'art. 37 al. 2 LNA, précisant que cette autorisation ne
dispensait pas la bénéficiaire de l'obligation de demander l'accord de la
commune ou du canton, selon les prescriptions locales, avant d'entreprendre
tout travail.

    Publication de l'autorisation a été faite dans le "Bulletin officiel
du canton du Valais" du 16 juillet 1971, avec la mention suivante:

    "Dans les trente jours dès la notification, la présente décision peut
   être attaquée par voie de recours au Département fédéral des transports
   et communications et de l'énergie, 3003 Berne. Le mémoire de recours
   sera adressé en deux exemplaires et contiendra les conclusions et
   leurs motifs.

    Un recours éventuel n'aura pas d'effet suspensif."

    L'autorisation ainsi délivrée à Téléverbier S.A. n'a pas fait l'objet
de recours.

    Le 15 avril 1976, Téléverbier S.A. a formé auprès de l'Administration
communale de Riddes une demande d'autorisation de construire
à Croix-de-Coeur un "aérodrome à trouée unique", demande visant
exclusivement les terrassements. L'Administration communale a mis cette
demande à l'enquête publique par publication au "Bulletin officiel" du
23 avril 1976. Dans le délai réglementaire de dix jours, un grand nombre
d'oppositions, émanant surtout de propriétaires de chalets sis aux Mayens
de Riddes et à Verbier, ont été déposées au greffe communal.

    Le 7 mai 1976, l'Administration communale a préavisé favorablement
la demande. Le 18 mai, elle a transmis à la Commission cantonale des
constructions (ci-après: CCC) les oppositions formées contre la demande
d'autorisation de construire. La CCC a soumis le dossier aux différents
offices cantonaux intéressés puis, le 22 juillet 1976, a décidé qu'elle
n'était pas habilitée à se déterminer au sujet de la demande d'autorisation
des travaux de terrassement de l'aérodrome, de même qu'au sujet de
celle qui concernait la construction d'un baraquement de chantier en
vue de cette construction; elle considérait qu'en vertu des art. 42 ss
de l'ordonnance sur la navigation aérienne (ONA) du 14 novembre 1973,
il incombait à l'Office fédéral de l'air d'accorder les autorisations de
ce genre. Elle transmettait en conséquence les dossiers accompagnés des
oppositions à l'Office fédéral de l'air pour statuer sur les oppositions.

    Téléverbier S.A. a été informée par télégramme de cette décision
dans la matinée du 22 juillet et a commencé les travaux de terrassement
le même jour.

    Le 3 août 1976, le Département cantonal des travaux publics et des
forêts a informé les opposants de la décision de la CCC du 22 juillet
1976 et leur a fait savoir qu'il transmettait le même jour les dossiers à
l'Office fédéral de l'air. Mais, par actes des 28 et 30 juillet 1976, ayant
appris par un communiqué de presse la décision de la CCC et le début des
travaux de terrassement, un certain nombre d'opposants avaient déjà attaqué
la décision de la CCC devant le Conseil d'Etat, requérant son annulation.

    Par deux décisions du 4 août 1976, le Conseil d'Etat a déclaré les
recours irrecevables. Il a considéré que l'octroi du permis d'aménager un
aéroport relève de la compétence exclusive de l'Office fédéral de l'air,
qu'en l'espèce l'autorisation donnée par ledit office en date du 8 juillet
1971 n'avait pas été attaquée et était devenue définitive et exécutoire;
enfin que le projet avait été examiné et admis, à l'époque, par le Conseil
d'Etat et qu'il n'y avait pas lieu de reprendre l'enquête.

    Divers propriétaires fonciers et l'Association pour la sauvegarde
de la région de la Croix-de-Coeur forment un recours de droit public
fondé sur l'art. 4 Cst. (déni de justice) et tendant à l'annulation des
décisions du Conseil d'Etat du 4 août 1976.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 5

    5.- Les recourants se plaignent essentiellement d'être victimes d'un
déni de justice du fait que les oppositions qu'ils ont formées contre la
demande de permis de construire pour l'aérodrome de Croix-de-Coeur n'ont
pas été tranchées quant au fond.

    Selon les décisions entreprises, l'octroi du permis d'aménager un
aéroport (recte: un aérodrome) relèverait de la compétence exclusive de
l'Office fédéral de l'air (OFA), en vertu de l'art. 37 de la loi sur la
navigation aérienne (LNA). Il s'agirait d'un acte formel et définitif,
marquant l'aboutissement de la procédure d'autorisation applicable,
et cette procédure supposerait le respect des conditions que la commune
et le canton peuvent exiger en vertu de leur législation en matière de
constructions lors de leur consultation préalable: en l'espèce, le Conseil
d'Etat aurait approuvé le projet de construction le 2 juin 1971. Ayant
publié dans le "Bulletin officiel" du 16 juillet 1971 son autorisation du 8
juillet, l'OFA aurait donné ainsi à tous les justiciables éventuellement
touchés dans leurs intérêts juridiquement protégés la possibilité de
consulter les plans et de s'y opposer en attaquant cet acte par un
recours au Département fédéral des transports et de l'énergie. Cet
acte n'ayant fait l'objet d'aucun recours, il serait entré en force et
serait exécutoire. Il n'y aurait pas lieu de recommencer l'enquête au
sujet d'un projet déjà examiné et définitivement admis par la dernière
instance cantonale.

    Alors que, dans ses décisions du 4 août 1976, le Conseil d'Etat a
ainsi considéré que la décision fédérale avait fait suite à une véritable
décision cantonale de dernière instance, il a modifié son argumentation
dans ses réponses aux recours: il a déclaré qu'il n'existait pas, en la
matière, de procédure sur le plan cantonal, que la compétence de l'OFA
excluait celle des autorités cantonales et que le canton du Valais,
à l'instar de la commune, n'intervenait qu'à titre consultatif.

Erwägung 6

    6.- La loi fédérale sur la navigation aérienne distingue deux
catégories d'aérodromes: les aérodromes ouverts à la navigation publique,
qui ne peuvent être créés et exploités qu'en vertu d'une concession
octroyée par le Département fédéral des transports et communications et de
l'énergie, et les autres aérodromes, pour la création et l'exploitation
desquels une autorisation de l'OFA est nécessaire (art. 37 LNA);
l'ordonnance sur la navigation aérienne du 14 novembre 1973 (ONA), tout
comme le règlement d'exécution du 5 juin 1950 (RENA) qui l'a précédée,
qualifient les premiers d'aéroports et les seconds de champs d'aviation
(art. 31 ONA, 45 RENA). Pour les deux catégories d'aérodromes, les
gouvernements des cantons intéressés doivent être entendus avant l'octroi
de la concession ou la délivrance de l'autorisation (art. 37 al. 3 LNA).

    a) L'aérodrome dont la construction est présentement en cause
est un champ d'aviation au sens de la LNA et de l'ONA. A l'époque où
l'autorisation de construire a été délivrée par l'OFA, les conditions de
délivrance de cette autorisation étaient régies par le RENA, dans sa teneur
modifiée le 30 octobre 1968. L'art. 60 de ce règlement était ainsi conçu:

    "L'Office fédéral de l'air soumet la demande au Département militaire
   fédéral et aux gouvernements des cantons intéressés.

    S'il ressort du projet que les conditions minimums requises pour un
   aérodrome de la classe prévue sont remplies et s'il n'y a pas lieu de
   craindre que la construction et l'exploitation projetées ne nuisent à
   d'importants intérêts publics, en raison notamment du bruit escompté des
   avions, l'Office fédéral de l'air délivre l'autorisation de construire.

    Est réservé le rejet de la demande dans l'intérêt de la défense
   nationale."

    Dans l'ONA, en vigueur depuis le 1er janvier 1974, la disposition
correspondant à l'art. 60 al. 2 RENA est l'art. 43 al. 4, ainsi conçu:

    "L'Office fédéral de l'air délivre l'autorisation si les exigences
   minimales requises pour un aérodrome de la classe prévue sont remplies
   et si la construction et l'exploitation ne nuisent pas à l'intérêt
   public, compte tenu notamment de la sécurité de la navigation
   aérienne, de l'aménagement du territoire, de la défense nationale,
   de la protection de l'environnement et de la protection de la nature
   et du paysage."

    b) Il n'existe pas, dans le droit fédéral, de disposition expresse
réglant la question de savoir si et dans quelle mesure l'autorité fédérale
saisie d'une demande d'autorisation de créer un champ d'aviation est
tenue de prendre en considération, au cours de la procédure suivie
à cet effet, la réglementation cantonale et communale applicable en
matière de police des constructions, ou encore si la procédure fédérale
d'autorisation est indépendante des procédures cantonale et communale,
ne pouvant se substituer à celles-ci. La question doit alors se résoudre
par l'interprétation de la loi et au regard de la jurisprudence fédérale,
voire de la doctrine.

    c) Le Conseil d'Etat se fonde, dans ses réponses aux recours, sur
l'art. 37 (recte: 37ter) Cst., aux termes duquel "la législation sur
la navigation aérienne est du domaine de la Confédération", et en tire
la conclusion que la compétence fédérale en la matière est exclusive de
toute compétence cantonale. Mais le seul fait que la Confédération soit
compétente pour légiférer en matière de navigation aérienne ne signifie
pas que, par là, le canton et la commune aient perdu toute compétence
en matière d'autorisation de construire un aérodrome, pas plus qu'on ne
peut tirer de l'art. 36 Cst. la conclusion que, parce que les postes et
télégraphes sont du domaine fédéral, le canton et la commune auraient
perdu toute compétence pour accorder ou refuser à l'entreprise des PTT
une autorisation de construire un bâtiment pour ses besoins (ATF 92 I 210).

    d) Il a été jugé que lorsque le droit fédéral, le droit cantonal et
le droit communal règlent chacun un domaine différent, ces différents
ordres juridiques constituent en principe un tout unique; dès lors, la
Confédération doit, pour ses propres constructions, respecter les règles
établies par le droit cantonal et communal des constructions, dans la
mesure en tout cas où l'application de ce droit ne rend pas impossible ou
beaucoup plus difficile l'accomplissement des tâches constitutionnelles
de la Confédération. C'est ainsi que lorsque l'entreprise des PTT entend
édifier des bâtiments pour les besoins de ses services, elle doit se
soumettre au droit cantonal et solliciter un permis de construire des
autorités cantonales ou communales compétentes (ATF 92 I 210). L'on ne
s'écarte de ce principe que dans les cas où le droit fédéral y apporte
une exception expresse, prévoyant la compétence exclusive des organes de
la Confédération. Il y a exception notamment en cas de travaux servant
à la défense nationale, qui ne peuvent être soumis par les cantons à une
autorisation préalable (art. 164 OM; cf. ATF 101 Ia 315). Il y en a une
autre pour les chemins de fer: la loi fédérale sur les chemins de fer,
du 20 décembre 1957, dit dans quelle mesure l'autorité fédérale, qui
est appelée à octroyer une concession pour l'exploitation d'un chemin de
fer et qui approuve les projets d'installation après avoir consulté les
autorités cantonales intéressées (les cantons devant eux-mêmes consulter
les communes), doit tenir compte elle-même de la réglementation cantonale;
selon l'art. 18 al. 3 de la loi, les propositions faites par les cantons
sur la base de leur législation, notamment en ce qui concerne la police
des constructions, du feu et de l'hygiène publique, doivent être retenues
dans la mesure où elles sont compatibles avec la législation fédérale
et les nécessités de la construction et de l'exploitation des chemins
de fer. Dans le cas, en revanche, de la loi fédérale sur l'utilisation
pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations, du
23 décembre 1959, le législateur a, tout en prévoyant qu'une autorisation
de la Confédération est requise pour la construction et l'exploitation
d'une installation atomique, réservé expressément les attributions
de police de la Confédération et des cantons, en particulier en ce
qui concerne les constructions, le feu, les eaux et la surveillance du
matériel de guerre (art. 4 al. 3), cela alors même que le canton intéressé
est appelé à donner son avis (art. 7 al. 2); l'obligation pour celui qui
entend construire une installation atomique de requérir une autorisation
de la Confédération n'exclut donc pas celle de se soumettre à la procédure
cantonale d'autorisation; la réglementation cantonale subsiste dans la
mesure où elle n'est pas incompatible avec le sens et le but de la loi
de 1959 et avec les autres dispositions du droit fédéral (ATF 99 Ia 257
s.; cf. ULRICH FISCHER, Die Kompetenzordnung bei der Bewilligung von
Kernkraftwerken, ZBl 1973, p. 89 ss, not. 96).

    e) La législation fédérale ne contient aucune norme dont il
résulterait, expressément ou implicitement, qu'il n'y aurait pas lieu,
en matière d'autorisation de construire un champ d'aviation, de tenir
compte des règles cantonales et communales. Une telle norme ne résulte
notamment pas de l'art. 37 LNA, qui se borne, à cet égard, à prévoir qu'une
autorisation de l'Office fédéral de l'air est nécessaire. Sans qu'il
soit besoin d'examiner si, à défaut de la loi, le règlement d'exécution
pourrait permettre à la Confédération de s'attribuer en la matière une
compétence qui ne dérive pas de la loi - ce qui paraît pour le moins
fort douteux - il convient de constater que le règlement d'exécution ne
prévoit rien de semblable. D'après l'art. 60 RENA, l'OFA est tenu de
délivrer l'autorisation dès que les conditions minimums requises pour
un aérodrome de la classe prévue sont remplies et sous la seule réserve
qu'il n'y ait pas lieu de craindre que la construction et l'exploitation
projetées ne se heurtent à d'importants intérêts publics, en raison
notamment du bruit escompté des avions, le rejet de la demande n'étant
réservé, en pareil cas, que dans l'intérêt de la défense nationale. Si,
par ces dispositions, on avait entendu conférer une compétence exclusive
à l'autorité fédérale, tout au moins aurait-on alors prévu que cette
autorité doit se préoccuper de la réglementation cantonale et communale,
ainsi que des droits des voisins; Or il n'a été prévu que la consultation
du gouvernement cantonal, sans même exiger, comme le législateur fédéral
l'a fait en matière de chemin de fer, celle des communes.

    f) Il est d'ailleurs difficile de concevoir que, tandis que les
constructions fédérales - à l'exception des installations militaires -
sont en principe soumises au droit cantonal et communal en matière de
police des constructions, la construction de champs d'aviation privés,
pour la création desquels la présence d'un intérêt public n'est pas
exigée, soit soustraite à l'application de la réglementation cantonale et
communale. Les champs d'aviation ne sont pas des constructions effectuées
par la Confédération pour ses besoins, comme c'est le cas pour les PTT
ou pour les constructions militaires. Ce sont des installations qui sont
en principe construites et exploitées sur la base du droit privé, mais
qui doivent, afin de pouvoir être construites et exploitées, être au
bénéfice d'une autorisation fédérale. Pour que cette autorisation soit
délivrée, il n'est pas nécessaire, aux termes du règlement d'exécution,
que l'existence d'un intérêt public soit démontrée; il suffit qu'il n'y
ait pas lieu de craindre que la construction et l'exploitation ne nuisent
à d'importants intérêts publics (art. 60 al. 2 RENA, texte du 30 octobre
1968), ou qu'elles "ne nuisent pas à l'intérêt public" (texte actuel).
Si, pour les aérodromes publics, la loi autorise le Conseil fédéral à
imposer aux propriétaires voisins des restrictions du droit de bâtir,
cette disposition ne s'applique pas aux aérodromes privés: dans ce dernier
cas, toute zone de sécurité doit être aménagée par l'achat de terrains et
les servitudes constituées dans les formes du droit privé, l'autorisation
d'exploiter devant être refusée s'il n'est pas possible d'aboutir de cette
façon à une solution entièrement satisfaisante (art. 43 et 44 LNA dans
la teneur primitive de celle-ci, applicable à l'époque; actuellement, il
est précisé que les restrictions de la propriété foncière ne s'appliquent
pas aux aérodromes ne servant pas au trafic public, les mesures exigées
par l'exploitation devant être prises dans ce cas dans les formes du
droit privé; voir l'art. 44ter dans la teneur de la loi du 17 décembre
1971). Les droits, à l'égard des voisins, du propriétaire d'un champ
d'aviation sont donc essentiellement régis par le droit privé, de sorte
qu'ils ne se distinguent guère de ceux des autres propriétaires fonciers
(cf. BAI, Luftrecht und Grundeigentum, thèse Zurich 1955, p. 91 s.).

    En définitive, il est évident que la délivrance de l'autorisation
fédérale ne pouvait dispenser les constructeurs de l'obligation de
requérir un permis de construire selon la législation cantonale et
communale applicable. Le Tribunal fédéral n'a pas ici à examiner si
et dans quelle mesure l'application des dispositions de fond de cette
législation est restreinte par le droit fédéral. Il se borne à constater
que la procédure cantonale a été éludée.