Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 101 IA 292



101 Ia 292

49. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 juin 1975 dans
la cause de Kalbermatten et consorts contre Cour de cassation pénale du
canton de Neuchâtel Regeste

    Art. 4 BV. Rechtliches Gehör.

    1. Der Anspruch, angehört zu werden, besteht in Strafsachen nicht nur
im Falle einer Bestrafung sondern ebenso, wenn eine Massnahme angeordnet
werden will, auch wenn diese - wie der Verfall von Zuwendungen an den
Staat - rein vermögensrechtlicher Natur ist.

    2. Wird die Verhängung einer Strafe oder Massnahme in Betracht gezogen,
mit der nur mittelbar, etwa auf Grund der allgemeinen Bestimmungen des
StGB, zu rechnen ist, so muss der Beschuldigte darauf aufmerksam gemacht
und ihm Gelegenheit zur Stellungnahme gegeben werden.

    3. Dies gilt ebensosehr, wenn die Ausfällung einer Strafe oder die
Anordnung einer Massnahme die vorgängige Feststellung tatsächlicher
Verhältnisse erfordert.

Sachverhalt

    A.- De Kalbermatten, Reichen et Heinis, tous trois médecins, ont été
renvoyés devant la Cour d'assises du canton de Neuchâtel sous l'inculpation
d'avortement par métier et d'usure. Par jugement du 14 juin 1974, ils ont
été libérés de la prévention d'usure, mais reconnus coupables d'avortement
par métier. Les deux premiers ont été condamnés à 18 mois d'emprisonnement,
et le troisième à 12 mois, tous avec sursis pendant 3 ans. En outre, et
bien que le Ministère public ne l'ait pas demandé, ils ont été condamnés,
en application de l'art. 59 CP, à verser au canton de Neuchâtel, à titre
de dévolution à l'Etat: le premier 70'000 fr., le second 50'000 fr. et
le troisième 30'000 fr.

    La Cour d'assises a retenu contre de Kalbermatten 150 cas d'avortements
tombant sous le coup de l'art. 119 CP, contre Reichen 110 cas, et contre
Heinis 75 cas. Tous, selon la Cour, concernaient des femmes en état de
détresse grave. Elle a dévolu à l'Etat, en application de l'art. 59 CP,
les honoraires touchés par les trois médecins, soit 500 fr. par cas,
dont elle a déduit un montant global pour tenir compte des soins donnés
à titre gratuit ou à prix réduit. La Cour a considéré qu'elle pouvait
ordonner cette dévolution, bien que la mesure n'ait pas été requise par
le Ministère public et bien qu'elle n'ait pas expressément donné à la
défense l'occasion de se prononcer sur ce point.

    B.- Les pourvois interjetés par les trois condamnés auprès de la
Cour de cassation du canton de Neuchâtel pour des motifs touchant tant
la procédure que le fond, et tirés notamment de l'arbitraire et de la
violation du droit d'être entendu, ont été rejetés le 12 février 1975.

    C.- Les trois condamnés forment un recours de droit public contre
l'arrêt de la Cour de cassation cantonale. Ils en demandent l'annulation,
ainsi que celle du jugement de la Cour d'assises.

    Le Ministère public du canton de Neuchâtel conclut au rejet du recours
dans la mesure où il est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Les recourants s'en prennent en premier lieu au fait que la
dévolution à l'Etat des dons et autres avantages qui ont servi ou qui
devaient servir à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction a
été ordonnée sur la base de l'art. 59 CP, sans que la Cour d'assises les
ait rendus attentifs à l'application possible de cette disposition. Ils
invoquent d'une part une violation arbitraire de l'art. 211 du code de
procédure pénale neuchâtelois (PP) et d'autre part une violation du droit
d'être entendu tel qu'il découle de l'art. 4 Cst.; ils reprochent à la
Cour de cassation cantonale d'avoir rejeté leurs griefs sur ce point.

    b) L'art. 211 PP a la teneur suivante à son al. 1: "Le tribunal n'est
pas lié par l'appréciation juridique des faits telle qu'elle est contenue
dans la décision de renvoi. Toutefois, le prévenu ne peut être condamné
en vertu d'autres dispositions légales que celles visées par la décision
de renvoi, sans avoir été rendu attentif à une modification éventuelle
de la qualification juridique des faits, afin qu'il ait l'occasion de
la discuter." Après l'al. 2 qui traite de la possibilité d'ajourner les
débats, l'al. 3 dispose qu'"il sera procédé de la même manière si des
circonstances aggravantes sont évoquées pour la première fois au cours
des débats". Quant au contenu de la décision de renvoi, l'art. 182 al. 2
PP précise que "les décisions statuant le renvoi devant un tribunal ne
contiennent que l'indication des faits auxquels la prévention est limitée,
ainsi que leur qualification légale".

    Il ressort à l'évidence de ces textes qu'ils concernent uniquement
la qualification juridique des actes reprochés aux accusés, c'est-à-dire
la définition légale sous laquelle ils paraissent tomber. Autrement dit,
la procédure de l'art. 211 PP ne s'applique, au vu de son texte clair,
qu'aux cas de modification de l'accusation. La répression, soit les peines
ou mesures applicables en cas de condamnation, ne sont pas visées ni même
évoquées par cette disposition. La cour cantonale n'a dès lors commis
aucun acte d'arbitraire en refusant d'appliquer par analogie l'art. 211
PP à la dévolution à l'Etat prévue à l'art. 59 CP; une semblable "autre
mesure" - comme la définit le Code pénal - ne constitue en effet ni une
qualification de l'infraction ni une circonstance aggravante précisant
la qualification de l'infraction.

    Le premier moyen des recourants est donc mal fondé.

    c) On doit relever et constater qu'aucune règle de droit cantonal
ne confère un droit particulier à l'accusé lorsque le juge envisage de
lui appliquer une mesure comme celle de la dévolution à l'Etat, visée
ici. Ainsi, faute de règles de droit cantonal, c'est bien de l'art. 4
Cst. et des règles de procédure qui en découlent directement que le droit
invoqué par les recourants devra le cas échéant être déduit (cf. RO 100 Ia
102 consid. 5a; 99 Ia 23 et arrêts cités; 96 I 21, 323; HAUSER, IN RPS 90
(1974) p. 241; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 179 CH 4).

    d) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les
parties ont, en matière civile et pénale, un droit tout à fait général
et inconditionnel à être entendues (RO 97 I 617; 96 I 21; 92 I 187 et
arrêts cités). Et, en matière pénale, ce droit doit être accordé non
seulement lorsque est envisagée une peine privative de liberté ou une
peine pécuniaire, mais également lorsque le juge envisage l'application
d'une mesure (RO 97 I 617/618), qu'elle soit même de nature purement
patrimoniale comme la dévolution à l'Etat de l'art. 59 CP (cf. HAUSER,
in RPS 90 (1974) p. 239/240).

    De ce droit constitutionnel d'être entendu, la jurisprudence a
déduit plusieurs prétentions, telles que le droit pour le justiciable
de s'expliquer avant qu'une décision ne soit rendue à son détriment,
celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le
sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à
l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer
à leur propos, celui de se faire représenter et assister et celui d'obtenir
une décision de la part de l'autorité compétente (RO 96 I 21, 22 et 323
et arrêts cités).

    Or, pour pouvoir exercer ces prétentions, le justiciable, et plus
particulièrement l'inculpé ou accusé en matière pénale, a le droit de
savoir non seulement de quoi il est accusé (RO 53 I 23), mais également
quelles sont les peines et mesures qui peuvent lui être appliquées. C'est
ce qui découle tout naturellement du principe posé par le Tribunal fédéral
dans l'arrêt Cherix et selon lequel "il va de soi que, dans un Etat fondé
sur le droit, l'inculpé a le droit d'être entendu et de présenter ses
objections, au sujet non seulement des actes punissables qui lui sont
reprochés, mais aussi des sanctions qu'envisagent les autorités pénales
(peines et mesures)" (RO 97 I 618).

    On doit cependant admettre que si, sur la base de l'inculpation,
de l'acte d'accusation ou de renvoi, des faits qui lui sont reprochés,
et du résultat de l'administration des preuves, l'inculpé doit compter
avec l'application d'une mesure ou d'une peine, il n'est pas nécessaire de
l'y rendre particulièrement attentif. Cela ressort également de l'arrêt
Cherix, où la mesure d'internement prise à l'égard de la recourante a
été considérée comme prise en violation du droit d'être entendu parce
qu'aucun des éléments de la cause dont la recourante avait connaissance ne
laissait prévoir qu'une telle mesure pouvait être appliquée ou envisagée,
à son égard.

    En l'espèce, il découlait de l'accusation d'avortement commis par
métier (art. 119 ch. 3 al. 1 CP) que les recourants risquaient une peine
de 3 ans de réclusion au moins. Le fait qu'ils n'en aient pas été avertis
n'était pas contraire au principe du droit d'être entendu.

    Il en va toutefois différemment lorsque le juge envisage d'appliquer
des peines ou des mesures qui n'entrent en considération que par le jeu de
dispositions légales autres que celles qui sont immédiatement en cause,
tirées notamment de la partie générale du Code pénal (art. 51 ss CP:
incapacité de revêtir une charge ou fonction officielle, déchéance
de la puissance paternelle, interdiction d'exercer une profession,
expulsion, etc.). Dans ce cas, l'accusé doit nécessairement être invité
à se déterminer expressément sur l'application de cette peine ou mesure,
sans égard au fait qu'elle constitue pour le juge une obligation ou une
simple faculté. L'autorité cantonale ne saurait se dispenser de cette
interpellation de l'accusé pour le motif qu'il bénéficierait des conseils
d'un défenseur. En effet, celui-ci ne saurait, pas plus que son client,
être tenu de faire valoir, à tout hasard, les arguments et moyens propres à
contester l'opportunité d'une peine ou mesure prévue dans une disposition
légale dont l'éventualité de l'application ne ressort pas directement de
l'acte d'accusation ou tout au moins des réquisitions du Ministère public.

    Ce principe vaut tout particulièrement lorsque le prononcé des
peines ou mesures en cause exige préalablement qu'il soit procédé à
des constations de fait particulières. L'accusé doit alors disposer
sans restriction de la possibilité d'intervenir dans l'instruction qui
porte sur ces points en apportant les preuves et les arguments qu'il
juge nécessaires. In casu, les recourants et leur défenseur n'ont pas eu
l'occasion de s'exprimer sur l'existence éventuelle de dons et d'autres
avantages au sens de l'art. 59 CP, qui auraient servi à les décider à
accomplir les infractions qui leur sont reprochées ou à les récompenser,
puisque l'autorité cantonale reconnaît expressément que, jusqu'à la clôture
des débats, l'application de l'art. 59 CP n'a pas été évoquée, même par le
Ministère public. A fortiori, ils n'ont pas pu participer à l'établissement
du montant de ces prestations, ni donner d'explications à ce sujet. Or il
s'agit là d'une question de fait capitale dont la solution exigeait une
instruction contradictoire assortie de l'administration de preuves. Sauf
impossibilité démontrée de procéder autrement, il ne suffisait nullement
à l'autorité cantonale de se livrer à une évaluation, même raisonnable,
voire inférieure vraisemblablement à la réalité. Le grief tiré par les
recourants du défaut d'être entendu est partant fondé sur ce point.