Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 V 114



101 V 114

22. Arrêt du 9 avril 1975 dans la cause Caisse de compensation des
Centrales suisses d'électricité contre Pellaz et Tribunal cantonal valaisan
des assurances Regeste

    Mit dem Streitgegenstand konnexe Fragen; Grenzen der Prüfung von
Amtes wegen (Erw. 1).

    Verzugszinsen.

    - Sind Verzugszinsen wegen verspäteter Auszahlung von
Versicherungsleistungen streitig, so handelt es sich um ein Verfahren
über die Bewilligung oder Verweigerung von Versicherungsleistungen gemäss
Art. 132 und 134 OG (Erw. 2).

    - Im Bereich der Sozialversicherung dürfen solche Zinsen nur
zurückhaltend gewährt werden (Erw. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- Gaspard Pellaz, né en 1911, marié et père de famille, souffre de
diverses affections du dos. Se fondant sur un prononcé du 8 juin 1967 de la
Commission cantonale valaisanne de l'assurance-invalidité qui constatait
l'existence d'un taux d'invalidité de 80%, la Caisse de compensation des
Centrales suisses d'électricité mit le prénommé au bénéfice d'une rente
et de rentes complémentaires à partir du 1er avril 1967 (décision du 3
août 1967).

    La caisse précitée lui ayant communiqué des rapports médicaux qui
attestaient un degré d'invalidité de 25% seulement, le 4 septembre 1968,
en l'informant qu'elle suspendrait le paiement de la rente "jusqu'à ce
qu'une nouvelle décision ait pu être prise", la commission susmentionnée
procéda à diverses mesures d'instruction. Puis elle fixa à 50% l'invalidité
de l'intéressé (prononcé du 24 avril 1969), taux qu'elle confirma les 19
février 1970 et 24 juin 1971. Aucun des trois prononcés rendus par elle
ne fut cependant notifié à l'assuré par la Caisse de compensation des
Centrales suisses d'électricité, qui se disait persuadée que l'intéressé
aurait pu réaliser plus de la moitié ou des deux tiers d'un gain normal.

    Gaspard Pellaz s'adressa alors le 10 septembre 1971 à l'Office
fédéral des assurances sociales pour se plaindre de la carence de
l'administration. Ledit office lui répondit le 4 novembre 1971 qu'il
considérait sa lettre comme un recours, lequel fut transmis au Tribunal
cantonal valaisan des assurances. Par jugement du 3 février 1972, ce
dernier renvoya le dossier à l'assurance pour complément d'instruction et
nouvelle décision. Les premiers juges estimaient en bref que les pièces
ne permettaient pas de décider si l'assuré faisait fautivement obstacle
à une réadaptation et qu'elles étaient de toute façon insuffisantes pour
évaluer le taux d'invalidité. Ce jugement fut confirmé en dernière instance
par le Tribunal fédéral des assurances, le 13 avril 1972.

    Par prononcé du 28 juillet 1972, la Commission cantonale valaisanne
de l'assurance-invalidité ordonna l'octroi d'une demi-rente dès le 1er
octobre 1968, après avoir procédé aux mesures requises. La caisse de
compensation soumit cependant le cas à l'Office fédéral des assurances
sociales, qui pria la commission de compléter encore l'instruction,
ce qu'elle fit avant de confirmer son plus récent prononcé, le 3 mai
1973. Le 22 juin 1973 enfin, la caisse alloua à l'assuré, dont l'épouse
avait eu 60 ans en 1970, une rente entière de couple, et fixa à 37'856
fr. la somme qu'elle lui devait à titre de prestations arriérées.

    B.- Gaspard Pellaz recourut contre ce dernier acte de l'administration
en concluant au versement d'un intérêt moratoire sur les arrérages
payés rétroactivement et à une indemnité d'avocat. En effet, au cours
de la procédure administrative, il avait consulté Me T.; en revanche,
il agissait seul devant la juridiction de première instance.

    Le 8 mars 1974, le Tribunal cantonal valaisan des assurances admit la
première conclusion et rejeta la seconde. Il condamna la caisse intimée
à payer sur les rentes arriérées un intérêt de retard dont il arrêta le
taux à 5% l'an "dès chaque échéance des rentes mensuelles, soit le 1er
de chaque mois (art. 47 al. 3 LAI et 44 al. 1 LAVS), mais au plus tôt dès
le 1er juin 1969". Ledit intérêt devait être calculé "jusqu'à la date du
versement effectif de l'arriéré arrêté par décision du 22 juin 1973".

    C.- La Caisse de compensation des Centrales suisses d'électricité
a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le
jugement cantonal. Elle conclut à libération de l'obligation de verser un
intérêt. Selon elle, la fixation définitive de la rente a été différée
longtemps à cause d'avis médicaux contradictoires, et elle avait le
devoir de suspendre des versements qui auraient pu se révéler indus et
irrécupérables.

    Agissant au nom de l'intimé, Me M. conclut avec suite de frais et
dépens au rejet du recours.

    Dans sa réponse, l'Office fédéral des assurances sociales estime que
le litige porte sur le droit de l'assuré à la demi-rente allouée depuis
le 1er octobre 1968, à un intérêt moratoire ainsi qu'au remboursement
de ses frais d'avocat. Il se borne cependant à conclure à l'admission
du recours sur la question des intérêts de retard, parce que la LAI -
à la différence de la LAMA - ne laisserait nulle place au versement de
tels intérêts; il renonce en revanche à formuler des conclusions sur les
deux autres points qu'il soulève.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Fondé sur l'art. 85 al. 2 lit. d LAVS, le Tribunal fédéral
des assurances a dit qu'en cas de recours la décision entière doit, en
général, être examinée d'office par l'autorité judiciaire. Cependant,
la jurisprudence a tracé des limites à ce principe; le juge ne saurait
revoir spontanément des questions non litigieuses, sauf si ces dernières
se trouvent avec des questions litigieuses dans un rapport de connexité
suffisant pour en justifier l'examen simultané (v. p.ex. RO 98 V 33). Cela
vaut pour les deux instances judiciaires.

    a) Le Tribunal cantonal valaisan des assurances a refusé d'indemniser
l'intimé Gaspard Pellaz des frais d'avocat concernant la phase
administrative de la procédure. Personne n'a attaqué cette partie du
dispositif du jugement. Le seul recours de droit administratif a trait
à l'intérêt moratoire, soit à une question manifestement dépourvue de
connexité avec celle des frais de conseil. Contrairement à l'opinion
de l'Office fédéral des assurances sociales, le Tribunal fédéral des
assurances n'a donc pas à revenir d'office sur cette question-ci.

    b) La contestation relative à l'intérêt moratoire est dans un certain
rapport de connexité avec l'existence du droit à la rente, puisqu'il
ne saurait y avoir d'intérêt pour cause de retard si aucun paiement ne
devait être effectué. Mais l'obligation éventuelle de payer un intérêt
moratoire est ici une conséquence très mineure de la dette de rente,
de sorte qu'il serait abusif d'exiger du juge qu'il revoie d'office, à
l'occasion d'un recours ne portant que sur l'intérêt, une rente dont la
fixation a donné lieu à de nombreuses mesures d'instruction et dont ni
la caisse de compensation ni l'assuré ne contestent le principe ou les
modalités. Par conséquent, contrairement encore à l'opinion de l'Office
fédéral des assurances sociales, c'est à juste titre que le Tribunal
cantonal valaisan des assurances a considéré la décision du 22 juin 1973
comme passée en force quant à l'existence du droit à la rente et quant à la
nature, au montant et à la durée de cette prestation. Le Tribunal fédéral
des assurances n'a pas de motifs, lui non plus, de revenir sur cet objet.

Erwägung 2

    2.- S'agissant du pouvoir d'examen de la Cour de céans (et de la
question des frais de justice), il y a lieu de considérer que le présent
litige porte sur des prestations d'assurance, au sens des art. 132 et
134 OJ.

Erwägung 3

    3.- Sur le seul problème que le Tribunal fédéral des assurances ait
à résoudre, celui de l'intérêt moratoire, l'argumentation de l'autorité
de première instance est pertinente.

    Dans le domaine du droit des assurances sociales, le Tribunal
fédéral des assurances considère depuis longtemps déjà qu'il n'y a en
principe pas place pour des intérêts moratoires, lesquels ne sont pas
prévus par la législation (v. p.ex. ATFA 1952, p. 88, 1960, p. 94, 1967,
p. 57, 1968, pp. 19 et 167; RJAM 1973, No 168, p. 68 consid. 3, No 174,
p. 126 consid. 2; v. aussi RO 95 I 258 consid. 3, p. 263, et MAURER,
Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung,
2e édition, p. 276, No 2). La doctrine a en général approuvé cette
conception, du moins tacitement (GRISEL, Droit administratif suisse
p. 325; IMBODEN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 4e édition,
No 123 I; RENGGLI, SZS 1961, p. 10; MAURER, SZS 1972, pp. 189 ss;
contra: PFLUGER, SKZ 1968, p. 227). La principale raison de l'exclusion
de la dette d'intérêts en matière d'assurance sociale réside dans le
rôle dévolu à l'administration. Celle-ci se présente comme détentrice
de la puissance publique chargée d'instruire, parfois longuement, les
demandes de prestations émanant des particuliers et de leur appliquer le
droit de manière objective. Lui imposer systématiquement des intérêts
moratoires reviendrait à la pénaliser pour avoir accompli son devoir avec
soin. Quant à l'assuré, la règle de l'égalité des parties commande de le
dispenser lui aussi du paiement d'intérêts de retard lorsqu'il a défendu
ce qu'il estimait être son droit (ATFA 1968, p. 19; MAURER, SZS 1972,
pp. 189 ss). Ce principe a pourtant ses limites, et il peut arriver
qu'exceptionnellement des circonstances justifient qu'on y déroge.
Dans l'arrêt ATFA 1968, p. 19, le Tribunal fédéral des assurances a vu
l'existence d'une telle circonstance, en matière d'assurance-maladie,
dans le fait qu'une assurée avait contesté devoir des cotisations sans
avoir invoqué aucun moyen libératoire, ni cherché d'arrangement avec la
caisse, ni mis fin au plus tôt à des engagements qu'elle ne pouvait ou ne
voulait pas tenir, obligeant ainsi l'institution d'assurance à procéder
à des démarches fastidieuses.

    De manière générale, on peut dire qu'il faut laisser l'administration
exercer ses fonctions publiques et l'assuré défendre ses droits sans
craindre de devoir verser des intérêts moratoires. On ne saurait
cependant laisser sans aucune sanction des manoeuvres illicites ou
purement dilatoires. L'octroi d'intérêts de retard, dans ces hypothèses,
se justifie même dans le domaine des assurances sociales. Mais il ne doit
intervenir qu'avec retenue, ne serait-ce que pour éviter les inconvénients
signales par MAURER (SZS 1972, pp. 189 ss). L'opinion de l'Office fédéral
des assurances sociales, qui estime qu'en matière d'assurance-invalidité
l'administration en demeure ne peut jamais devoir d'intérêt de retard,
a par conséquent le tort d'être absolue. Qu'on doive peut-être tolérer
de plus grands délais de paiement dans certains domaines des assurances
sociales que dans d'autres, c'est possible. Mais la question souffre de
rester indécise dans le présent arrêt, car les atermoiements de la caisse
recourante étaient inadmissibles.

Erwägung 4

    4.- Ainsi que l'exposent les premiers juges, on peut considérer en
l'occurrence qu'il était du devoir des organes de l'assurance de réexaminer
le bien-fondé de la rente en cours sans risquer d'être pénalisés plus
tard par le versement d'intérêts moratoires pour avoir pris le temps
nécessaire à une révision sérieuse. Or, après instruction complémentaire,
la commission de l'assurance-invalidité a tenu compte des faits nouveaux
signalés par la caisse ainsi que des autres pièces du dossier et réduit
à 50% son estimation du taux d'invalidité. Avec son prononcé du 24
avril 1969, la procédure était close; une décision formelle notifiant
ce prononcé à qui de droit aurait normalement dû suivre dans un délai
raisonnable et le versement des prestations de l'assurance-invalidité,
reprendre sous la forme d'une demi-rente.

    Mais la Caisse de compensation des Centrales suisses d'électricité a
refusé de donner suite au prononcé de la Commission cantonale valaisanne
de l'assurance-invalidité, et cela à plus d'une reprise, outrepassant
en cela manifestement ses compétences, comme l'explique pertinemment
le jugement attaqué. On se bornera à rappeler à cet égard que les
caisses de compensation sont liées par les prononcés des commissions de
l'assurance-invalidité relatifs à l'existence, à la durée et au degré
de l'invalidité (art. 54, 60 LAI, 74 et 75 RAI). Quand elles constatent
à ce sujet une irrégularité, elles doivent la signaler à la commission
compétente et, le cas échéant, à l'autorité de surveillance; mais il
ne leur appartient ni de suspendre de leur propre chef le paiement d'une
rente - si ce n'est pour une courte durée - ni d'ignorer volontairement les
prononcés des commissions cantonales (v. le message du 24 octobre 1958 du
Conseil fédéral relatif à la LAI, pp. 72-73; Circulaire du 1er avril 1964
de l'Office fédéral des assurances sociales sur la procédure, ch. 193 à
196; Circulaire du 1er octobre 1964 de l'Office fédéral des assurances
sociales sur le contentieux, ch. 91 et 92).

    Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal cantonal
valaisan des assurances a refusé d'appliquer la règle générale, admise
par la jurisprudence et la doctrine en matière d'intérêts moratoires dans
l'assurance sociale, en présence du refus arbitraire, réitéré et de longue
durée d'un organe de l'assurance-invalidité d'exécuter la décision prise
par une autorité compétente d'accorder des prestations à l'intimé.

    Rapport soit, pour le surplus, aux considérants du jugement déféré au
Tribunal fédéral des assurances, s'agissant notamment du taux de l'intérêt
dû (5% l'an; v. GRISEL, op.cit., p. 325) et de la manière de le calculer en
l'espèce (au regard notamment de la date d'exigibilité), considérants qui
échappent à toute critique et ne sont du reste pas attaqués sur ces points.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours est rejeté.