Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IB 449



101 Ib 449

73. Extrait de l'arrêt du 14 novembre 1975 dans la cause S.I. Boislande
S.A. contre Commission de recours en matière foncière du canton de
Vaud Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch personen im Ausland. Ansiedlung von
Gästen. Förderung des Fremdenverkehrs.

    Der Fremdenverkehr in einer Gegend, deren Wirtschaft von ihm abhängt,
kann durch den Erwerb eines Anwesens von 40'000 m2, auf dem eine Luxusvilla
im Werte von 6 Millionen Franken steht und das durch ein Bauverbot zu
Lasten eines Areals von 40'000-50'000 m2 in der Umgebung begünstigt ist,
nicht gefördert werden.

Sachverhalt

    A.- Ressortissant des Etats-Unis d'Amérique et domicilié en Californie,
Emile Beaucard Maghsadi désirait acquérir à Gingins, pour le prix de
8'500'000 fr., une propriété de 40'668 m2 sur laquelle est édifiée une
villa de luxe, appartenant à la S.I. Boislande S.A., dont la totalité
du capital-actions est entre les mains d'une personne de nationalité
française, à qui l'autorisation d'acquérir avait été accordée à l'époque,
assortie d'une interdiction de morceler.

    La Commission foncière II du canton de Vaud a accordé à Beaucard
Maghsadi l'autorisation requise, en l'assortissant de l'interdiction
d'aliéner pendant dix ans et de l'obligation d'affecter l'immeuble au
séjour de l'acquéreur ou de sa famille, ces deux conditions devant être
inscrites au registre foncier.

    Sur recours du Département cantonal de l'agriculture, de l'industrie
et du commerce, la Commission de recours en matière foncière du canton de
Vaud a refusé l'autorisation. Saisi d'un recours de droit administratif
de la S.I. Boislande S.A., le Tribunal fédéral l'a rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- La recourante soutient que l'acquisition envisagée se justifie
en vertu de l'art. 6 al. 2 lettre a ch. 3 AF, en ce sens que Beaucard
Maghsadi se propose d'acquérir en son propre nom l'immeuble litigieux, en
vue d'y séjourner lui-même avec sa famille, que ni lui, ni son conjoint
ou ses enfants mineurs n'ont acquis à cette fin un autre immeuble en
Suisse et qu'enfin l'immeuble en cause est situé en un lieu qui figure
dans l'annexe 1 de l'arrêté du Conseil fédéral du 21 décembre 1973 "sur
l'acquisition d'immeubles dans des lieux à vocation touristique par des
personnes domiciliées à l'étranger" (ACF).

    Les autorités cantonales ont admis que les trois conditions générales
prévues sous lettre a de l'art. 6 al. 2 AF sont remplies. La Division
fédérale de la justice ne le conteste pas. On peut donc se dispenser de
revenir sur ce point. Mais ces trois conditions ne peuvent constituer
un motif légitime d'acquisition que si la condition du chiffre 3 (le seul
invoqué en l'espèce) de l'art. 6 al. 2 lettre a AF est elle-même réalisée.

    a) Il est vrai que la commune de Gingins se trouve dans la liste des
"lieux dont l'économie dépend du tourisme et dont le développement requiert
l'établissement de résidences secondaires" (art. 6 al. 2 lettre a ch. 3 AF,
art. 2 al. 1 ACF et annexe I audit ACF). Mais l'on peut hésiter à juste
titre à qualifier la propriété litigieuse de résidence secondaire au
sens du droit fédéral. Comportant un vaste terrain de plus de 40'000 m2
et une villa de luxe dont la construction et les aménagements extérieurs
auraient coûté plus de 6'000'000 fr., cette propriété ne correspond en
tout cas pas à ce que l'on considère en général comme résidence secondaire
dans notre pays. Sans doute les dispositions fédérales ne donnent-elles
pas de précisions sur ce qu'il faut entendre par résidence secondaire -
expression qui n'est d'ailleurs utilisée que dans les textes français
et italien de l'arrêté fédéral, alors que le texte allemand se contente
des termes "Ansiedlung von Gästen" -, et il ne saurait être question de
fixer des règles trop strictes en ce qui concerne notamment la valeur de la
propriété qui pourrait entrer dans la notion de résidence secondaire. Cette
valeur est susceptible de varier considérablement d'un cas à l'autre,
notamment en fonction des ressources du futur acquéreur; mais même le
rapport entre la somme à investir et la fortune totale ou les revenus du
requérant - si tant est qu'on puisse les établir avec quelque certitude
- ne paraît pas propre à lui seul à fournir un critère satisfaisant. Il
semble cependant, en l'espèce, que l'importance aussi bien de la surface
en cause que du prix de la propriété soit nettement au-dessus de ce que
l'on pourrait raisonnablement admettre comme résidence secondaire au
sens des dispositions fédérales, de sorte que l'on devrait considérer,
à la suite de la Commission cantonale de recours, qu'il ne s'agit plus
de l'acquisition d'une résidence secondaire, mais d'un placement de
capitaux. On peut toutefois se dispenser de résoudre la question en
l'espèce, car le recours doit être rejeté pour un autre motif.

    b) En adoptant dès 1961 des dispositions sur l'acquisition d'immeubles
par des personnes domiciliées à l'étranger, le législateur fédéral a
marqué sa volonté de parer au danger que constituent pour la Suisse
les achats immobiliers de plus en plus nombreux effectués par de telles
personnes. Il n'a cependant pas voulu interdire complètement ces achats
- ce qui n'aurait pas manqué de troubler notamment certains secteurs
de l'économie nationale -, mais il en a subordonné l'autorisation à
l'existence d'un intérêt légitime dûment prouvé. Il a précisé, dès la
modification du 24 juin 1970, que parmi les intérêts légitimes justifiant
l'acquisition figurait notamment le développement des régions dont
l'économie dépend du tourisme. Mais l'acquisition d'immeubles dans ces
régions est subordonnée - outre les trois conditions générales figurant
sous lettre a de l'art. 6 al. 2 AF - à la condition qu'elle soit apte à
favoriser le développement du tourisme dans de telles régions.

    Or il est évident que l'acquisition envisagée par Beaucard Maghsadi
n'est pas de nature à favoriser le développement du tourisme à Gingins;
bien au contraire: la propriété en cause comporte en effet, pour une seule
villa - si vaste soit-elle - plus de 40'000 m2 de terrain et bénéficie en
outre d'une interdiction de bâtir sur 40'000 à 50'000 m2 supplémentaires
de terrain.

    Ainsi le développement touristique d'une région, propre à justifier -
aux autres conditions de l'art. 6 al. 2 lettre a AF - un intérêt légitime
à l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger,
ne peut pas être invoqué en l'espèce à l'appui de la requête de Beaucard
Maghsadi. Comme aucun autre intérêt légitime au sens des dispositions
fédérales ne peut entrer en considération, le recours doit être rejeté,
de sorte que l'autorisation requise est définitivement refusée.