Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 II 98



100 II 98

18. Arrêt de la IIe Cour civile du 16 mai 1974 dans la cause Bersier et
consorts contre la succession de Marie Oberson. Regeste

    Art. 539 Abs. 2 ZGB

    1.  Die in Art. 539 Abs. 2 ZGB enthaltene Vorschrift findet sowohl
auf das Vennächtnis als auch auf die Erbeneinsetzung Anwendung.

    2.  Der Erblasser, welcher als Erben "die Aussätzigen" bezeichnet,
umschreibt den Kreis der Erben in genügender Weise.

Sachverhalt

    A.- Domiciliée de son vivant à Riaz/FR, Marie Oberson est décédée
le 5 janvier 1969 à l'Hôpital cantonal de Fribourg. Ses héritiers légaux
étaient son frère Louis et les cinq enfants de son frère Henri, prédécédé.

    Sa succession comprenait du mobilier, 240 000 fr. en chiffre rond de
papiers-valeurs et une maison à Riaz.

    Selon testament olographe du 1er août 1968 accompagné de trois
codicilles, Marie Oberson a fait une série de legs et prévu notamment ce
qui suit pour le solde de ses biens:

    "Ma maison sera vendue, non à mes neveux et nièces, non à des personnes
de Riaz, à un étranger.

    Je donne: le restant de mon argent pour les lépreux."

    La testatrice a institué le notaire Raymond Gumy, à Fribourg,
exécuteur testamentaire.

    B.- L'ouverture du testament a eu lieu le 8 février 1969 devant le
juge de paix du cercle de la Gruyère, à Bulle.

    Le 23 avril 1970, après l'échec d'une tentative de conciliation, Louis
Bersier, frère de la testatrice, et trois de ses neveux, soit Jean Bersier,
Paul Bersier et Suzanne Jungo ont ouvert action contre la succession
devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère. Ils ont
demandé au Tribunal de déclarer sans effets juridiques les deux clauses
par lesquelles Marie Oberson avait disposé que sa maison devait être
vendue à un étranger et que le reste de ses biens devait être donné aux
lépreux. En raison du décès de Louis Bersier, ce sont ses sept enfants
qui ont pris sa place au procès.

    Le Tribunal de la Gruyère a admis l'action le 1er octobre 1971.
Mais sur recours, le Tribunal cantonal de Fribourg l'a rejetée, par
jugement du 17 avril 1972.

    C.- Jean Bersier, Paul Bersier et Suzanne Jungo recourent en réforme
au Tribunal fédéral. Ils reprennent les conclusions formulées devant
l'instance cantonale.

    La succession de Marie Oberson, représentée par son exécuteur
testamentaire, propose le rejet du recours et subsidiairement conclut,
pour le cas où l'arrêt cantonal serait réformé, à ce que les recourants
soient condamnés, en tant qu'héritiers légaux, à exécuter eux-mêmes la
charge dont la succession est grevée, soit à utiliser le solde de la
fortune successorale, après délivrance des legs, en faveur des lépreux.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le canton de Fribourg a supprimé la réserve des frères et soeurs,
en application de l'art. 472 CC (art. 145 de la loi d'introduction
fribourgeoise au Code civil). Faute d'héritiers directs, la testatrice
était libre de disposer de tous ses biens par acte de dernières volontés.

    Dans son testament, feue Marie Oberson a disposé de tous ses biens
en faveur des lépreux, après paiement de divers legs. Elle a ainsi écarté
ses héritiers légaux. L'attribution de l'universalité ou d'une quote-part
d'une succession constitue une institution d'héritier (TUOR/SCHNYDER/JÄGGI
p. 355; TUOR n. 5, ESCHER n. 3 ad art. 483 CC; RO 56 II 14). "Les lépreux"
ont ainsi été institués héritiers de la testatrice - ce que les deux
parties admettent d'ailleurs.

Erwägung 2

    2.- Peuvent être héritiers et acquérir par testament ou pacte
successoral tous ceux qui, au moment du décès, soit au moment de
l'ouverture de la succession, ne sont pas légalement incapables de recevoir
(art. 537 al. 1 et 539 al. 1 CC). Selon ce principe, une personne morale
doit avoir la personnalité juridique à la date déterminante (art. 52
CC). Toutefois, l'art. 539 al. 2 CC prévoit une exception à cette
règle: les libéralités faites à un groupe de personnes qui n'ont pas la
personnalité civile peuvent, sous certaines conditions, être acquises
par ces personnes individuellement, ou constituées en fondation.

    En l'espèce, les bénéficiaires du testament constituent un groupe
d'individus. sans personnalité juridique. Ils ne peuvent ainsi recevoir
la succession que dans la mesure où les conditions de l'art. 539 al. 2
CC sont réalisées.

    a) Selon les recourants, l'art. 539 al. 2 CC ne peut s'appliquer aux
institutions d'héritiers.

    Lors de son élaboration, cet article n'a pas fait l'objet de
discussions parlementaires et il n'a subi aucune modification depuis son
adoption (premier avant-projet: art. 503; avantprojet: art. 556; projet
définitif: art. 540); mais rien ne permet de penser que le législateur
ait entendu dénier à un groupe de personnes la possibilité de recevoir
une libéralité pour cause de mort aussi bien sous la forme d'un legs que
d'une institution d'héritiers.

    b) Tant EUGENE HUBER dans son exposé des motifs (2e éd. I p. 421)
que les trois rapporteurs devant les Chambres fédérales, ont envisagé
la possibilité d'instituer héritiers un groupe de personnes dénué de
la personnalité juridique (Bull. stén. 1906 p. 250/251, 270 et 433). La
doctrine a soutenu la même opinion (ESCHER n. 10, TUOR/PICENONI n. 5 ad
art. 539 CC; BECK, Grundriss des schweizerischen Erbrechts p. 126; BECK,
FJS 773 p. 4; TUOR/SCHNYDER/JÄGGI p. 366; ROSSEL/MENTHA, 2e éd. II p. 128
no 1025; LAMPERT, Die kirchlichen Stiftungen, Anstalten und Körperschaften,
p. 147/48 et 185/86; KRAYENBÜHL, Etudes sur le legs, p. 193/94). La plupart
des exemples cités par la doctrine se réfèrent à des legs. Mais ce n'est
que l'expression du fait que le plus souvent une libéralité à un groupe
de personnes plus ou moins déterminé se fait sous la forme d'un legs et
non d'une institution d'héritiers. Cela ne signifie pas que cette dernière
possibilité soit exclue.

    c) Il ressort du libellé de l'art. 539 al. 1 ("Peuvent être
héritiers..."), de la note marginale de cet article dans sa version
allemande ("Voraussetzungen auf Seite des Erben"), ainsi que de la place
qu'occupe l'art. 539 CC dans le système de la loi, que le législateur n'a
pas entendu restreindre au seul legs la disposition de l'art. 539 al. 2
CC. Cet alinéa par le de "libéralité" (Zuwendung, liberalità). Mais cela
importe peu. La loi emploie le terme de libéralité à diverses reprises pour
désigner des actes qui constituent sans doute possible des institutions
d'héritiers (art. 484 al. 1; 503 al. 2; 520 al. 2, 522, 523 et 525 al. 2
CC); elle l'emploie même parfois au sens de donation entre vifs (art. 527
al. 1 et 532 CC).

    d) L'application de l'art. 539 al. 2 CC à l'institution d'héritiers
constitue une exception au principe de la succession universelle et
une brèche dans le système de la saisine, en particulier lorsque les
bénéficiaires ne peuvent être considérés d'emblée comme héritiers,
notamment parce que le cercle des intéressés est indéterminé. Dans un tel
cas, il n'y a pas, au moment de l'ouverture de la succession, d'héritier
susceptible d'être considéré comme un sujet de droit capable de se saisir
des créances et d'être personnellement tenu des dettes du défunt. Cette
dérogation au système de la saisine, introduite intentionnellement dans
la loi, n'est cependant pas unique. Les art. 493, 544 et 545 CC y font
également exception. Dans tous ces cas, avant de savoir qui sont les
héritiers, il faut les déterminer. Mais cela ne signifie pas qu'entre-temps
la succession reste une chose sans maître. L'effet de l'acquisition par
les héritiers institués remonte au jour du décès du disposant (art. 560
al. 3 CC), le cas échéant par l'intermédiaire de l'exécuteur testamentaire
désigné par le disposant.

    On doit ainsi admettre que Marie Oberson avait la faculté d'instituer
héritier un groupe de personnes ne disposant pas de la capacité juridique
au moment de l'ouverture de la succession.

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 539 al. 2 CC confirme le principe général selon lequel
toute disposition pour cause de mort doit être interprétée et appliquée
d'une manière aussi conforme que possible à la volonté présumable
du testateur. Toutefois, en raison du caractère éminemment personnel
des dispositions à cause de mort, la jurisprudence a dégagé un certain
nombre de conditions qui restreignent la portée de l'art. 539 al. 2 CC:
le cercle des bénéficiaires doit tout d'abord être déterminé de manière
suffisamment précise par le testateur lui-même (RO 81 II 31/32 consid. 8),
sans que celui-ci ait la possibilité de laisser à une tierce personne un
pouvoir de choix ou de décision en cette matière (RO 68 II 165/166).

    Ainsi, la clause enjoignant à l'exécuteur testamentaire d'utiliser
une libéralité successorale en faveur de "la formation de candidats à
la prêtrise catholique" a été considérée comme trop imprécise (RO 81 II
31/32). En effet, l'exécuteur testamentaire aurait dû dans ce cas opérer
un choix; il lui aurait appartenu de décider quels candidats il allait
favoriser ou à quelles organisations chargées de la formation des prêtres
catholiques il allait verser les biens successoraux.

    De même, le Tribunal fédéral n'a pas admis la validité de dispositions
pour cause de mort selon lesquelles un testateur avait attribué tous ses
biens à deux usufruitières, à charge pour elles de les transmettre, à leur
décès, soit à l'Ordre catholique du Sacré-Coeur en Alsace, soit en Suisse à
une institution destinée à héberger les prêtres catholiques-romains malades
ou âgés. Le choix entre ces deux solutions incombait aux usufruitières
(RO 68 II 161 et ss.). Bien que dans ce cas les bénéficiaires aient été
déterminés, l'existence de la latitude et du pouvoir de décision laissé à
des tiers par le testateur a également été considérée comme inconciliable
avec le caractère éminemment personnel du droit de disposer de ses biens
pour cause de mort.

    b) En l'espèce, Marie Oberson a testé en faveur des lépreux. Le
caractère général de cette clause permet d'admettre qu'elle n'a pas
entendu faire de distinctions en fonction du temps ou du lieu. Elle a
disposé de ses biens en faveur de toutes les personnes qui présentent la
caractéristique commune d'être atteintes par la maladie de la lèpre.

    L'art. 539 al. 2 CC prévoit que les libéralités faites dans un but
déterminé à un groupe de personnes sont soit acquises à ces personnes
individuellement, à charge de les utiliser au but prescrit, soit
constituées en fondation. La doctrine et la jurisprudence admettent,
sur ce dernier point, que les biens peuvent être constitués en fondation,
ou attribués à une fondation, organisation ou corporation de droit public
déjà existante, pourvu qu'elle poursuive le but visé par le testateur
(ESCHER n. 6, TUOR/PICENONI n. 8 et 9 ad art. 539; TUOR/SCHNYDER/JÄGGI
p. 366; KRAYENBÜHL p. 150/51 et 194; BECK p. 126 et FJS 773 p. 4;
LAMPERT p. 185/86; arrêt non publié du 23 août 1973 dans la cause Hoirs
Schmon/Thürlimann et cons., consid. 9).

    Il n'est pas concevable de partager la fortune de Marie Oberson entre
les lépreux pris individuellement. En revanche, le but visé peut être
atteint par la constitution d'une fondation nouvelle composée du capital
net de l'héritage: les revenus de ce capital pourront alors être attribués
à une institution qui s'occupe de l'aide aux lépreux. Le but recherché
par Marie Oberson peut aussi être atteint par l'attribution de tout le
capital à l'une de ces institutions. L'autorité cantonale a constaté que
deux organisations peuvent entrer en ligne de compte: Emmaüs-Suisse et
l'Ordre souverain de Malte. Quelle que soit la solution adoptée, le but
visé par la testatrice sera ainsi atteint.

    Dans la plupart des cas de libéralités faites dans un but déterminé à
un groupe de personnes dénuées de personnalité juridique, il appartient
à un tiers, soit aux instances chargées d'assurer l'application des
dispositions de dernières volontés du testateur, d'opérer un choix entre
différentes modalités d'attribution possible. Ce pouvoir de choix est
inhérent au système de l'art. 539 al. 2 CC. Il est légitime dans la
mesure où le testateur a déterminé les bénéficiaires d'une manière
suffisamment précise pour que l'autorité n'ait pas de doute sur la
personne des bénéficiaires, mais doive uniquement décider quelle est
la solution la plus pratique et qui permet le mieux de réaliser le but
poursuivi. L'intervention des tiers doit ainsi se limiter à des mesures
d'exécution. En l'espèce, il s'agit d'un cas limite, mais il semble
possible de trouver une solution qui permette de faire bénéficier les
lépreux en général de la succession qui leur est échue. Le cercle des
personnes intéressées est ainsi suffisamment déterminé pour que l'autorité
compétente n'ait plus qu'à fixer la manière dont ce but sera atteint. On
ne peut ainsi faire le reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé le
droit fédéral.

Erwägung 4

    4.- Il n'appartient pas au juge, dans le cas particulier, de décider
quelle est la solution d'attribution la plus opportune. Dans le canton
de Fribourg, les libéralités faites dans un but déterminé à un groupe de
personnes sans personnalité juridique doivent être annoncées au Conseil
d'Etat par le notaire qui a établi l'acte de dernières volontés ou a
collaboré à l'ouverture du testament (art. 156 de la loi fribourgeoise
d'introduction au Code civil). Il appartiendra à cette autorité de décider
quelle est la solution permettant de réaliser le mieux possible les voeux
de Marie Oberson.

Erwägung 5

    5.- Marie Oberson a prévu que sa maison de Riaz devrait être
vendue à une personne étrangère à sa famille. Les recourants concluent
à l'inefficacité de cette disposition. Cependant, il paraît ressortir
de l'acte de recours que cette conclusion devient sans objet dans la
mesure où les lépreux sont reconnus héritiers institués de Marie Oberson
à l'exclusion des recourants.

    Quoi qu'il en soit, il ne fait pas de doute que la testatrice était
légitimée à décider que sa maison ne pourrait être vendue à certaines
personnes déterminées. Il s'agit d'une règle de partage au sens de
l'art. 608 CC, qui ne pourrait être attaquée que si elle est dépourvue de
sens, vexatoire, irréalisable, contraire à la loi ou aux bonnes moeurs
(TUOR n. 16 ad art. 518 CC; TUOR/PICENONI n. 9 ad art. 608 CC; ESCHER
n. 10 et 17 ad art. 518, n. 3 ad. art. 608 CC). Tel n'est pas le cas.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.