Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 V 17



101 V 17

4. Arrêt du 8 janvier 1975 dans la cause Curiger et Office fédéral des
assurances sociales contre Caisse de compensation du canton de Fribourg
et Commission cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances
sociales Regeste

    Art. 108 Abs. 2 und 132 OG. Unzulässigkeit der nicht begründeten
Beschwerde.

    Art. 45 AHVG und 76 Abs. 1 AHVV. Voraussetzungen der Rentenauszahlung
an Drittpersonen.

Sachverhalt

    A.- Conrad Curiger, né en 1889, célibataire, ancien architecte, reçoit
une rente de vieillesse simple et des prestations complémentaires. Il
est en chambre depuis le 1er juin 1971 à la Résidence S. et y prend une
partie de ses repas.

    A la demande de cette institution, qui se disait créancière le 17
septembre 1973 de 2'705 fr. 20 pour chambre et pension, la Caisse cantonale
valaisanne de compensation décida le 25 septembre 1973 de verser désormais
les prestations complémentaires à la Banque cantonale du Valais, sur le
compte de la prétendue créancière.

    De son côté, pour le même motif, la Caisse de compensation du canton
de Fribourg décida le 28 septembre 1973 de verser depuis le 1er novembre
1973 la rente AVS sur le compte bancaire de la Résidence.

    B.- Conrad Curiger recourut contre la décision de la Caisse de
compensation du canton de Fribourg. Le 21 mars 1974, la Commission
cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances sociales
admit partiellement le recours, dans ce sens que seul le loyer de la
chambre occupée par le recourant, soit 99 fr. par mois, serait prélevé
sur les prestations de l'AVS et versé à la Résidence S. Cette décision fut
notifiée au recourant le 11 avril 1974, avec des instructions détaillées
sur le droit de recours.

    Par lettre du 29 avril 1974, adressée à la Caisse de compensation du
canton de Fribourg, l'assuré déclara recourir contre le jugement cantonal
et s'opposer au paiement de la rente en main tierce. Le 16 mai 1974,
le greffe du Tribunal fédéral des assurances avisa le recourant que la
lettre du 29 avril 1974 ne constituait pas un recours valable, faute
d'être motivée, mais qu'il lui restait la faculté de remédier à cette
lacune avant le 21 mai 1974, date de l'échéance du délai légal de recours.

    Le 30 mai 1974, le recourant écrivit au tribunal qu'il avait été
hospitalisé et qu'il venait de recevoir la lettre du 16 mai 1974, dont
l'accusé de réception porte la date du 29 mai 1974 ainsi que la signature
du destinataire. Il n'expédia un acte de recours en bonne et due forme
que le 8 juillet 1974.

    C.- De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a formé
en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement
cantonal. Il allègue, d'une part, qu'il n'est point établi que les
conditions mises par l'art. 76 RAVS au paiement des rentes en main tierce
soient réalisées en l'espèce et, d'autre part, que le versement partiel
d'une rente en main tierce n'est guère compatible avec les méthodes
modernes de paiement dont usent les caisses de compensation. Il conclut
à l'annulation de la décision administrative et du jugement attaqués et
au renvoi de la cause à la caisse de compensation pour nouvelle décision,
dans le sens des observations du recours.

    Invité à se déterminer sur le recours de l'Office fédéral des
assurances sociales, l'assuré s'est borné à faire parvenir au Tribunal
fédéral des assurances son mémoire précité du 8 juillet 1974.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En vertu des art. 108 al. 2 et 132 OJ, le recours de droit
administratif doit contenir entre autres un exposé des motifs sur lesquels
le recourant fonde ses conclusions. Si le Tribunal fédéral des assurances
peut impartir au recourant un délai supplémentaire pour compléter des
motifs peu clairs, il n'a pas la faculté de tenter de remédier par ce
procédé à l'absence complète de motifs. Une motivation, même sommaire,
doit lui être présentée avant l'expiration du délai légal de 30 jours
prescrit par les art. 106 al. 1 et 132 OJ (art. 33 al. 1 OJ et RO 96 I
96 ainsi que l'arrêt non publié Aebi, rendu le 7 mai 1973 par le Tribunal
fédéral des assurances).

    En l'occurrence, le délai légal de recours contre le jugement du
21 mars 1974, notifié le 11 avril 1974, expirait à raison des féries
de Pâques (art. 34 al. 1 lit. a OJ) le mardi 21 mai 1974. Le mémoire
complémentaire du 8 juillet 1974 est donc inapte à réparer le vice de
l'acte de recours du 29 avril 1974; il ne vaut que comme détermination sur
le recours de l'Office fédéral des assurances sociales. Une restitution
du délai ne saurait intervenir non plus, au regard des dispositions de
l'art. 35 al. 1 OJ qui prescrivent que l'acte omis doit être exécuté
dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement d'agir a cessé,
si tant est qu'on puisse admettre que le séjour hospitalier constituait
un tel empêchement en l'espèce. En effet, d'une part, l'intéressé a pu
agir le 29 avril 1974 et, d'autre part, il n'a complété l'acte de recours
que plus d'un mois après sa sortie de l'hôpital.

    Le recours de Conrad Curiger est ainsi irrecevable, tandis que celui
de l'Office fédéral des assurances sociales, déposé à temps et dans les
formes requises, est recevable.

Erwägung 2

    2.- L'art. 45 LAVS autorise le Conseil fédéral à prendre, après avoir
consulté les cantons, les mesures propres à garantir que les rentes
servent, si cela est nécessaire, à l'entretien du bénéficiaire et des
personnes à sa charge.

    Usant de cette faculté, le Conseil fédéral a édicté l'art. 76 RAVS,
dont l'alinéa 1 s'exprime en ces termes:

    "Si l'ayant droit n'emploie pas la rente pour son entretien et pour
   celui des personnes à sa charge ou s'il peut être prouvé qu'il n'est
   pas capable de l'affecter à ce but, et s'il tombe par là totalement
   ou partiellement à la charge de l'assistance publique ou privée, ou
   y laisse tomber les personnes qu'il est tenu d'entretenir, la caisse
   de compensation peut effectuer le versement total ou partiel de la
   rente en mains d'un tiers ou d'une autorité qualifiés ayant envers
   l'ayant droit un devoir légal ou moral d'assistance ou s'occupant de
   ses affaires en permanence."

    Selon l'Office fédéral des assurances sociales, la version française
de la fin de cette disposition réglementaire ne correspondrait pas
tout à fait à la version allemande, qui parle, elle, de "geeigneten
Drittperson oder Behörde, die dem Rentenberechtigten gegenüber gesetzlich
oder sittlich unterstützungspflichtig ist oder ihn dauernd fürsorgerisch
betreut". Les mots "s'occuper de ses affaires en permanence" ne rendraient
pas l'idée d'assistance contenue dans l'expression "dauernd fürsorgerisch
betreuen". L'autorité de surveillance semble proposer, en se fondant
sur la version allemande, de circonscrire l'application de l'art. 76
al. 1 RAVS aux cas où les intéressés sont assistés économiquement en
permanence. Or il n'y a en réalité aucune discordance entre les textes,
français et allemand, susmentionnés: l'idée de l'assistance financière,
en tant que condition du versement de la rente en main tierce, est exprimée
dans la première partie de la norme réglementaire, où l'exigence d'une aide
permanente n'apparaît pas. La désignation des tiers destinataires dans
la seconde partie de la phrase n'implique en revanche pas nécessairement
de la part de ces tiers eux-mêmes une telle assistance. Sinon, on ne
comprendrait pas pourquoi la disposition ici en discussion distingue à
cet égard les tiers ou autorité qualifiés ayant un devoir d'assistance,
d'une part, et, d'autre part, les tiers ou autorité qualifiés s'occupant
des affaires de l'assuré en permanence; la "fürsorgerische Betreuung"
signifie simplement le fait de seconder l'intéressé dans la gestion de
ses affaires, mais de façon permanente.

    Quant aux conditions qui doivent être réunies pour que l'art. 76
al. 1 RAVS soit applicable, le Tribunal fédéral des assurances a jugé
que la rente peut être payée en main tierce lorsque le rentier n'a pas
encore épuisé toutes ses ressources, au point de tomber à la charge de
l'assistance, mais qu'il est sur cette voie ou qu'il risque d'user de sa
rente de telle manière que les personnes tenues de l'assister, au sens
large du terme, verraient leurs démarches et leurs peines notablement
accrues. Il s'agissait en l'occurrence d'une rentière alcoolique, chez
laquelle la boisson provoquait des troubles mentaux (RCC 1957 p. 133).

    La Cour de céans a précisé d'autre part que le fait de recevoir
des prestations de l'assistance publique ne justifie pas à lui seul le
versement de la rente en main de la commune (RCC 1950 p. 34, 1948 p. 474)
et que le placement dans un asile n'exclut pas à lui seul un paiement
direct au rentier (RCC 1949 p. 391).

    Enfin, dans ses Directives concernant les rentes, l'Office fédéral
des assurances sociales consacre un chapitre au problème du destinataire
de la rente, sous les chiffres marginaux 1073 à 1104. Sous chiffre 1073,
il rappelle que le paiement direct à l'ayant droit personnellement
est la règle. Sous chiffre 1099, que le versement en main tierce doit
être ordonné seulement lorsqu'il est certain, sur la foi d'une requête
sérieusement motivée et soigneusement contrôlée, que les conditions de
l'art. 76 RAVS sont remplies.

Erwägung 3

    3.- Dans le cas de Conrad Curiger, il faut admettre avec l'Office
fédéral des assurances sociales que la caisse de compensation a pris sur
des bases insuffisantes sa décision de verser la rente à la Résidence S.
Tout ce qu'on sait en effet, c'est que le prénommé fait des difficultés
pour payer les factures de l'institution et que, selon elle, il lui
devait 2'705 fr. 20 en septembre 1973. Mais on ignore si la réclamation
de la créancière est justifiée et si l'intéressé ne possède pas quelques
économies qui le rendraient solvable pour la somme qu'il doit peut-être, ce
qui n'est pas exclu même d'un bénéficiaire de prestations complémentaires
(cf. art. 3 al. 1 lit. b LPC). On ne sait pas non plus si l'assuré est
partiellement à la charge de l'assistance publique ou privée, s'il risque
de l'être, et si une autorité, une institution (peut-être la Résidence
S.) ou une personne est chargée de veiller sur ses intérêts dans le cadre
de la prévoyance sociale.

    Dans ces circonstances, il faut admettre le recours de l'Office
fédéral des assurances sociales et renvoyer la cause à la Caisse de
compensation du canton de Fribourg pour instruction complémentaire et
nouvelle décision. S'agissant des difficultés administratives que poserait
actuellement le versement partiel des prestations d'assurance en mains
de tiers, il y a lieu de rappeler que cette possibilité est toujours
expressément prévue à l'art. 76 al. 1 RAVS et, en outre, que la Caisse
cantonale valaisanne de compensation a décidé le 25 septembre 1973 de
verser dorénavant la prestation complémentaire sur le compte bancaire de la
Résidence S., décision qui ne paraît pas avoir fait l'objet d'un recours.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Il n'est pas entré en matière sur le recours de Conrad Curiger.

    Le recours de l'Office fédéral des assurances sociales est admis;
la décision et le jugement attaqués sont annulés et la cause est
renvoyée à la Caisse de compensation du canton de Fribourg, afin qu'elle
complète l'instruction et prenne une nouvelle décision, dans le sens
des considérants.