Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 V 229



101 V 229

48. Arrêt du 9 décembre 1975 dans la cause Barraud contre Caisse cantonale
vaudoise d'assurance en cas de maladie et Tribunal des assurances du
canton de Vaud Regeste

    Art. 5 Abs. 1 KUVG. Befugnis des Ehegatten, eine Krankenversicherung
zu Gunsten seiner Ehefrau abzuschliessen; Pflichten derselben zu Lebzeiten
und nach dem Tode ihres Ehegatten.

Sachverhalt

    A.- Le 10 avril 1972, Hermann Barraud signa et remit à la Caisse
cantonale vaudoise d'assurance en cas de maladie et d'accidents
deux demandes d'admission, l'une pour lui et l'autre pour son épouse,
Emilie Barraud. Ces demandes furent agréées, avec effet dès le 1er avril
1972. Hermann Barraud décéda le 28 juillet 1972. Le même jour, sa veuve
reçut sa carte d'assurée, selon laquelle la cotisation s'élevait à 80
fr. 50 par mois. Elle dit n'avoir pas eu connaissance auparavant des
démarches de son mari auprès de la caisse susmentionnée.

    Le 14 novembre 1972, cette dernière invita Emilie Barraud à payer les
cotisations de feu Hermann Barraud pour les mois d'avril à juillet, soit
322 fr., ce qui fut fait. La caisse allègue avoir versé ses prestations
concernant, pendant la même période, les frais de traitement du défunt,
mais la veuve le conteste.

    Le 24 septembre 1973, l'administration adressa à Emilie Barraud
une facture de 724 fr. 50, relative aux cotisations personnelles de la
destinataire pour la période d'avril 1972 à décembre 1972, soit neuf
mois à 80 fr. 50, facture suivie d'un rappel du 8 novembre 1973. Dans une
lettre du 18 octobre 1973, l'intéressée demanda à la caisse si elle était
vraiment assurée et fit état de difficultés de paiement. Le 6 novembre,
il lui fut répondu qu'elle avait été affiliée par les soins de son
conjoint, qu'elle devait avoir reçu en été 1972 sa carte d'assurance et
neuf bulletins de versement en vue du règlement des mensualités de 1972,
qu'elle était débitrice en outre de 1'173 fr. à titre de cotisations pour
l'année en cours et qu'il lui était loisible de sortir de la mutualité
avec effet au 31 décembre 1973. Par lettre du 21 novembre 1973, Emilie
Barraud demanda qu'on prît note de sa démission; elle déclara s'étonner
de ce que la caisse ne lui eût pas réclamé de cotisations plus tôt et la
pria "de régler au mieux cette erreur".

    Au cours de la correspondance qui suivit, la caisse-maladie persista
dans ses exigences, tandis qu'Emilie Barraud refusa de payer, en contestant
que son mari eût le droit de l'assurer à son insu. Le 16 avril 1974,
la caisse prit une décision formelle, par laquelle elle ordonnait à
l'intéressée de lui verser 1'897 fr. 50. A la réquisition de la caisse,
l'office des poursuites de L. notifia le 23 avril 1974 à la prétendue
débitrice un commandement de payer de 1'897 fr. 50 plus intérêt à 5%
depuis le 1er décembre 1973, qui fut frappé d'opposition totale.

    B.- Emilie Barraud recourut contre la décision mentionnée ci-dessus.

    Le président du Tribunal des assurances du canton de Vaud rejeta le
recours le 25 octobre 1974. Estimant que la seule question litigieuse
était si le mari pouvait conclure valablement une assurance-maladie en
faveur de l'épouse, le premier juge admit l'existence d'un tel droit.

    C.- Emilie Barraud a formé en temps utile un recours de droit
administratif contre le jugement cantonal. Elle conclut implicitement
à être libérée de toute dette de cotisations et insiste sur la faute
qu'aurait commise la caisse-maladie en attendant jusqu'au 24 septembre
1973 pour lui réclamer des sommes qu'elle, recourante, croyait ne pas
devoir payer.

    L'intimée conclut derechef au rejet du recours.

    L'Office fédéral des assurances sociales, dans son préavis, déclare
soutenable chacune des deux thèses qui s'affrontent et s'en remet
à justice.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les art. 15 et 16 des statuts de la caisse-maladie intimée, du
1er mars 1972, partent de l'idée que la demande d'admission ou de maintien
dans l'assurance émane du candidat ou de son représentant légal. Cela ne
signifie pas que la démarche ne puisse en aucun cas être faite par un autre
représentant. Les normes qui régissent les actes juridiques ne parlent,
en général, du mandataire des parties que pour supprimer ou réglementer
son intervention, de sorte que leur silence sur ce sujet ne veut pas dire
que celle-ci soit exclue. Il appartient sans doute à l'administration
de la caisse d'exiger ou de ne pas exiger, selon les circonstances, la
signature personnelle du candidat. Une telle exigence eût été d'autant
moins nécessaire en l'occurrence que les personnes âgées sont admises sans
réserve (art. 18 des statuts), ce qui réduit l'importance du questionnaire
auquel le candidat est appelé à répondre.

Erwägung 2

    2.- La législation suisse en matière d'assurances sociales ne
contient pas de règles sur la représentation des futurs assurés
au moment où vont s'établir des relations d'assurance et en vue de
les établir. Cela va de soi pour l'assurance-accidents obligatoire,
l'assurance militaire, l'assurance-vieillesse et survivants obligatoire,
l'assurance-invalidité et le régime des allocations pour perte de gain,
qui ne connaissent pas d'assurés volontaires. Le législateur semble
n'en avoir pas éprouvé le besoin en ce qui concerne les institutions
qui connaissent de tels assurés: l'assurance-vieillesse et survivants
facultative, l'assurance-maladie et l'assurance-chômage. En revanche,
les art. 67 al. 1 RAVS et art. 66 RAI donnent l'exercice du droit de
faire valoir une prestation, après que des relations d'assurance se
sont établies, à l'ayant droit ou à son représentant légal agissant au
nom de celui-ci (et non "en son nom" comme le dit le texte français),
à son conjoint, à ses ascendants et descendants, à ses frères et soeurs,
ainsi qu'à certains tiers et autorités. Et les art. 84 LAVS et art. 69 LAI
confèrent non seulement aux intéressés le droit de recourir au juge contre
les décisions des caisses de compensation mais encore aux ascendants et
descendants ainsi qu'aux frères et soeurs de celui qui prétend pouvoir
bénéficier d'une prestation; ce droit appartient aussi au conjoint en
vertu des art. 103 lit. a et art. 132 OJ (v. RCC 1973 p. 471). Parmi
les personnes qui ne sont pas l'ayant droit mentionnées ci-dessus, seul
le représentant légal est un véritable représentant, au sens du droit
civil. Les autres ne peuvent certes agir que pour l'ayant droit, mais en
vertu d'un pouvoir originaire et non d'un mandat de représentants (RO 99
V 166 consid. 1). Dans le domaine de l'assurance-maladie, où il n'existe
pas de dispositions légales ou réglementaires semblables aux art. 67 RAVS,
66 RAl, 84 LAVS et 69 LAI (cf. les art. 30bis et 30ter LAMA), le Tribunal
fédéral des assurances a manifesté l'intention d'adopter par analogie la
réglementation en vigueur dans l'AVS et l'assurance-invalidité, quant à
la qualité pour agir en justice des frères et soeurs ainsi que du conjoint
(RJAM 1970 p. 90 consid. 1, 1969 p. 117 consid. 1).

    Le premier juge a déduit de l'arrêt RJAM 1969 p. 117 que le mari
peut valablement assurer sa femme contre la maladie, même si elle ne lui
a pas donné le mandat de le faire. Cela revient à dire que celui qui a le
droit de réclamer des prestations d'assurance pour une tierce personne doit
avoir aussi un droit propre d'assurer cette personne, de telle manière que
cette dernière apparaisse non seulement comme l'assuré mais encore comme
le preneur d'assurance, tenu personnellement du paiement des primes ou
cotisations. Une telle extension des droits des tiers va cependant trop
loin et ne résulte point des dispositions précitées de la législation
sur l'AVS et l'AI, qui ne confèrent à diverses personnes ou autorités
le droit de réclamer certaines prestations pour l'assuré qu'une fois
l'assurance établie selon les modalités propres à chacune des institutions
concernées. Ces modalités, pour le type d'assurance-maladie conclue entre
feu Hermann Barraud et l'intimée, consistent en une convention, fondée
sur une proposition du preneur et une acceptation de l'assureur. Il
n'y a aucun motif, dans ces circonstances, de s'écarter des normes du
droit civil sur la représentation pour dire si et dans quelle mesure la
recourante est liée par ces actes juridiques.

Erwägung 3

    3.- Aux termes de l'art. 38 al. 1 CO, lorsqu'une personne contracte
sans pouvoirs au nom d'un tiers, celui-ci ne devient créancier ou débiteur
que s'il ratifie le contrat. La ratification peut être expresse, implicite,
ou résulter d'actes concluants, voire du silence du tiers pour lequel on a
contracté. De ce point de vue, ainsi que l'a déclaré le Tribunal fédéral,
on appréciera l'attitude dudit tiers comme un homme de bonne foi eût été
justifié à le faire. Toutefois, on ne saurait résoudre abstraitement
la question, qui exige toujours une appréciation de l'ensemble des
circonstances (RO 93 II 302, consid. 4 p. 307).

    Alors qu'Emilie Barraud a reçu le 28 juillet 1972 de la caisse une
carte de membre à son nom, ainsi qu'elle l'allègue elle-même, et des
bulletins de versement, ce qu'elle n'a pas contesté, elle a gardé le
silence jusqu'au 18 octobre 1973. Ce jour-là, en réponse à une facture
et à un rappel de l'intimée, elle lui a fait part de son étonnement en
des termes qui ne sauraient passer pour une ratification. Il faut donc
rechercher si le silence de près de 16 mois observé par la recourante
impliquait, lui, qu'elle eût accepté d'être assurée. Deux circonstances
en font douter sérieusement. La première, c'est qu'elle a de la peine
à comprendre la situation; mais la caisse n'a pu s'en apercevoir que
par la correspondance postérieure au 17 octobre 1973. La seconde, c'est
que, pendant la période où elle a gardé le silence, elle n'a pas payé de
cotisations ni présenté de notes de soins médicaux et pharmaceutiques,
alors que, selon les pièces, elle avait eu de tels frais. Le défaut de
paiements aurait dû éveiller l'attention de l'intimée et provoquer de
sa part une demande d'explications ou une réclamation en novembre 1972
au plus tard, époque où elle a interpellé l'intéressée à propos des
cotisations arriérées de feu Hermann Barraud. Vu ces circonstances et
l'âge de la recourante, l'intimée ne pouvait interpréter le silence de
cette dernière comme une ratification.

    Dans la correspondance ultérieure, Emilie Barraud a mêlé à un refus
obstiné d'être assurée des actes qui n'auraient eu de sens que si elle
l'avait été: elle a donné sa démission et a produit des photocopies
de factures de frais de traitement. Mais le contexte montre qu'elle
tenait bien plus à nier la naissance de toute relation d'assurance qu'à
être radiée de la liste des membres à la fin de 1973 et qu'à recevoir
des prestations, qui semblent d'ailleurs n'avoir jamais été versées,
de l'aveu de la caisse. La correspondance à partir du 18 octobre 1973 ne
contient donc pas de véritable ratification.

Erwägung 4

    4.- Cependant, il importe d'examiner aussi la situation au regard
des règles du mariage.

    L'art. 162 CC s'exprime en ces termes: "Le mari représente l'union
conjugale. Il s'oblige personnellement par ses actes, quel que soit le
régime matrimonial."

    Cette prescription donne au mari le droit, quel que soit le régime
matrimonial, de traiter valablement avec des tiers en ce qui concerne
les affaires de l'union conjugale; mais non pas les affaires de sa femme,
pour lesquelles il a besoin d'une procuration (LEMP, ad art. 162 CC note
4). Il faut donc déterminer d'abord si le mari qui assure son épouse
contre la maladie gère en ce faisant les affaires de l'union conjugale
ou s'il s'immisce dans celles de son conjoint. Or, à l'heure actuelle,
une assurance des frais médicaux et pharmaceutiques et d'une indemnité
journalière convenable en faveur du mari et de l'épouse répond sans nul
doute, en principe, aux besoins normaux du ménage (dans le même sens:
PFLUGER, Juristische Kartothek der Krankenversicherung, XId 5 et XId
17). Le mari est intéressé à ce que sa femme soit assurée, puisqu'il
doit la faire soigner lorsqu'elle est atteinte dans sa santé (art. 159
al. 3 et 160 al. 2 CC). Cela est aussi vrai des époux âgés: les efforts
entrepris dans le canton de Vaud pour promouvoir l'assurance-maladie
des vieilles personnes ont été ressentis par la plupart des intéressés
comme une faveur et un progrès. Dans le cas des époux Barraud, les deux
assurances conclues par le mari apparaissent comme un acte raisonnable de
gestion du ménage, au regard de l'importance du risque couvert et de la
situation financière des conjoints... En conséquence, Hermann Barraud a
valablement traité avec la caisse-maladie intimée, lorsqu'il y a assuré
sa femme, même à l'insu de celle-ci. Mais il a traité pour les affaires
de l'union conjugale, de sorte qu'à défaut de pouvoirs de représentation,
donnés expressément, tacitement ou par actes concluants, il était seul tenu
du paiement des primes. Il en a été ainsi aussi longtemps qu'il a vécu.

    Le jour du décès d'Hermann Barraud, sa dette pour les cotisations
échues a passé à son ou ses héritiers, conformément à l'art. 560 CC (cf. RO
99 V 165, déjà cité, consid. 2, et PFLUGER, op.cit. XId 6). Les cotisations
dues ultérieurement, elles, n'incombaient pas aux héritiers, parce que
l'assurance-maladie en question avait perdu le caractère d'affaire de
l'union conjugale en raison de la dissolution de celle-ci. Mais il faut
néanmoins admettre que l'épouse qui a valablement été affiliée à une
caisse-maladie par son mari dans les circonstances décrites plus haut
demeure sans autre assurée à la mort de son conjoint; car il serait
contraire à ses intérêts bien compris que de la priver, à cause de ce
décès, du bénéfice de l'assurance, en la laissant démunie de tout droit
équivalant à un droit de libre passage, non prévu par la loi dans semblable
hypothèse. Reste naturellement réservée la possibilité de démissionner,
conformément aux règles statutaires. Demeurant assurée, la recourante
n'avait pas uniquement les avantages mais aussi les obligations d'un
membre de la mutualité, notamment celle de payer des cotisations. Si
elle ne voulait plus être affiliée, il lui appartenait de le faire
savoir à l'administration, qui l'aurait radiée avec effet à la fin du
trimestre. En se bornant à garder le silence, elle a commis une erreur,
dont la caisse n'a pas à pâtir. Il est certes regrettable que l'intimée
ait attendu près de 14 mois, depuis le 28 juillet 1972, pour présenter
son premier relevé de cotisations. Il faut toutefois considérer que les
membres d'une mutualité sont censés utiliser spontanément le matériel
qui leur a été remis pour leurs paiements. De même, un assuré de l'AVS ne
pourrait se dérober à payer des cotisations d'indépendant arriérées sous
le prétexte qu'elles ne lui ont pas été réclamées pendant plusieurs mois.

Erwägung 5

    5.- Par conséquent, le ou les héritiers d'Hermann Barraud sont
débiteurs des cotisations dues pour Emilie Barraud d'avril à juillet 1972
et la recourante doit celles des mois d'août 1972 à décembre 1973. On
ignore qui a recueilli la succession du défunt. Il appartiendra à la
juridiction cantonale d'instruire sur ce point, puis de dire si l'intimée
peut aussi réclamer les quatre premières mensualités à la prénommée.

    La caisse demande des intérêts moratoires. Suivant la jurisprudence,
la recourante n'en devrait que si elle avait conteste sa dette par
esprit de chicane ou à seule fin d'en retarder le paiement (cf. ATFA 1968
p. 21 consid. 2; cf. RO 101 V 117 consid. 3), ce qui n'est pas le cas.

    De son côté, l'intimée servira les prestations convenues pour les
traitements médicaux dont l'assurée peut avoir eu besoin pendant la
période d'affiliation.

    La juridiction cantonale rendra son nouveau jugement dans ce sens.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours est admis dans ce sens que le jugement attaqué est annulé
et la cause, renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision,
conformément aux considérants.