Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IB 37



101 Ib 37

8. Arrêt du 14 février 1975 en la cause Provins Valais, Vin-Union
Genève et Fédération Cave de la Côte contre Administration fédérale des
contributions Regeste

    Warenumsatzsteuer.

    1. Die Entscheidung der Steuerbehörde, eine Praxis künftig zu ändern,
bedeutet nicht den Widerruf eines Verwaltungsaktes (Erw. 2).

    2. Bemessung des steuerbaren Entgelts für die Lieferung von Wein
durch eine Genossenschaft an ihre Mitglieder, wenn das Erzeugnis für den
Eigenbedarf der Empfänger bestimmt ist und diese, um es zu erhalten,
der Genossenschaft ein entsprechendes Quantum ihrer Ernte abgegeben
haben. Gesetzmässigkeit und Angemessenheit der Praxis, welche die
Steuerbehörde einführen will (Erw. 3-5).

Sachverhalt

    A.- Provins Valais, Vin-Union Genève et la Fédération Cave de la Côte
sont des sociétés ayant pour but la vinification, l'utilisation et la
vente en commun des produits et sous-produits provenant de la vendange
des sociétaires. Ces derniers ont l'obligation de remettre à la société
dont ils sont membres la totalité de leurs vendanges. Ils peuvent obtenir
en retour le vin destiné à leur propre consommation.

    Ces sociétés sont des grossistes au sens de l'Arrêté du Conseil
fédéral instituant un impôt sur le chiffre d'affaires, du 29 juillet 1941
(AChA). Cette contribution fut d'abord prélevée sur la pleine valeur du
vin livré par les sociétés à leurs membres. Dès 1955, l'Administration
fédérale des contributions (AFC) admit de ne percevoir l'impôt que sur
la valeur des prestations de la société (pressurage, vinification, mise
en bouteille, etc.). En 1974, l'AFC informa les sociétés qu'à l'avenir,
la valeur de la marchandise reçue lors de la remise de raisin par les
viticulteurs sociétaires pour obtenir en retour du vin destiné à leur
propre consommation ferait partie de la contre-prestation imposable au
sens de l'art. 22 AChA.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif formé
par ces sociétés contre la décision sur réclamation prise par l'AFC et
confirmant ce changement de pratique.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le présent recours s'est formé pour violation du droit
fédéral. Les recourantes allèguent également l'inopportunité de la
décision entreprise. Ces deux griefs sont recevables (art. 104 lit. a et
c ch. 1 OJ).

Erwägung 2

    2.- Les recourantes soutiennent que la décision entreprise constitue
la révocation d'un acte administratif, et que les conditions requises pour
qu'une telle mesure soit admissible ne sont pas remplies in casu. Elles
relèvent en particulier que l'autorité fiscale savait depuis longtemps
déjà que le membre de la société coopérative qui reçoit le vin destiné
à sa propre consommation ne reprend pas forcément un produit fabriqué
avec sa propre vendange, puisque celle-ci a été mélangée à celle des
autres sociétaires. Dès lors, en déclarant avoir constaté que le client
ne recevait pas en retour un produit fabriqué avec la matière qu'il
avait remise, l'AFC a violé le principe de la bonne foi. Par ailleurs,
la pratique suivie jusqu'alors n'était pas manifestement inexacte et ne
reposait pas sur une conception juridiquement fausse. Il était dès lors
inadmissible de la révoquer.

    Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue. La décision
sur réclamation rendue par l'AFC ne vise nullement à révoquer ou à
modifier une décision entrée en force. L'interprétation que l'autorité
fiscale a donnée à la loi au cours de ces dernières années ne peut être
qualifiée d'acte administratif. Les modalités d'imposition des livraisons
de vin de la société coopérative à ses membres, pour les besoins de ces
derniers, ne constituaient pas des mesures de nature générale et concrète,
s'adressant à un nombre indéterminé de personnes quelconques qui, dans
une situation particulière, sont tenues de se comporter de la même façon
(soit des "Allgemeinverfügungen" cf. GRISEL, Droit administratif suisse,
p. 193). Dans sa réponse au recours, l'AFC a notamment précisé qu'elle a
suspendu l'application de la nouvelle pratique aux sociétés coopératives
viticoles jusqu'à droit connu sur le sort du présent litige et qu'elle ne
la mettra pas en vigueur rétroactivement si elle obtient gain de cause. En
rendant la décision entreprise, elle a entendu se prononcer de manière
durable sur les modalités d'imposition, à l'avenir, des livraisons de vin
par la société coopérative viticole à ses membres. La décision attaquée
n'a donc pas pour objet de modifier des décisions concrètes déjà rendues;
elle ne se rapporte qu'au changement d'une pratique administrative suivie
jusqu'à ce jour.

    Les autorités chargées d'appliquer la loi ne sont pas formellement
liées par l'interprétation qu'elles donnent à certaines de ses
dispositions. Certes, une pratique ne doit être modifiée que si ce
changement se fonde sur des motifs sérieux et objectifs; c'est dans
cette mesure seulement que l'on peut admettre que les précédents lient
l'autorité. Au plan du droit fiscal en particulier, la modification d'une
pratique n'est pas soumise aux mêmes conditions que celles qui régissent
la revision d'une taxation passée en force, lorsque le changement envisagé
ne vise qu'à régler des situations de fait en raison desquelles aucune
procédure de taxation n'a encore été engagée.

    En l'espèce, les recourantes n'affirment pas, ni ne démontrent
avoir pris des mesures d'organisation conditionnées par la pratique en
vigueur. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si et dans quelle
mesure le principe de la bonne foi pourrait être invoqué avec succès
pour mettre obstacle, en ce qui les concerne, à la modification de cette
pratique.

    La question litigieuse est ainsi uniquement celle de savoir quelle est,
des deux interprétations en présence, celle qui doit être confirmée.

Erwägung 3

    3.- a) Le 19 juillet 1958, l'AFC avait exposé à Provins Valais,
dans les termes suivants, les considérations sur lesquelles se fondait
son interprétation de la loi en ce qui concerne le calcul de l'impôt sur
le chiffre d'affaires afférent aux livraisons de vin par la société à
ses membres...

    "Pour autant que les vignerons se réservent d'emblée une certaine
   quantité de vin à recevoir au printemps suivant, nous considérons qu'il
   y a alors de votre part livraison en vertu d'un contrat d'entreprise et
   que la quantité de vendange à pressurer et à vinifier, correspondante
   au vin réservé, vous a été mise à disposition par les vignerons.
       En conséquence, nous admettons jusqu'à nouvel avis que vous
   n'acquittiez l'impôt à 3,6% que sur la valeur des prestations faites par
   votre maison (par ex. coût des travaux de pressurage, de vinification,
   de mise en bouteille) à laquelle s'ajoutent la valeur du matériel
   livré (bouteilles, bouchons, étiquettes) et le bénéfice que vous
   prenez sur de telles livraisons. Si la facturation s'établit par mise
   en compte, la somme imposable équivaut pratiquement à la différence
   entre la valeur du vin mis en bouteilles et livré aux vignerons et
   le prix de la quantité de vendange qu'il vous ont mise à disposition
   pour ce vin. Il va de soi que le vin que le sociétaire, au moment de
   la vendange, s'est réservé de reprendre doit provenir de la sorte ou
   qualité de vendange qu'il a fournie lui-même."

    b) Dans la décision entreprise, l'AFC se place à un point de vue
différent. Elle ne se prononce pas sur la nature de droit civil des
accords liant la société à ses membres, en tant qu'ils concernent les
livraisons de vin; elle ne soutient pas que l'on se trouverait en présence
de deux opérations de vente, portant l'une sur la vendange, l'autre sur
le vin mis en bouteilles. Elle n'exclut pas non plus que l'on ait affaire
en l'espèce à un contrat d'entreprise. C'est au contraire en se fondant
sur les notions de livraisons et de contre-prestations, telles qu'elles
ressortent de l'AChA, que l'autorité fiscale a pris la décision attaquée.

    Selon l'art. 15 al. 1 AChA, il y a livraison sur territoire suisse
lorsque celui qui reçoit la marchandise ou un tiers à sa place est mis en
mesure de disposer en son nom propre d'une marchandise qui se trouve en
Suisse au moment où est accordé le pouvoir d'en disposer. Est aussi réputée
livraison de marchandise la remise d'une marchandise fabriquée en vertu
d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat (art. 15 al. 2 AChA). L'impôt
sur le chiffre d'affaires se calcule sur la somme des contre-prestations
reçues durant la période fiscale (art. 20 al. 1 lit. a AChA). Selon
l'art. 22 AChA, est réputé contre-prestation tout ce que le fournisseur,
ou un tiers à sa place, reçoit en échange de la livraison. L'art. 22
al. 3 AChA précise que s'il s'agit d'un échange de marchandises, la
valeur de chacune est considérée comme contre-prestation pour l'autre;
si la marchandise a été donnée en paiement, est réputé contre-prestation
le montant soldé par l'opération.

    Dès lors, à l'avis de l'AFC, le montant de la contre-prestation
imposable, dans les cas où le grossiste est chargé d'exécuter un
ouvrage en utilisant des matières premières remises par le client, sera
différent selon que la matière qui a servi à fabriquer la marchandise
commandée a fait l'objet d'une livraison ou qu'au contraire, elle a été
seulement mise à disposition. Ce n'est que s'il y a mise à disposition,
le fabricant étant obligé d'utiliser la matière qui lui a été remise
pour exécuter l'ouvrage commandé, que seul le coût du travail constitue
la contre-prestation imposable.

    En application de ces principes, l'autorité fiscale a modifié sa
pratique antérieure applicable au calcul de l'impôt dans des cas tels
que la livraison de pneus regommés contre reprise de pneus usés, celle de
moteurs automobiles revisés contre reprise de moteurs à reviser, celle de
barres de métal contre reprise de déchets de plomb. Dans tous ces cas, la
valeur de la marchandise remise au fabricant constitue l'un des éléments de
la contre-prestation de la livraison imposable. Le Tribunal fédéral n'a pas
en l'espèce à se prononcer sur le bien-fondé de cette nouvelle pratique,
en ce qui concerne les cas précités. La seule question litigieuse in casu
est celle de savoir s'il se justifiait de l'étendre à la livraison de vin
par la société coopérative à ses membres, lorsque ce produit est destiné
à la propre consommation de ces derniers et que ceux-ci, pour l'obtenir,
ont remis une quantité de vendange correspondante.

Erwägung 4

    4.- a) Les recourantes ne contestent pas que les livraisons de vin
constituent des livraisons au sens de l'art. 13 al. 1 lit. a AChA. Le
litige porte en l'espèce exclusivement sur la détermination de la
contre-prestation au sens des art. 20 al. 1 lit. a et 22 AChA.

    b) Les membres des sociétés recourantes ont l'obligation de leur
remettre la totalité de leurs vendanges. Ils poursuivent ainsi un
double but. Il s'agit pour eux d'obtenir le vin destiné à leur propre
consommation, d'une part, et, d'autre part, d'assurer en commun
la vinification, l'utilisation et la vente des produits de leurs
vignes. L'autorité fiscale a relevé qu'il ne pouvait être établi que le
vigneron reçoit en retour une marchandise fabriquée avec le produit livré
à la société. Celle-ci peut donc en disposer comme une propriétaire. Au
plan du droit civil, il faut certes admettre que la propriété des
vendanges passe aux sociétés recourantes. Mais celles-ci doivent en
assurer l'utilisation aux meilleures conditions et dans l'intérêt de
tous les membres. Des raisons pratiques évidentes expliquent que les
recourantes deviennent propriétaires de l'ensemble des vendanges, et non
pas seulement de la part qui ne correspond pas au vin livré aux membres
pour leur propre consommation. Un traitement séparé de l'une et l'autre
partie des récoltes ne pourrait se faire que moyennant des dépenses
très importantes; une telle façon de procéder irait à l'encontre d'une
organisation rationnelle et adaptée aux buts poursuivis. Dès lors, bien
que le vin livré à tous les membres ne corresponde que quantitativement à
la vendange qu'ils ont fournie, il se justifie d'assimiler le cas présent
à celui d'une mise à disposition proprement dite.

    c) On ne saurait dès lors soutenir que la situation discutée en
l'espèce est comparable, en fait et en droit, à la livraison de pneus
regommés contre reprise de pneus usés ou à celle de barres de métal
contre reprise de déchets de plomb. L'autorité fiscale, en appliquant
strictement la règle qu'elle a définie à propos des cas précités et
selon laquelle la valeur de la marchandise remise constitue un élément
de la contre-prestation imposable lorsque le client ne reçoit pas un
produit fabriqué exclusivement avec la matière qu'il a fournie, n'a pas
tenu compte de manière adéquate de la nature économique des relations
entre les recourantes et les viticulteurs sociétaires. Or, la prise en
considération de cet élément se justifiait d'autant plus en l'espèce que
l'AFC ne s'est nullement fondée, pour prendre la décision entreprise,
sur la nature de droit civil de ces relations.

    La pratique suivie jusqu'à présent est mieux adaptée à la situation de
fait litigieuse, et doit être maintenue de préférence à celle que voulait
instaurer la décision attaquée. Le présent recours doit ainsi être admis.

Erwägung 5

    5.- Les recourantes ont également soulevé le grief
d'inopportunité. Elles relèvent à cet égard qu'il ne convient pas de
modifier une pratique déjà fort ancienne alors qu'une revision complète du
système de l'impôt sur le chiffre d'affaires est envisagée. Par ailleurs,
la pratique suivie jusqu'à présent aurait le mérite d'aller dans le sens
de la politique fédérale de soutien à l'agriculture, ce qui serait loin
d'être le cas de celle que consacre la décision entreprise. Les recourantes
remarquent enfin qu'en cas du rejet du recours, les vignerons qui livrent
la totalité de leurs vendanges à des sociétés coopératives viticoles
devront supporter la charge de l'impôt sur le chiffre d'affaires pour
le vin destiné à leur propre consommation, alors que les producteurs qui
commercialisent eux-mêmes leur récolte ne paient aucun impôt pour la part
de celle-ci qu'ils consomment eux-mêmes.

    Les arguments des recourantes, dans la mesure où ils s'inspirent de
considérations de politique économique, ne peuvent être déterminants pour
l'interprétation des dispositions légales en vigueur. Ils fournissent
toutefois des éléments d'appréciation utiles in casu.

    a) On ne saurait soutenir que la longue durée d'une pratique constitue
en elle-même un obstacle à la modification de cette dernière. En l'espèce
toutefois, cet élément contribue à faire pencher la balance en faveur du
maintien de la pratique actuelle, dès lors que d'autres motifs vont dans
le sens de l'admission du recours (cf. RO 100 Ib 65).

    b) Selon l'art. 11 al. 1 lit. a AChA, les viticulteurs livrant
exclusivement des produits tirés de leur propre exploitation ne sont
pas grossistes. Chacun peut donc, sous réserve de l'art. 8 al. 1 lit. b
AChA, acquérir du vin auprès d'eux sans que l'impôt sur le chiffre
d'affaires ne soit prélevé. La loi accorde aux viticulteurs producteurs
un privilège dont ne bénéficient pas les vignerons qui se groupent
pour former une société coopérative, cette dernière étant assujettie à
l'impôt en tant que grossiste. On doit ainsi constater que la législation
actuelle désavantage les coopératives viticoles et, indirectement, leurs
membres, par rapport aux vignerons qui livrent les produits tirés de
leur propre exploitation. L'autorité fiscale souligne à juste titre que
cette différence de traitement résulte de la loi, et non d'une pratique
administrative. Mais on ne saurait faire abstraction de cette réalité
juridique lorsque, de deux interprétations de la loi, l'une accentue,
au lieu de l'atténuer, la différence entre les vignerons producteurs et
les vignerons membres de sociétés coopératives.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.