Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 II 69



101 II 69

15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 29 avril 1975 dans la
cause X. et Y. S.A. contre A. S.A. Regeste

    Art. 41 f. OR, Haftung wegen Ausstellung eines falschen
Arbeitszeugnisses. Unerlaubte Handlung durch Ausstellung
eines falschen Zeugnisses zugunsten des Angestellten einer
Aktiengesellschaft. Solidarische Haftung der Gesellschaft und ihres
Verwalters (Erw. 2).

    Adäquater Kausalzusammenhang zwischen dieser unerlaubten Handlung
und dem Schaden, den der neue Arbeitgeber erlitten hat (Erw. 3).

    Herabsetzung der Ersatzpflicht wegen Mitverschuldens des Geschädigten
(Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- C. a travaillé du 1er octobre 1961 au 31 décembre 1965 au service
de la société D., qui contrôle l'association Z. dont X. est président.
Il a été engagé dès le 1er janvier 1966, en qualité de sous-directeur
administratif, par Y. S.A., dont X. est administrateur délégué et
président du conseil d'administration. En janvier 1968, C. a prélevé
auprès de la Société de banque suisse, sur le compte de Y. S.A., la somme
de 25'000.-- fr. au moyen d'un bon de caisse de cette banque signé en
blanc par X. et un directeur commercial, et a utilisé cette somme à des
fins personnelles. Y. S.A. n'a pas porté plainte, mais elle a muté C. à
un autre poste et lui a fixé un délai au 31 juillet 1968 pour trouver
un autre emploi. C. s'est engagé envers elle à rembourser sa dette par
mensualités de 500 fr. Dans une lettre du 22 mai 1968, Y. S.A. l'a assuré
que s'il remplissait ponctuellement ses obligations selon les arrangements
financiers conclus, elle n'en ferait pas état auprès de ses nouveaux
employeurs. A la demande de C., X. lui a délivré le certificat suivant:

    "Nous attestons que

    Monsieur C.
   a été au service de D., du 1er octobre 1961 au 31 décembre 1965. Il
   nous a quitté à cette époque pour entrer au service de Y. S.A., société
   à la création de laquelle notre Association a participé et à laquelle
   il a très activement collaboré.

    Engagé d'abord comme "Contrôleur" appelé à vérifier le respect des
   obligations de nos Sociétaires, Monsieur C. s'est vu confier ensuite
   d'autres tâches administratives, tant de D. que de l'association,
   notamment la tenue de leur comptabilité.

    Intelligent, actif, dynamique, bilingue, Monsieur C. a rempli ses
   différentes tâches à notre entière satisfaction. Il a préféré poursuivre
   sa carrière avec Y. S.A. qui s'est ainsi attaché un collaborateur
   de valeur.

    Monsieur C. nous a quitté à l'époque, libre de tous engagements.

    Apte à remplir des fonctions supérieures, il rendra, nous en sommes
   persuadés, d'éminents services à qui s'assurera sa collaboration. C'est
   avec plaisir que nous le recommandons vivement. Nos meilleurs voeux
   l'accompagnent.

    Le 10 juin 1968.
                        ASSOCIATION Z.
                         Le Président:
                          (signé) X."

    C. n'ayant pas trouvé d'emploi au terme fixé, Y. S.A. lui a imparti
un nouveau délai au 31 décembre 1968, date à laquelle son activité a
pris fin. X. lui a délivré un certificat daté du 31 décembre 1968 dont
la teneur est la suivante

    "Nous attestons que

    Monsieur C.
   a été au service de notre Société dès sa création en janvier 1969
   (recte: 1966) jusqu'à ce jour.

    Chargé d'abord de la résolution des problèmes comptables, il fut,
   dès le 1er janvier 1965 (recte: 1966), nommé sous-directeur et chargé
   de la direction des services administratifs. Dès janvier 1968 et à
   la suite d'une réorganisation de nos services, Mr C. a été appelé à
   prendre la direction d'un nouveau département.

    Nous nous faisons un plaisir de rendre hommage à la compétence et
   à l'assiduité de Mr C. qui dispose d'une formation commerciale et
   industrielle complète. Son activité nous a toujours donné complète
   satisfaction et c'est en toute conscience que nous pouvons le
   recommander. Monsieur C. nous quitte libre de tous engagements et nos
   voeux l'accompagnent dans sa nouvelle carrière.
                           Y. S.A.
                        Le Président,
                         (signé) X."

    Après avoir quitté Y. S.A. et occupé un autre emploi durant quatre
mois, C. a cherché une nouvelle situation par voie d'annonce. A.,
administrateur unique de A. S.A., a répondu à l'annonce et a eu une
entrevue avec C., qui lui a présenté les certificats délivrés par D. et
Y. S.A. A. S.A. l'a engagé à l'essai dès le 5 mai 1969 en qualité de
responsable administratif.

    De juillet 1969 à février 1970, C. a commis des détournements pour
plus de 500'000.-- fr. au préjudice de A. S.A. Il a notamment prélevé
dans deux banques des sommes qui ne sont pas entrées en caisse, pour
un montant total de 366'000.-- fr. Il se faisait généralement remettre
les fonds et délivrait ensuite à la banque une quittance signée par A.,
à qui il indiquait la destination des sommes prélevées. A. n'a jamais
contrôlé si l'argent retiré par C. et destiné à un but précis avait bien
été utilisé conformément à ce but. Il n'a pas non plus vérifié les soldes
trimestriels que lui envoyaient les banques, du fait que C. lui donnait
une situation mensuelle. Il a contrôlé les soldes des comptes bancaires
et les bilans, mais pas les extraits en compte d'une manière détaillée;
il n'a pas vérifié le bilan d'après ces extraits de compte. A. avait
entière confiance en C. qui, dès le début de son emploi, s'était montré
particulièrement qualifié.

    A. S.A. a eu connaissance en janvier-février 1970 des actes délictueux
commis à son préjudice par C. Elle a déposé plainte pénale contre lui. Le
23 décembre 1970, C. a été condamné à quatre ans d'emprisonnement pour abus
de confiance et faux dans les titres, en raison notamment des infractions
commises au préjudice de A. S.A. Par transaction du 22 décembre 1970,
il avait reconnu devoir à celle-ci 404'000.-- fr. et s'était engagé à
lui rembourser 400 fr. par mois dès le cinquième mois après sa libération.

    B.- Après des poursuites frappées d'opposition, A. S.A. a ouvert action
contre X. et Y. S.A. en concluant, principalement, à la condamnation
solidaire des deux défendeurs à lui payer 297'000.-- fr. avec intérêt,
subsidiairement à la condamnation de X. seul à lui payer cette somme. En
tout état de cause, la demanderesse donnait acte aux défendeurs "que
moyennant paiement par eux des dommages-intérêts qui lui seront alloués
par le Tribunal, A. S.A. leur fera cession, jusqu'à due concurrence, des
droits qui lui ont été conférés par C. dans la convention-transaction
du 22 décembre 1970".

    Les défendeurs ayant conclu à libération et contesté le caractère
illicite de leurs agissements, la demanderesse a porté plainte pénale
contre X. Celui-ci, libéré en première instance, a été condamné le 14
février 1973 en deuxième instance à 1'000.-- fr. d'amende pour faux dans
les certificats. Le Tribunal fédéral a rejeté un pourvoi en nullité formé
par X.

    A. S.A. a récupéré 107'000.-- fr. de la part de C., qui avait commencé
à rembourser sa dette après sa libération. Décédé le 8 avril 1974, il
devait encore 392'478 fr. 75 à A. S.A. Sa succession a été répudiée.

    Après déduction de 100'000.-- fr. qui lui avaient été versés par deux
banques, la demanderesse a réduit ses conclusions à 292'000.-- fr.

    Par jugement du 4 novembre 1974, le Tribunal cantonal a admis
partiellement la demande et condamné les défendeurs à payer solidairement
à la demanderesse 150'000.-- fr. avec intérêt à 5% dès le 23 mars 1971.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme principal des
défendeurs et le recours joint de la demanderesse, et confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                 Extraits des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les défendeurs ne contestent plus, avec raison, le caractère
illicite des agissements de X. Celui-ci a manifestement transgressé une
injonction de l'ordre juridique en établissant un faux certificat et en
commettant par là l'infraction réprimée par l'art. 252 CP. Il savait que C.
avait détourné 25'000.-- fr. au préjudice de Y. S.A. et que cet abus de
confiance avait été déguisé par la suite en un contrat de prêt, garanti par
la cession de deux polices d'assurance-vie et remboursable par mensualités
de 500 fr. au moins dès février 1968, le débiteur autorisant d'ores et
déjà le créancier à retenir ce montant sur son traitement. C'est ainsi
contrairement à la vérité que X. a déclaré, dans le certificat daté du
31 décembre 1968, que l'activité de C. lui avait toujours donné complète
satisfaction, qu'il pouvait le recommander en toute conscience et que
C. quittait Y. S.A. libre de tous engagements. X. a agi avec conscience
et volonté.

    Y. S.A. ne conteste pas qu'elle réponde de l'acte illicite de
son administrateur ni qu'il y ait entre eux solidarité (OFTINGER,
Schweizerisches Haftpflichtrecht, 2e éd., I p. 300; cf. RO 48 II 157).

Erwägung 3

    3.- Les défendeurs nient l'existence d'un rapport de causalité
adéquate entre l'acte illicite retenu à leur charge et le dommage subi
par la demanderesse à la suite des détournements commis par C.

    Le Tribunal fédéral doit se limiter à examiner si la causalité
naturelle constatée par l'autorité cantonale est adéquate (RO 96 II 396,
98 II 290 s. consid. 3).

    a) La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses
et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un
effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat
paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (RO 89
II 250, 93 II 337, 96 II 396, 98 II 291).

    Le juge appelé à se prononcer sur l'existence d'un rapport de
causalité adéquate doit se demander, en face d'un enchaînement concret
de circonstances, s'il était probable que le fait considéré produisît le
résultat intervenu. A cet égard, ce n'est pas la prévisibilité subjective
mais la prévisibilité objective du résultat qui compte (RO 81 II 444 s.,
87 II 127 s., 307 s.).

    b) En l'espèce, le certificat établi par X., en qualité
d'administrateur de Y. S.A., était manifestement propre à provoquer
l'engagement de C. par la demanderesse, selon le cours ordinaire des choses
et l'expérience de la vie. D'ailleurs, la juridiction cantonale constate
en fait que c'est sur la foi des certificats de D. et d'Y. S.A. que C. a
été engagé.

    L'acte illicite de X., dont répond Y. S.A., était en outre propre à
faire croire à l'administrateur et directeur de la demanderesse, suivant
le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, qu'il pouvait
faire confiance à C. et qu'il n'y avait pas lieu de le contrôler ni de
le surveiller d'une manière particulièrement attentive, même pendant
la période d'essai de huit mois prévue lors de son engagement. En
effet, dans le certificat de Y. S.A., X. atteste que C. avait été
chargé d'abord de la solution de problèmes comptables, qu'il avait été
nommé sous-directeur administratif et qu'il disposait d'une formation
commerciale et industrielle complète. Mais il ne se borne pas à donner
ces renseignements objectivement exacts. Il affirme faussement que c'est
à la suite d'une réorganisation des services de Y. S.A. que C. avait
été appelé à prendre la direction d'un nouveau département, alors
qu'il avait été muté à ce poste à cause du détournement de 25'000.--
fr. dont il s'était rendu coupable. Y. S.A. déclare en outre se faire un
plaisir de rendre hommage à la compétence et à l'assiduité de C., affirme
contrairement à la vérité que son activité lui a toujours donné complète
satisfaction, qu'il la quitte libre de tous engagements et qu'elle peut
le recommander en toute conscience, et termine en formant pour lui des
voeux dans sa nouvelle carrière. Comme C. était qualifié, intelligent,
qu'il inspirait confiance et qu'il avait d'emblée donné satisfaction
dans son travail de responsable administratif, l'administrateur de la
demanderesse s'est trouvé confirmé dans les assurances que lui avaient
données les certificats très élogieux établis par X. C'est à la suite
de cet ensemble de circonstances que C. a pu commettre des importants
détournements de fonds au préjudice de la demanderesse. Les certificats
rédigés par X. au nom de maisons connues, lui-même étant un industriel
de renom, ont permis à C. de se faire engager par la demanderesse et
ont amené l'administrateur et directeur de cette entreprise à lui faire
entière confiance. Le rapport de causalité entre l'acte illicite de X. et
le dommage subi par la demanderesse est donc adéquat.

    c) Les défendeurs prétendent à tort que la causalité adéquate a été
interrompue par la faute concomitante de la demanderesse. Certes, en ne
contrôlant pas C., celle-ci a contribué à la survenance du dommage. Mais
elle avait d'autant moins de raison d'exercer une surveillance particulière
que les qualifications professionnelles de C., constatées d'emblée par
A., avaient corroboré les certificats établis par X. Quant à la passion
du jeu de C. invoquée par les défendeurs, pour autant qu'elle existât,
rien ne permet d'admettre que la demanderesse ait pu la connaître. Il
n'a pas non plus été prouvé que C. aurait eu un genre de vie incompatible
avec sa situation professionnelle, et de nature à attirer l'attention de
la demanderesse.

    Si les négligences de celle-ci ont contribué à produire le dommage,
elles n'ont pas interrompu la causalité adéquate entre l'acte illicite
de X., dont répond Y. S.A., et ce préjudice.

    La faute de la demanderesse n'est pas prépondérante au point de rejeter
à l'arrière-plan l'acte illicite du défendeur: l'une et l'autre ont joué
un rôle causal dans la survenance du dommage.

Erwägung 5

    5.- Dans son recours joint, la demanderesse conteste avoir commis
une faute concurrente qui justifie une réduction des dommages-intérêts,
selon l'art. 44 al. 1 CO. Se prévalant du principe de la confiance, elle
allègue qu'elle n'avait aucune raison d'exercer sur C. une surveillance
particulière.

    Certes, les certificats établis par X. ont joué un rôle déterminant
dans l'engagement de C. et ont fait croire à A., qui y a accordé foi,
qu'il pouvait avoir entière confiance dans ce nouveau collaborateur,
si chaudement recommandé par ses précédents employeurs. Les excellents
renseignements contenus dans ces certificats, la confiance que
C. inspirait, la bonne impression qu'il avait faite à A. et le fait qu'il
avait d'emblée manifesté ses réelles qualifications professionnelles dans
l'accomplissement de son travail de responsable administratif expliquent
qu'une certaine liberté lui ait été laissée et qu'un contrôle rigoureux
n'ait pas été exercé sur lui.

    D'autre part, la période d'essai de huit mois prévue lors de
l'engagement visait vraisemblablement non pas à permettre à la demanderesse
de s'assurer de l'honnêteté de C. et de sa correction dans l'emploi des
fonds de son employeur, qualités dont les certificats semblaient être
garants, mais à déterminer s'il était bien à sa place dans le poste de
responsable administratif qui lui était confié.

    La demanderesse a toutefois fait preuve de négligence en omettant toute
surveillance efficace à l'égard de son employé pendant des mois. S'il est
compréhensible que l'administrateur unique d'une entreprise industrielle,
surchargé de travail, ne vérifie pas personnellement les relevés bancaires
mensuels et trimestriels, ni ne les compare lui-même avec la comptabilité
et les fonds en caisse, il doit cependant organiser ses différents services
de façon à ce que les opérations bancaires et l'utilisation des fonds
qui en proviennent soient réellement contrôlées. On peut aussi concevoir
qu'A. ait signé les quittances pour les fonds prélevés en banque en vue
du but précis indiqué par C., parce qu'il avait confiance en lui. Mais il
n'est pas normal qu'aucune vérification n'ait été opérée pendant des mois
sur l'utilisation de ces fonds conformément à leur destination. L'omission
de contrôler C. à cet égard constitue une négligence qui a joué un
rôle causal incontestable dans la survenance du dommage consécutif aux
détournements de fonds commis au préjudice de la demanderesse.

    L'acte illicite de X., dont Y. S.A. répond, et la négligence imputable
à la demanderesse, en raison du manque de surveillance sur C., constituent
ainsi des causes adéquates concurrentes du préjudice.

    La détermination des parts respectives de responsabilité des
défendeurs, d'un côté, et de la demanderesse, de l'autre, est une question
de droit qui relève toutefois dans une large mesure de l'appréciation. La
juridiction cantonale n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation, ni
violé l'art. 44 al. 1 CO, en admettant que ces parts étaient à peu de
chose près égales et en considérant que, compte tenu du dol initial des
défendeurs lors de l'établissement des certificats, il était justifié de
les condamner à payer à la demanderesse 150'000.-- fr., soit un peu plus
de la moitié du dommage qu'elle subit.