Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IA 565



101 Ia 565

88. Extrait de l'arrêt du 5 novembre 1975 dans la cause Schneemobil-Club
der Schweiz contre Vaud, Grand Conseil. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Kantonale Verkehrsbeschränkung
für Raupenfahrzeuge (Art. 3, 5, 43 und 106 SVG).

    1. Auf den allgemein den Motorfahrzeugen geöffneten Strassen kann
der Verkehr derselben - inbegriffen jener der Raupenfahrzeuge - nur
dann kantonal untersagt werden, wenn dieses Verbot nach Art. 5 SVG
vorschriftsgemäss signalisiert ist (E. 3).

    2. Dagegen kann der Verkehr der Raupenfahrzeuge - wie auch der andern
Motorfahrzeuge - ausserhalb der befahrbaren Strassen untersagt werden,
ohne dass dieses Verbot durch Signale angezeigt werden muss (Art. 43
Abs. 1 und Art. 5 Abs. 1 und 2 SVG) (E. 4b).

    3. Die Kantone bleiben befugt, ausserhalb der dem SVG unterstehenden
Verkehrswege den Verkehr der Motor- und daher auch der Raupenfahrzeuge
zu regeln (E. 4c).

Sachverhalt

    A.- Le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté le 10 septembre
1974 une "loi sur l'usage des véhicules à chenilles pendant l'hiver",
qui reprend pour l'essentiel les dispositions d'un arrêté du Conseil
d'Etat du 7 juillet 1971 sur le même objet. Cette loi est fondée sur "la
législation fédérale sur la circulation routière, notamment l'ordonnance
sur la construction et l'équipement des véhicules routiers du 27 août 1969
(OCE)". Elle contient notamment les dispositions suivantes:

    "Article premier. - Sont soumis à la présente loi tous les véhicules
   automobiles à chenilles aptes à se déplacer sur les surfaces enneigées
   hors des routes carrossables ouvertes au trafic hivernal, notamment:

    a) les motocycles à chenilles;

    b) les voitures automobiles à chenilles, légères ou lourdes;

    c) les voitures automobiles de travail à chenilles.

    Art. 2. - La circulation des véhicules automobiles à chenilles est
   interdite en dehors des routes et chemins publics ouverts au trafic
   hivernal des autres véhicules à moteur.

    Sont en outre réservées les interdictions générales de circulation et
   les interdictions de circuler frappant certaines catégories de
   véhicules, signalées conformément à l'ordonnance sur la signalisation
   routière."

    Les autres articles de la loi réglementent certains cas dans lesquels
la loi ne s'applique pas (art. 3), ceux dans lesquels des autorisations
de circuler peuvent être accordées (art. 4 et 5), le droit de recours
(art. 6) et les dispositions pénales (art. 7).

    La loi a été publiée dans la "Feuille des avis officiels" du canton
de Vaud le 1er octobre 1974.

    Le Schneemobil-Club der Schweiz, association ayant son siège à Zurich,
a formé un recours contre cette loi auprès du Conseil fédéral, le 15
octobre 1974. Il soutient que la loi vaudoise viole la loi fédérale sur la
circulation routière (LCR), le canton s'étant arrogé une compétence qui,
en vertu de cette dernière loi, ne lui appartient pas, et affirme que ce
texte législatif crée entre les détenteurs de véhicules à chenilles et
les détenteurs d'autres véhicules à moteur une inégalité de traitement
contraire à la constitution fédérale.

    A la suite d'un échange de vues entre le Conseil fédéral et le
Tribunal fédéral, il a été convenu qu'il appartient au Tribunal fédéral
de statuer sur le recours en application de l'art. 73 al. 2 lettre a de
la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (LPA).

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'association recourante se plaint essentiellement de ce que le
Grand Conseil du canton de Vaud ait adopté une loi dans un domaine qui,
selon elle, est régi par la législation fédérale, soit par la LCR. Elle
fait ainsi valoir implicitement une violation de la force dérogatoire du
droit fédéral, soit de l'art. 2 Disp. trans. Cst. Au sens de l'art. 73
al. 2 lettre a LPA, un tel recours ressortit au Tribunal fédéral. Le grief
ainsi invoqué consistant dans la violation d'un droit constitutionnel,
le recours doit être traité comme recours de droit public conformément
à l'art. 84 al. 1 lettre a OJ. La recourante se plaint également d'une
inégalité de traitement; elle invoque donc implicitement une violation
de l'art. 4 Cst., qui doit être examinée par le Tribunal fédéral en vertu
de la même disposition légale.

Erwägung 2

    2.- Selon ses statuts, l'association recourante groupe des personnes
qui s'intéressent à la circulation des véhicules sur la neige, notamment
des détenteurs de véhicules destinés à circuler sur la neige, et défend
leurs intérêts. Elle n'indique pas si elle a des membres dans le canton de
Vaud, mais ses membres - domiciliés ou non dans ce canton - qui désirent
y circuler avec un véhicule de cette nature peuvent être considérés
comme lésés par la loi attaquée au sens de l'art. 88 OJ. L'association
recourante a donc qualité pour former un recours de droit public (RO 99
Ia 239 consid. 1c, 539 consid. 2).

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 106 LCR, les cantons sont chargés de l'exécution de la
loi fédérale (al. 2); s'ils restent compétents pour édicter eux-mêmes des
prescriptions complémentaires sur la circulation routière, ils ne le sont
pas, en revanche, en ce qui concerne notamment les véhicules automobiles
(al. 3). La recourante reproche au canton de Vaud d'avoir, en interdisant
aux véhicules à chenilles de circuler en dehors des routes et chemins
publics ouverts au trafic hivernal des autres véhicules à moteur, institué
une restriction de la circulation des véhicules à moteur qui viole cette
dernière disposition et n'est donc pas compatible avec le droit fédéral.

    a) La loi attaquée ne comporte aucune restriction à la circulation des
véhicules automobiles à chenilles sur les routes carrossables "ouvertes
au trafic hivernal". Mais elle interdit en principe leur circulation
sur les routes et chemins publics qui ne sont pas ouverts au trafic
hivernal des autres véhicules à moteur. Il résulte du titre de la loi,
et implicitement de sa teneur, que cette interdiction n'est applicable
que pour la saison d'hiver, les véhicules en question étant d'ailleurs
destinés à circuler sur la neige. Pendant cette saison, les véhicules
à chenilles ne peuvent pas - selon la loi - circuler sur les routes
qui, tout en étant ouvertes en principe à la circulation, ne se prêtent
cependant pas à la circulation des véhicules automobiles à roues, parce
qu'elles sont enneigées et non entretenues.

    b) Selon l'ordonnance sur la construction et l'équipement des véhicules
routiers (OCE), sont considérés comme voitures automobiles les véhicules
(automobiles) munis de chenilles si leur poids à vide dépasse 400 kg ou
leur cylindrée 400 cm3, ou encore si leur vitesse maximale n'excède pas 25
km/h (sic); sont considérés comme motocycles les véhicules (automobiles)
munis de chenilles ne pouvant être classés comme voitures automobiles
(art. 2 al. 1 et 2 OCE). Les uns et les autres sont ainsi des véhicules
automobiles au sens de l'art. 7 LCR et sont assujettis aux prescriptions de
cette loi et de ses dispositions d'exécution. En application de l'art. 97
al. 1 OCR, le Département fédéral de justice et police a édicté, le 14
février 1968, des "instructions relatives à l'admission de véhicules à
chenilles et de luges remorquées". Ces instructions portent notamment sur
l'applicabilité de la LCR aux véhicules à chenilles, le statut juridique et
l'emploi de ces derniers; elles précisent que, sauf disposition contraire,
il faut appliquer aux véhicules à chenilles, en ce qui concerne leur
statut juridique, les règles valables pour les véhicules à roues de la
même catégorie (No 131).

    La circulation des véhicules à chenilles, qui est pratiquée en
Suisse depuis un certain nombre d'années, a fait l'objet de diverses
interventions tendant à interdire ou à limiter l'emploi de ces véhicules,
afin que ceux-ci ne constituent pas une source de pollution, de troubles
et de bruit dans les régions montagneuses. Le Conseil national a adopté
le 27 avril 1972 deux postulats dans ce sens. Le Conseil fédéral a déclaré
notamment, en réponse à l'un de ces postulats:

    "Conformément à l'article premier de la loi sur la circulation
routière,
   la Confédération ne peut réglementer le trafic des véhicules que sur
   la voie publique, notion qui englobe aussi les pistes de skis ou de
   luges ainsi que les chemins réservés aux piétons. Toutefois, le trafic
   des véhicules automobiles est interdit sur ces pistes et chemins qui,
   au sens de l'art. 43 LCR, ne se prêtent pas ou ne sont manifestement
   pas destinés à leur circulation. Une exception est permise pour les
   véhicules spéciaux servant à la préparation des pistes.

    Le postulat tend avant tout à interdire les luges à moteur en dehors
   de la voie publique, donc dans les endroits isolés, les régions de
   détente où ces véhicules sont jugés particulièrement incommodants. Mais
   la loi sur la circulation routière n'est justement pas applicable
   dans ces cas, de sorte que la Confédération n'a aucune compétence pour
   édicter des prescriptions; il appartient exclusivement aux législateurs
   cantonaux de publier les dispositions nécessaires à la réglementation
   du trafic dans ces régions (Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale,
   Conseil national, 1972, p. 602.)."

    Le Conseil fédéral a rappelé en outre que la Commission intercantonale
de la circulation routière (CIC) a préparé à l'intention des cantons
un modèle d'ordonnance ayant pour objet la circulation des véhicules à
chenilles en dehors de la voie publique et que plusieurs cantons ont pris
des mesures à cet effet. Portant la date du 12 octobre 1971, ce modèle
est ainsi conçu en ses art. 2 et 3:

    "Art. 2: Sur la voie publique, l'emploi de véhicules à chenilles est
   régi par les dispositions de la LCR et de ses prescriptions d'exécution.

    Les pistes de ski, les chemins réservés aux luges et aux promeneurs
   et autres voies semblables sont considérés comme des aires de
   circulation publiques. Sur celles-ci l'emploi de véhicules à chenilles
   n'est pas autorisé en vertu de l'art. 43 al. 1 LCR.

    En outre, réserve est faite des interdictions de circuler locales
   signalées pour les véhicules automobiles.

    Art. 3: Lorsque les dispositions de la LCR ne sont pas applicables,
   l'emploi de véhicules à chenilles est interdit sur la base de (base
   légale cantonale)."

    c) La loi attaquée diffère du modèle d'ordonnance de la CIC et des
dispositions réglementaires adoptées sur la base de ce modèle par divers
cantons (pour le canton de Berne, ordonnance du 8 décembre 1971, voir ATF
du 4 avril 1973 dans la cause Snofari Interlaken AG), en ce sens qu'elle
interdit la circulation des véhicules à moteur non seulement sur les
pistes de ski, les chemins réservés aux luges et aux promeneurs et autres
voies semblables, mais sur toutes les routes et tous les chemins publics,
dans la mesure où ils ne sont pas ouverts au trafic hivernal des autres
véhicules à moteur.

    Le Conseil d'Etat prétend fonder la compétence cantonale en cette
matière sur l'art. 3 LCR, et notamment sur son al. 1, qui réserve la
souveraineté cantonale sur les routes dans les limites du droit fédéral,
et sur son al. 2, qui prévoit la compétence des cantons pour interdire,
restreindre ou régler la circulation sur certaines routes. Il se réfère
à l'art. 23 al. 1 de la loi vaudoise du 25 mai 1964 sur les routes, aux
termes duquel l'Etat assure le service hivernal sur les routes cantonales
qu'il décide d'ouvrir à la circulation. En vertu de cette disposition,
le Département des travaux publics établit chaque année et publie dans
la "Feuille des avis officiels" une liste des routes qui ne seront pas
ouvertes au trafic hivernal. "Ces routes sont généralement interdites,
en outre, par un signal No 201 (interdiction de circuler) et même parfois
par des barrières placées en travers de la chaussée." Le Département se
laisse guider dans son choix par des considérations qui tiennent à la
sécurité, à l'économie ou au fait que ces routes sont peu fréquentées. Le
Conseil d'Etat se demande d'ailleurs si une route enneigée peut être
qualifiée de "voie publique" au sens de l'art. 1er LCR, son tracé étant
devenu invisible ou très difficile à discerner. Il ajoute que le droit
du canton d'interdire la circulation sur certaines routes enneigées se
conçoit aussi au regard de l'art. 3 al. 4 LCR, qui reconnaît aux cantons
des compétences extrêmement larges dans le domaine de la sécurité, de la
réglementation de la circulation, de la protection de la nature ou pour
répondre à d'autres exigences imposées par les conditions locales.

    d) L'art. 3 al. 1 LCR ne réserve - son texte l'indique expressément -
la souveraineté cantonale sur les routes que dans les limites du droit
fédéral. Or la circulation routière est régie presque exclusivement
par ce dernier droit, notamment en ce qui concerne la circulation
des véhicules automobiles (SCHLEGEL/GIGER, Strassenverkehrsgesetz,
ad art. 3 al. 1, p. 9). Si l'art. 3 al. 2 LCR autorise les cantons -
conformément à l'art. 37bis al. 2 Cst. - à "interdire, restreindre ou
régler la circulation sur certaines routes", ils ne peuvent le faire que
dans les limites précises prévues par les dispositions subséquentes de la
loi, que l'art. 3 al. 2 ne fait qu'introduire (SCHLEGEL/GIGER, op.cit. ad
art. 3 al. 2, p. 9). Selon l'art. 3 al. 3 LCR, le canton peut interdire
complètement ou restreindre temporairement la circulation de véhicules à
moteur sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit. Il peut
donc interdire ou restreindre la circulation sur certaines routes en
hiver. D'après le message du Conseil fédéral relatif au projet de loi sur
la circulation routière, du 24 juin 1955, "les cantons jouissent d'une très
large liberté pour édicter des interdictions totales de circuler et des
restrictions temporaires. Dans ce domaine, il n'y a pas de limite à leur
droit, sous réserve de l'arbitraire visé par l'art. 4 de la constitution"
(FF 1955 II 11). Les Chambres fédérales ont expressément réservé, dans le
texte légal (art. 3 al. 3 in fine), le recours pour violation des droits
constitutionnels des citoyens.

    Mais l'interdiction décrétée par le canton n'est valable que si
celui-ci observe la condition prévue à l'art. 5 al. 1 LCR, à savoir qu'il
doit indiquer les limitations par des signaux ou des marques; ces signaux
et marques doivent correspondre à ceux qui ont été prévus par le Conseil
fédéral (art. 5 al. 3 LCR). Une interdiction générale de circuler doit
être annoncée par le signal No 201 (art. 16 OSR). Si un tel signal est
apposé, la circulation de tous les véhicules automobiles est interdite,
y compris celle des véhicules à chenilles. A défaut de signalisation,
l'interdiction décrétée par le canton n'est pas valable (SCHLEGEL/GIGER,
op.cit., ad art. 5 al. 1, p. 13).

    Quant à l'art. 3 al. 4 LCR, il concerne "d'autres limitations
ou prescriptions", c'est-à-dire des limitations ou prescriptions qui
n'entraînent pas une interdiction ou une restriction de la circulation
(art. 3 al. 3); au surplus, l'art. 5, concernant les signaux et les
marques, s'applique aussi à ces limitations ou prescriptions.

    Une route publique, même enneigée, reste une route, et un véhicule
apte à circuler sur la neige peut dès lors l'emprunter si l'interdiction
d'y circuler n'est pas signalée conformément à la loi. Certes, le Conseil
d'Etat a déclaré que les routes non ouvertes au trafic hivernal sont
"généralement interdites" par un signal No 201. Dans la mesure où elles
le sont, l'interdiction est valable; si le signal n'est pas apposé, elle
n'est pas valable. C'est donc à tort que le législateur vaudois entend,
par l'art. 2 al. 1 de la loi attaquée, interdire d'une façon toute générale
la circulation des véhicules automobiles à chenilles sur les routes et
chemins publics qui ne sont pas ouverts au trafic hivernal des autres
véhicules à moteur; en revanche, l'al. 2 du même article, qui réserve les
interdictions générales de circulation signalées conformément à l'OSR,
est parfaitement conforme à la loi fédérale.

    Il résulte de ces considérations que la loi attaquée viole le principe
de la force dérogatoire du droit fédéral dans la mesure où elle institue
une interdiction de circuler pour les véhicules à chenilles sur des routes
publiques sans que l'interdiction soit marquée par des signaux conformes
à l'OSR.

Erwägung 4

    4.- Le deuxième grief de la recourante consiste à dire que le canton
n'est pas compétent non plus pour édicter des prescriptions générales
applicables en dehors des routes carrossables, car le droit fédéral, soit
la LCR, régit la circulation non seulement sur les routes carrossables,
mais aussi sur des aires non carrossables, comme les trottoirs, les
cheminements pour piétons, les sentiers pédestres, les pistes, etc.;
sont en effet considérées comme "routes", au sens de la loi fédérale,
même les voies de communication utilisées par les piétons (art. 1er al. 1
OCR). Dès lors, dit la recourante, les interdictions de circuler sur ces
aires doivent aussi respecter les règles posées par le droit fédéral,
soit notamment l'art. 5 LCR sur les signaux et marques.

    a) Il est exact que la notion de "voie publique", telle qu'elle
résulte de l'art. 1er al. 1 OCR, est extrêmement large. Selon le message du
Conseil fédéral, "par voie publique il faut entendre tout terrain servant
à la circulation, y compris une place, un pont, un passage sous-voie,
etc.... Est publique une route que chacun peut utiliser. Il n'est pas
nécessaire qu'elle soit ouverte à toutes les catégories d'usagers; même
une piste cyclable est publique si n'importe quel cycliste a le droit
de l'utiliser" (FF 1955 II 9). Selon l'art. 1er OCR, "sont des routes
les voies de communication utilisées par des véhicules automobiles, des
véhicules sans moteur ou des piétons", et selon l'al. 2 du même article,
"sont publiques les routes qui ne servent pas exclusivement à l'usage
privé". La jurisprudence a confirmé qu'il suffit, pour que la loi fédérale
soit applicable, que la route, quel que soit son propriétaire, serve à
la circulation publique, conformément à l'art. 1er al. 2 OCR (RO 92 IV
11 et arrêts cités). C'est donc à juste titre que les instructions du
Département fédéral de justice et police du 14 février 1968 relatives
à l'admission de véhicules à chenilles et de luges remorquées relèvent
que "les pistes de ski, les chemins réservés aux luges et aux promeneurs
doivent être considérés comme des aires de circulation publiques" et que
lorsque des véhicules à moteur sont utilisés sur des terrains de ce genre,
la LCR est applicable (No 12a).

    b) Mais, selon l'art. 43 al. 1 LCR, les véhicules automobiles
ne peuvent emprunter les chemins qui ne se prêtent pas ou ne sont
manifestement pas destinés à leur circulation, par exemple les chemins
réservés aux piétons ou au tourisme pédestre. Il s'agit là d'une
interdiction résultant directement de la loi fédérale et pour l'observation
de laquelle il n'est pas nécessaire d'apposer des signaux d'interdiction
(art. 5 al. 1 et 2 LCR). Dans ses instructions susmentionnées, le
Département fédéral de justice et police rappelle cette interdiction,
en relevant cependant que l'interdiction ne s'applique pas aux véhicules
qui doivent circuler sur de tels chemins dans un but spécial, par exemple
pour aménager une piste de ski; la circulation de tels véhicules ne peut
néanmoins être autorisée que si des mesures de sécurité appropriées sont
prises. Lorsqu'une piste de ski emprunte certains tronçons d'un chemin
fréquenté par le public, les cantons peuvent interdire les véhicules à
moteur en vertu de l'art. 3 LCR (No 12b).

    En tant que l'art. 2 al. 1 de la loi attaquée s'applique aux chemins et
pistes dont il s'agit, il ne viole pas le principe de la force dérogatoire
du droit fédéral. Il ne fait que rappeler l'interdiction résultant de
ce droit. D'autre part, il appartient au canton, chargé d'exécuter la
loi fédérale (art. 106 al. 2 LCR), de prendre les mesures nécessaires
pour l'application des instructions du Département fédéral de justice
et police, notamment en ce qui concerne les autorisations spéciales de
circuler qu'il lui appartient de délivrer; les conditions des dérogations
ou autorisations sont prévues aux art. 3 et 4 de la loi attaquée.

    c) En revanche, les dispositions de la LCR ne s'appliquent pas aux
véhicules qui circulent exclusivement sur des terrains privés interdits
au public; il en est de même pour la circulation de véhicules dans
des endroits retirés et non fréquentés par le public. Dans de telles
régions, les cantons sont restés compétents en matière de circulation
des véhicules à moteur puisque le droit fédéral ne s'y applique pas
(instructions susmentionnées, No 12c). Ils peuvent donc, sans empiéter
sur le droit fédéral, édicter des interdictions de circuler, notamment
pour protéger la nature et sauvegarder la tranquillité. C'est dans ce
sens qu'ont été rédigés les art. 3 ss du modèle d'ordonnance de la CIC
(consid. 3b supra). Là aussi, l'apposition de signaux conformes à la
réglementation fédérale n'est donc pas nécessaire. Il est d'ailleurs
absurde de prétendre, comme paraît le faire la recourante, que toutes les
aires possibles de circulation de véhicules à chenilles devraient, pour
qu'une interdiction soit valable, être munies de signaux d'interdiction,
qui devraient dès lors couvrir toutes les régions de montagne!

Erwägung 7

    7.- En requérant l'annulation de la loi attaquée, la recourante demande
subsidiairement que le canton de Vaud soit invité à réserver le droit
fédéral et à modifier les dispositions critiquées par elle, ainsi qu'à
prévoir que le droit fédéral doit s'appliquer aux autorisations prévues
par la loi, enfin qu'il soit ordonné au canton de Vaud d'apposer des
signaux d'interdiction dans la mesure où il entend édicter des limitations
s'appliquant aux voies publiques.

    Sous réserve de cas exceptionnels dont les conditions ne sont pas
réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à
l'annulation de l'acte attaqué. Le Tribunal fédéral ne peut donc pas
ordonner au canton de Vaud d'apposer des signaux ni lui imposer d'autres
charges analogues. Il lui appartient seulement de statuer sur le point
de savoir si, et éventuellement dans quelle mesure, il y a lieu d'annuler
la loi qui lui est soumise.

    Or il a été constaté que le recours est bien fondé sur un point
seulement: l'art. 2 al. 1 de la loi attaquée viole le principe de la
force dérogatoire du droit fédéral en édictant l'interdiction qui y est
contenue sans prévoir que cette interdiction doit être dûment signalée
sur les routes publiques qui en sont frappées. Il suffit donc d'admettre
le recours dans cette mesure et d'annuler dans cette mesure également
l'art. 2 de la loi attaquée, ce qui signifie que l'interdiction faite aux
véhicules automobiles à chenilles de circuler sur les routes ouvertes en
général au trafic automobile n'est valable que si elle est dûment signalée,
conformément à l'art. 5 LCR.

    Ainsi l'art. 2 de la loi attaquée pourra continuer d'être appliqué,
mais seulement à la condition énoncée ci-dessus. Cependant, rien n'empêche
évidemment le législateur vaudois de revoir la rédaction de la disposition
en cause, pour l'harmoniser avec le présent arrêt.

Entscheid:

            Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Déclare le recours partiellement bien fondé, en ce sens que sur les
routes ouvertes en général aux véhicules automobiles, la circulation de
ces derniers, y compris les véhicules à chenilles, ne peut faire l'objet
d'une interdiction que si celle-ci est dûment signalée, conformément à
l'art. 5 LCR;

    2. Annule dans cette mesure l'art. 2 de la loi attaquée;

    3. Rejette le recours pour le surplus.