Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 V 261



101 V 261

53. Arrêt du 27 octobre 1975 dans la cause Brielmann contre Caisse de
compensation de l'association des grands magasins suisses et Tribunal
des assurances du canton de Vaud Regeste

    Art. 28 AHVG, Art. 49 AHVV.

    - Über den Anspruch der Pflegekinder auf Waisenrente nach der Adoption
durch den überlebenden Pflegeelternteil.

    - Wirkung des Verzichts auf die durch den Tod des leiblichen Vaters
begründete Waisenrente.

Sachverhalt

    A.- André-Michel Leuenberger, né le 23 juin 1960, que sa mère avait
abandonné à l'hôpital, a été recueilli par les époux Marcel-Henri et Emma
Brielmann, qui l'ont d'emblée considéré comme leur propre enfant. Il a
été autorisé à porter le nom de ses parents nourriciers, par décision du
Conseil exécutif du canton de Berne du 1er décembre 1970.

    En mai 1973, les prénommés ont entrepris les démarches requises en vue
de l'adoption conjointe de l'enfant, possible seulement depuis la revision
des dispositions en la matière du Code civil, l'épouse ayant des enfants
d'un précédent mariage. Le 3 octobre 1973, Marcel-Henri Brielmann est mort
subitement, avant que cette adoption eût été prononcée. Emma Brielmann
a alors poursuivi la procédure en son nom personnel, et le 31 octobre
1973 la Cour de justice de Genève prononçait l'adoption de André-Michel -
auquel étaient donnés les prénoms de Michel-Marcel - par la requérante.

    Walter Leuenberger, père légitime présumé de l'enfant adopté, est
décédé le 4 mai 1972. Les époux Brielmann ignoraient cette circonstance
lorsqu'ils ont commencé les démarches susmentionnées.

    B.- Saisie par Emma Brielmann d'une demande de rentes de survivants,
la Caisse de compensation de l'association des grands magasins suisses a
accordé une rente de veuve à la requérante. Il en est allé différemment
de la rente d'orphelin réclamée en faveur de Michel-Marcel: après avoir
consulté l'Office fédéral des assurances sociales, ladite caisse a rendu
le 8 mai 1974 une décision de refus, motif pris de ce que l'enfant avait
été adopté "dans le même mois où le mari était mort".

    En revanche, la caisse précitée est intervenue auprès de la Caisse de
compensation de l'industrie des liants, ayant appris que Walter Leuenberger
s'était remarié et avait eu trois autres enfants pour lesquels cette caisse
versait des rentes d'orphelins. Cette dernière caisse a accepté de servir
une telle rente à Michel-Marcel Brielmann également, pour la période
du 1er juin 1972 au 31 octobre 1973, mois de l'adoption. Ce versement
rétroactif paraît avoir été effectué au courant du mois de mai 1974.

    C.- Emma Brielmann a recouru contre la décision du 8 mai 1974, en
concluant à l'octroi de la rente d'orphelin réclamée. Déboutée par le
Tribunal des assurances du canton de Vaud - qui s'est prononcé sur la
seule décision formellement attaquée et n'a pas estimé devoir examiner
le bien-fondé de celle de la Caisse de compensation de l'industrie des
liants -, elle a interjeté recours de droit administratif.

    D'accord sur le caractère paradoxal de la situation de l'enfant
Michel-Marcel Brielmann, privé de rente malgré la perte de soutien subie,
tant la caisse de compensation intimée que l'Office fédéral des assurances
sociales renoncent à prendre des conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La première question à examiner a trait aux droits ouverts par le
décès d'un père nourricier en faveur de son enfant recueilli ainsi qu'aux
conséquences entraînées par l'adoption ultérieure de ce dernier par la mère
nourricière, en faisant totale abstraction du prédécès du père par le sang.

    Selon l'art. 49 al. 1 RAVS, édicté en application de l'art. 28 al. 3
LAVS, les enfants recueillis ont droit à une rente d'orphelin au décès
des parents nourriciers, si ceux-ci en ont assumé gratuitement et de
manière durable les frais d'entretien et d'éducation. Il ne fait aucun
doute que ces conditions de gratuité et de durée étaient satisfaites en
l'espèce, comme l'était aussi la condition de l'al. 4 du même article,
exigeant que le parent nourricier soit assuré au moment de son décès. En
principe, la mort de Marcel-Henri Brielmann ouvrait donc droit à une rente
d'orphelin, qui aux termes de l'art. 25 al. 2 LAVS prenait naissance le
1er novembre 1973.

    Mais l'art. 28 al. 1 LAVS dispose que les enfants adoptés ont
droit à une rente d'orphelin uniquement au décès des parents adoptifs,
et il est constant que l'adoption fait tomber toute rente d'orphelin
antérieurement acquise (ATFA 1954 p. 208, RCC 1968 p. 509). Ainsi,
l'adoption de Michel-Marcel Brielmann devait mettre fin en principe au
droit de ce dernier à la rente d'orphelin. La pratique administrative
apporte toutefois à ce principe un correctif: l'enfant recueilli qui
est adopté par le parent nourricier survivant ne perd pas son droit à la
rente d'enfant recueilli (Directives concernant les rentes, No 183).

    L'Office fédéral des assurances sociales, suivi en cela par le juge
cantonal, soutient que cette dérogation au principe de l'extinction du
droit à la rente lors de l'adoption ultérieure n'est pas applicable en
l'espèce parce que le droit à la rente d'enfant recueilli n'avait pas
encore pris naissance à la date de l'adoption par la mère nourricière. Il
est exact que le décès de Marcel-Henri Brielmann aurait ouvert droit à
une rente d'orphelin prenant naissance le 1er novembre 1973 (cf. RO 100
V 208), alors que l'adoption par la mère nourricière a eu lieu la veille,
soit le 31 octobre 1973. Il est exact aussi que la conclusion qu'en tirent
l'Office fédéral des assurances sociales ainsi que les premiers juges
répond à l'interprétation grammaticale des directives administratives. Mais
pareille interprétation aboutit dans les circonstances de l'espèce à un
résultat qui va à l'encontre des motifs mêmes justifiant la dérogation
apportée en faveur des enfants recueillis; si l'adoption par le parent
nourricier survivant ne fait pas tomber le droit à la rente de l'enfant
recueilli, c'est qu'elle ne fait que confirmer - en lui donnant forme
reconnue du droit de famille - le caractère durable du statut antérieur
et que l'enfant ne change pas de milieu familial (cf. RCC 1952 p. 210).

    Les termes du No 183 des directives précitées se révèlent donc trop
étroits. Pour répondre aux motifs qui seuls la justifient, la dérogation
doit être formulée comme il suit: l'adoption de l'enfant recueilli par
le parent nourricier survivant ne prive pas l'enfant du droit à la rente
découlant pour lui du décès du parent nourricier. Cela signifie en d'autres
termes que, si l'enfant bénéficie déjà d'une rente d'enfant recueilli,
cette adoption n'y met pas fin; et que, dans les cas exceptionnels où
l'adoption intervient dans le mois même du décès, elle n'exclut pas la
naissance du droit à la rente d'enfant recueilli dès le mois suivant.

    Il en résulte en l'espèce que l'adoption de Michel-Marcel Brielmann
par sa mère nourricière le 31 octobre 1973 n'entraîne pas privation du
bénéfice de la rente d'enfant recueilli à laquelle le décès de son père
nourricier, survenu le 3 octobre 1973, lui ouvre en principe droit dès
le 1er novembre 1973.

    Il n'y a pas lieu d'examiner ici l'effet que pourrait avoir
l'adoption de l'enfant par un seul des parents nourriciers, du vivant
des deux parents, au regard des nouvelles règles du Code civil en matière
d'adoption.

Erwägung 2

    2.- Mais la seconde question à examiner a trait aux conséquences du
décès du père par le sang sur le droit de Michel-Marcel Brielmann à la
rente d'enfant recueilli.

    Selon l'art. 49 al. 2 RAVS, le décès des parents nourriciers n'ouvre
droit à une rente que si l'enfant recueilli ne bénéficie pas déjà d'une
rente ordinaire d'orphelin conformément aux art. 25 à 28 LAVS. Or l'art. 25
al. 1 LAVS dispose qu'ont droit à une rente d'orphelin simple - sous
réserve de l'art. 28 al. 1 LAVS, c'est-à-dire d'adoption - les enfants dont
le père par le sang est décédé. La pratique et la jurisprudence considèrent
comme père par le sang le père légitime selon le droit civil (art. 252
ss CCS, ATFA 1953 p. 226), même s'il ne l'est pas effectivement. C'est
dire en l'espèce que le décès de Walter Leuenberger, survenu le 4 mai
1972, a ouvert à Michel-Marcel Brielmann droit à une rente d'orphelin
dès le 1er juin 1972. Il paraît en découler que le décès ultérieur du
père nourricier ne peut donc ouvrir droit à une rente d'enfant recueilli.

    Mais pareil résultat est si choquant qu'il ne saurait correspondre
à l'intention du législateur, voire s'insérer dans le système légal. On
pourrait l'éviter en l'espèce en considérant que, l'adoption prononcée
le 31 octobre 1973 entraînant extinction ce jour même de la rente
d'orphelin antérieurement acquise, comme il a été dit plus haut, l'enfant
ne bénéficiait pas d'une rente d'orphelin au moment de l'ouverture du
droit à la rente d'enfant recueilli le 1er novembre 1973 et que la rente
éteinte ne s'opposait pas à cette ouverture. Une telle construction ne
résoudrait cependant que les situations très exceptionnelles où l'adoption
par le parent nourricier survivant intervient dans le mois même du décès
de l'autre parent nourricier; elle n'offre aucun secours dans tous les
cas - de loin les plus usuels - où l'adoption intervient plus tard.

    Une solution plus généralement applicable consiste à recourir aux
principes jurisprudentiels en matière de renonciation à faire valoir un
droit. Dans le domaine de l'assurance-invalidité d'abord, puis dans celui
de l'assurance-vieillesse et survivants ensuite, le Tribunal fédéral des
assurances a constaté que, encore que le droit en découle directement de
la loi, les prestations ne sont servies que sur demande; il a prononcé
que la renonciation - expresse ou tacite - à faire valoir un droit ou le
retrait d'une demande de prestations entraîne les mêmes conséquences que
l'inexistence du droit aux prestations, lorsque l'assuré justifie d'un
intérêt digne d'être protégé (voir p.ex. ATFA 1969 p. 211 et les arrêts
cités; RCC 1971 p. 303). Rien ne s'oppose à l'application de ce principe
à l'enfant recueilli qui, en raison du décès de son père par le sang par
exemple, aurait en soi droit à une rente d'orphelin: s'il y a renonciation
valable à faire valoir ce droit ou retrait licite d'une demande présentée,
sans qu'il y ait par là violation des règles de la bonne foi, il faudra
le considérer comme ne bénéficiant pas d'une telle rente, et il aura
donc tous les droits de l'enfant recueilli en cas de décès des parents
nourriciers. - Les termes de l'art. 49 al. 2 RAVS incitent même à appliquer
ce principe à l'enfant recueilli tout particulièrement; car, au contraire
d'autres dispositions, cet alinéa parle non pas de l'enfant qui "n'a pas
droit" à une rente selon les art. 25 à 28 LAVS, mais de l'enfant qui "ne
bénéficie pas déjà d'une rente ordinaire" (texte allemand: "bezieht"),
ce qui peut laisser entendre que le versement de la rente est en cours,
et par conséquent que cette rente a été demandée.

    En l'espèce, aucune demande de rente en faveur de Michel-Marcel
Brielmann n'a été présentée lors de la mort de Walter Leuenberger; sans
doute ce décès a-t-il alors été ignoré, mais tout permet d'admettre - vu
les liens familiaux - que les parents nourriciers et le tuteur de l'enfant
n'auraient pas demandé une telle rente s'ils avaient eu connaissance du
décès. Sans doute aussi la rente a-t-elle été versée rétroactivement
en mains d'Emma Brielmann; mais c'est l'administration qui en a pris
l'initiative, et l'on peut tenir pour certain que la mère adoptive n'aurait
pas requis rétroactivement cette rente si Michel-Marcel Brielmann avait été
mis au bénéfice d'une rente d'enfant recueilli au décès de son mari. De
l'acceptation du versement, intervenu postérieurement à la décision
de refus du 8 mai 1974, on ne saurait donc conclure que l'intéressé a
sciemment fait valoir un droit et que son intérêt à y renoncer ne serait
pas digne de protection. En bref, il faut considérer que, en pareilles
circonstances, Michel-Marcel Brielmann ne bénéficiait pas déjà d'une rente
conformément aux art. 25 à 28 LAVS au décès de son père nourricier et, par
conséquent, que ce décès lui a ouvert droit à la rente d'enfant recueilli.

Erwägung 3

    3.- La Cour de céans n'est pas saisie de la décision de la Caisse
de compensation de l'industrie des liants et n'a donc pas à examiner les
répercussions du présent arrêt sur cette décision. Il suffit de constater
ici que, vu les considérants ci-dessus, cet acte administratif était
sans nul doute erroné. Il appartiendra à l'administration d'en tirer
les conséquences.

Entscheid:

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours est admis dans ce sens que le jugement cantonal et la
décision attaquée sont annulés, Michel-Marcel Brielmann ayant droit à
une rente d'orphelin à partir du 1er novembre 1973 en sa qualité d'enfant
recueilli de Marcel-Henri Brielmann, conformément aux considérants.