Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 II 253



101 II 253

42. Arrêt de la IIe Cour civile du 30 septembre 1975 dans la cause Fly S.A.
contre Rochat. Regeste

    Art. 839 Abs. 2 ZGB. Begriff der Vollendung der Arbeit.

Sachverhalt

    A.- Denis Huguenin, commerçant indépendant d'appareils ménagers à
Nyon, procurait des commandes à la société anonyme Fly S.A., qui livre
notamment des installations de cuisine complètes; Fly S.A. lui octroyait
des commissions sur le prix des commandes.

    En 1972, Yves Rochat, propriétaire, à Nyon, d'un immeuble dont il
entreprenait la transformation, chargea Huguenin, entre autres travaux,
de l'installation complète de sa cuisine. Huguenin transmit la commande
à Fly S.A., qui établit un plan le 6 septembre 1972. Le 19 septembre
1972, Fly S.A. adressa à Huguenin une confirmation de la commande,
avec un descriptif détaillé. Le coût total de l'installation de la
cuisine s'élevait à 17'895 fr.; une remise de 15% (2'685 fr.) était
concédée à Huguenin. Par la suite furent convenus quelques modifications
et compléments à l'installation initiale. Le 11 octobre 1972, Fly
S.A. confirma la commande de ces travaux à Huguenin, pour un prix total
brut de 2'780 fr., lui octroyant également une remise de 15% (420 fr.).

    Les travaux furent, dans l'essentiel, achevés en décembre 1972. Le 11
décembre 1972 déjà, Huguenin adressa à Rochat une facture pour un montant
de 14'586 fr. 50, calculé comme il suit:

    - montant total du prix convenu le
         19 septembre 1972                                   Fr. 17'895.--

    - prix convenu le 11 octobre 1972 pour les
         travaux supplémentaires                             Fr.  2'780.--
                                                             -------------
         total                                               Fr. 20'675.--
         sous déduction d'un acompte versé par Rochat le 20 octobre
         1972                                  Fr.  6'088.50
                                                             -------------
         montant restant à payer                             Fr. 14'586.50

    Rochat paya ce montant au début de mars 1973 à un établissement
d'encaissement auquel Huguenin avait entre-temps cédé sa créance. Le 28
décembre 1972 déjà, il avait payé à Huguenin 8'633 fr., sur la base d'une
facture de celui-ci du 18 décembre 1972, pour divers travaux d'entreprise
(maçonnerie, gypserie, etc.).

    Le 11 janvier 1973, Fly S.A. envoya à Rochat, "pour adresse M. Denis
Huguenin", une facture de 17'570 fr., savoir 20'675 fr., montant total
des commandes du 19 septembre et du 11 octobre 1972, déduction faite
de la commission de 15% accordée à Huguenin. Huguenin reconnut cette
facture, en contresignant l'extrait d'un décompte que Fly S.A. lui avait
adressé le 28 juin 1973. Entre-temps, le 17 janvier 1973, un employé
de Fly S.A. avait encore procédé chez Rochat, à la suite d'une demande
d'intervention du 14 décembre 1972, aux travaux suivants: réglage d'un
carrousel et des fermetures de tiroirs et d'armoires, pose d'un tiroir
extensible et rectification des angles des surfaces en formica.

    Le 4 avril 1973, Fly S.A. requit l'inscription d'une hypothèque légale
des artisans et entrepreneurs sur le fonds de Rochat. Le juge instructeur
de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois l'ordonna le 13 avril
1973, à concurrence de 17'570 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 5 avril
1973. Le 13 juillet 1973, Fly S.A. demanda à la Cour civile l'inscription
définitive de cette hypothèque légale. Rochat conclut à libération.

    Entre-temps, Huguenin, qui était aux prises avec des difficultés
financières, avait présenté, en été 1973, une demande de sursis
concordataire. Cette demande fut refusée: la faillite fut ouverte et
sommairement liquidée. Il semble que les créanciers d'Huguenin n'ont
pas reçu de dividendes. En outre, Huguenin fut condamné par le Tribunal
correctionnel du district de Nyon, le 25 novembre 1974, à quatre mois
d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, pour abus de confiance. Le
Tribunal estima que cette infraction (art. 140 ch. 1 al. 2 CP) était
réalisée du fait que l'accusé n'avait pas transféré à Fly S.A. les montants
encaissés pour les commandes (sous déduction de la commission concédée)
alors qu'il avait pleine conscience que la propriété économique de ces
sommes lui échappait.

    B.- La Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'action de
la demanderesse le 23 janvier 1975. Elle a considéré, à titre principal,
que, les travaux ayant été achevés dans le courant du mois de décembre
1972, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale n'avait pas été
opérée en temps utile.

    C.- Fly S.A. a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Elle demande
que son action soit admise.

    L'intimé Yves Rochat conclut, avec dépens, au rejet du recours. La
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois se réfère aux considérants de
son jugement.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

    Au vu des faits constatés par la Cour cantonale, qui lient le
Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), on doit poser en principe que les
travaux exécutés dans la cuisine de l'intimé étaient, dans l'essentiel,
achevés en décembre 1972 et que la cuisine pouvait être utilisée avant
la fin de ce mois. Le délai de déchéance de l'art. 839 al. 2 CC n'est
respecté par l'inscription provisoire du 13 avril 1973 que si l'on admet
que l'installation de la cuisine a été terminée par les travaux exécutés
le 17 janvier 1973 par un employé de la recourante.

    Selon une doctrine et une jurisprudence bien établies, il y a
achèvement des travaux, au sens de l'art. 839 al. 2 CC, quand tous les
travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés
et que l'ouvrage est livrable; des prestations tout à fait accessoires
et de peu d'importance, ainsi que de simples travaux de mise au point,
n'entrent pas en considération (LEEMANN, n. 18-20 ad art. 839 CC; RO 39
II 777, 40 II 25). En particulier, le fait que l'entrepreneur présente
une facture pour son travail donne à penser, en règle générale, qu'il
estime l'ouvrage achevé (GAUTSCHI, n. 12 ad art. 367 CO; RJB 69/1933
p. 82 ss). La détermination du moment où les travaux ont été achevés, de
ce qui est prestation sans importance ou accessoire, ou encore travail de
mise au point est au premier chef une question de fait, que le Tribunal
fédéral n'a pas compétence pour revoir (RO 48 II 52).

    En l'espèce, la Cour civile cantonale a jugé sans aucun doute à
juste titre que le réglage d'un carrousel et des fermetures de tiroirs et
d'armoires, ainsi que la rectification des angles des surfaces en formica
constituaient des travaux de mise au point, qui ne sont pas compris dans
la notion d'achèvement (LEEMANN, n. 20 ad art. 839 CC). Quant à la pose
d'un tiroir extensible, le Tribunal a constaté qu'il ne s'agissait que
d'un élément de minime importance; la cuisine était auparavant déjà
utilisable et avait été utilisée. Il s'agit là d'une constatation de
fait. La recourante n'avance rien qui puisse renverser l'argumentation
des premiers juges. Le descriptif prévoyait déjà, dans l'agencement de
la cuisine, un meuble de base comprenant "un extensible avec dispositifs
casseroles et bouteilles". Rien, dans le dossier, ne permet de dire
pourquoi la livraison n'a eu lieu qu'en janvier 1973. Il est possible que
cet élément n'ait pas été en dépôt chez la recourante et qu'on ait oublié
de le poser lors de l'aménagement de la cuisine. Quoi qu'il en soit, il
ne pouvait s'agir que d'installer le tiroir avec des éclisses dans la
niche déjà préparée à cet effet. Quand la Cour cantonale considère ce
travail comme secondaire et accessoire, on ne saurait lui reprocher de
violer le droit fédéral.

    Ainsi, on ne peut que se rallier aux premiers juges quand ils estiment
que la requête d'inscription provisoire de l'hypothèque légale était
tardive, si bien que l'action de la demanderesse doit être écartée. Il
y a donc lieu de rejeter le recours.