Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IB 459



100 Ib 459

76. Extrait de l'arrêt du 11 octobre 1974 dans la cause Division fédérale
de justice contre Sofindex Anstalt et Conseil d'Etat du canton du Valais.
Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Beschränkung des
Veräusserungsrechts. Wiederverkaufan Personen in der Schweiz.

    1.  Eine das Veräusserungsrecht beschränkende Auflage, an welche
die Bewilligung für den Erwerb eines Grundstücks geknüpft worden ist,
kann nicht allein deshalb widerrufen werden, weil das Objekt an eine in
der Schweiz domizilierte Person weiterverkauft werden soll (Erw. 3 a).

    2.  Zulässigkeit eines zeitlich beschränkten Verbots des
Wiederverkaufs, das die Spekulation verhindern soll (Erw. 3 b).

    3.  Fall des Wiederverkaufs einer Parzelle, von der nur ein
Miteigentumsanteil mit einer Beschränkung des Veräusserungsrechts belastet
ist (Erw. 3 c).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- La société financière "Sofindex Anstalt" à Vaduz, fondée le 24
mars 1961 et dont l'unique actionnaire est le ressortissant français
R. Bouillant, domicilié en France, a acquis une part de copropriété
équivalant à quatre sixièmes des parcelles nos 11 116 (de 653 m2), 11 120
(de 6395 m2) et 11 187 (de 870 m2), sises sur le territoire de la commune
de Martigny.

    Par contrat de vente du 25 octobre 1969, elle a acquis des deux
autres copropriétaires leur part respective - d'un sixième chacune -
des parcelles en cause, de sorte qu'elle est devenue propriétaire unique
de la totalité de ces trois parcelles. Cette dernière acquisition était
soumise à autorisation en vertu de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961
"instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par
des personnes domiciliées à l'étranger" (en abrégé: l'arrêté fédéral ou
AF 1961). L'autorisation a été accordée le 6 décembre 1969 par le Service
juridique du registre foncier du canton du Valais, mais subordonnée à
une restriction du droit d'aliéner pendant dix ans; cette restriction a
été mentionnée comme charge au registre foncier.

    B.- Le 11 mars 1974, la Société a demandé au Service juridique du
registre foncier de révoquer la charge qui grevait la parcelle 11 187,
afin qu'elle puisse vendre cette parcelle à Guido Ribordy, domicilié à
Martigny, et à Ferdinand de Torrenté, domicilié à Epalinges. Elle exposait
notamment qu'elle devrait céder plus de la moitié de cette parcelle en
vue de la construction d'une route projetée par la commune et que le
solde ne serait plus utilisable pour elle.

    Le chef du Service juridique du registre foncier à Sion a rejeté
la demande par décision du 27 mars 1974. Saisi d'un recours contre
cette décision, le Conseil d'Etat l'a admis le 22 mai 1974, en retenant
notamment que l'arrêté fédéral sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes domiciliées à l'étranger n'a pas voulu limiter l'acquisition
d'immeubles par des personnes domiciliées en Suisse.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, la
Division de la justice du Département fédéral de justice et police
conclut à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat et au refus de
la radiation de la charge. Elle conteste que soient réalisées en l'espèce
les conditions auxquelles la révocation d'une charge est possible en vertu
de l'art. 17 al. 4 de l'"ordonnance du Conseil fédéral sur l'acquisition
d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger" du 21 décembre
1973 (en abrégé: OCF 1973), fondée sur l'art. 34 de l'arrêté fédéral,
dans sa teneur du 21 mars 1973 (en abrégé: AF 1973).

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 3

    3.- a) Le Conseil d'Etat estime que la charge devrait être révoquée
pour cette raison déjà que l'immeuble est vendu à des citoyens suisses
domiciliés en Suisse; il se réfère à ce propos au Message du Conseil
fédéral aux Chambres (du 15 novembre 1960, FF 1960 II 1253 ss.), dans
lequel il est précisé que "l'aliénation à des personnes se trouvant en
Suisse reste libre" (p. 1270).

    Il est vrai que l'acquisition d'un immeuble par une personne
domiciliée en Suisse n'est pas soumise en tant que telle à autorisation,
même si l'immeuble à aliéner est la propriété d'une personne domiciliée
à l'étranger. Mais ce n'est pas l'acquisition elle-même de l'immeuble de
Sofindex par Guido Ribordy et Ferdinand de Torrenté qui fait directement
l'objet du présent litige, c'est uniquement la révocation de la charge
à laquelle avait été subordonnée, en 1969, l'autorisation donnée à
Sofindex d'acquérir les deux quotes-parts d'un sixième qui appartenaient
auparavant à d'autres personnes. Si souhaitable que puisse être le retour
d'immeubles en mains suisses, il ne suffit pourtant pas à lui seul à
justifier la révocation d'une charge à laquelle l'acquisition antérieure
a été subordonnée.

    En effet, la charge vise à assurer l'affectation de l'immeuble au
but indiqué par l'acquéreur (art. 8 AF 1973, 17 al. 2 OCF 1973). Si les
dispositions en vigueur lors de l'acquisition de 1969 ne précisaient
pas le but auquel pouvaient tendre les conditions et charges prévues à
l'art. 6 al. 4 AF 1961, il est évident que ces dernières devaient déjà
servir à assurer le caractère sérieux et durable de l'intérêt légitime
allégué par le requérant et admis par l'autorité compétente pour justifier
l'octroi de l'autorisation. Ainsi, lesdites conditions et charges doivent
être maintenues sans égard à la personne de l'acquéreur. Vouloir en faire
abstraction simplement parce que la revente des immeubles va se faire à
une personne domiciliée en Suisse, ce serait affaiblir considérablement
l'exigence de l'intérêt légitime posée par l'art. 6 AF 1973, rendre
sensiblement plus difficile la tâche de l'autorité chargée de s'assurer
de l'existence d'un tel intérêt et priver finalement le régime de
l'autorisation d'une bonne partie de son efficacité.

    En l'espèce, le but poursuivi par l'acquéreur n'est pas indiqué
dans la décision d'autorisation du 6 décembre 1969, rédigée sur formule
imprimée. Ce but ressort en revanche d'une autre pièce du dossier: la
déclaration du 25 novembre 1969 adressée au chef du Service juridique du
registre foncier à Sion par l'administrateur de la Société, qui précise que
le ressortissant français R. Bouillant, domicilié en France, est le seul
actionnaire de Sofindex Anstalt et que, "en rapport avec cette acquisition
de terrains à Martigny, il a l'intention de s'établir en Suisse dès que les
circonstances le permettront". Ainsi la charge à laquelle l'autorisation
du 6 décembre 1969 a été subordonnée était destinée à assurer l'affectation
précitée. Le bénéficiaire de l'autorisation a accepté cette charge; il n'a
pas prétendu qu'elle eût été matériellement injustifiée, ce qui lui aurait
permis de l'attaquer par voie de recours (cf. RNRF 1963 p. 46). Il a donc
implicitement accepté l'engagement de ne pas revendre pendant dix ans les
terrains acquis en 1969. Aussi ne saurait-il se plaindre aujourd'hui du
maintien de cette charge, alors même que c'est à des personnes domiciliées
en Suisse qu'il envisage de revendre la parcelle 11 187.

    b) Le Conseil d'Etat prétend encore déduire du Message du Conseil
fédéral qu'une charge destinée à lutter contre la spéculation foncière
sortirait du cadre de l'arrêté fédéral et qu'elle manquerait de base
constitutionnelle, l'art. 64 al. 2 Cst. invoqué dans le préambule de
l'arrêté fédéral ne permettant pas à la Confédération de prendre des
mesures destinées à lutter contre la spéculation foncière.

    Il est vrai que le but premier visé par l'arrêté fédéral du 23
mars 1961 est d'empêcher l'accaparement incontrôlé du sol suisse par des
étrangers; mais il est évident qu'en subordonnant l'autorisation d'acquérir
à l'existence d'un intérêt légitime, l'arrêté fédéral entend empêcher
notamment les acquisitions motivées par une intention de spéculation,
laquelle ne saurait être reconnue comme un intérêt légitime. La
préoccupation de freiner indirectement la spéculation foncière se
manifeste d'ailleurs aussi bien dans le Message du Conseil fédéral (FF
1960 II 1260, 1275) que dans les délibérations des Chambres fédérales
(cf. notamment Bull. stén. 1960, CN p. 716, 718, 719, 724). Ainsi le
Conseil fédéral avait prévu, à l'art. 6 du projet, que l'approbation devait
être refusée lorsque l'aliénateur ou l'acquéreur agissait à des fins de
spéculation (al. 2 lettre a). Si les Chambres fédérales n'ont pas repris
cette formule, ce n'est pas parce qu'elles voulaient exclure des mesures
tendant à lutter contre la spéculation foncière, mais essentiellement pour
des considérations touchant à la répartition du fardeau de la preuve:
la formule retenue par elles à l'art. 6 al. 1 lettre a impose en effet
au requérant lui-même d'apporter la preuve d'un intérêt légitime apte à
justifier l'acquisition envisagée, alors que, selon l'art. 6 al. 2 lettre
a du projet, il appartenait en fait à l'autorité d'établir qu'il y avait
intention spéculative (cf. en particulier la déclaration du rapporteur
Stadlin au Conseil national, Bull. stén. 1960 CN p. 761).

    La jurisprudence de la Commission fédérale de recours, publiée en
partie dans la Revue suisse du notariat et du registre foncier (en abrégé:
RNRF), a également relevé à plusieurs reprises que des acquisitions à
caractère spéculatif ne pouvaient être considérées comme présentant un
intérêt légitime au sens de l'art. 6 al. 2 lettre a de l'arrêté fédéral
de 1961, pas plus d'ailleurs que l'intention d'effectuer un placement sûr
(cf. notamment RNRF 1962 p. 93, 145).

    On ne saurait donc retenir, comme le Conseil d'Etat prétend pouvoir
le faire, qu'une charge consistant en une interdiction de revendre
pendant un certain temps serait contraire à l'esprit de l'arrêté fédéral,
parce qu'elle aurait pour but d'exclure une intention de spéculation chez
l'acquéreur. La constitution de ladite charge était tout à fait admissible;
elle apparaît même comme parfaitement justifiée dans le cas d'espèce. Aussi
bien Sofindex l'a-t-elle acceptée à l'époque et considérée implicitement
comme matériellement justifiée, sans quoi elle aurait pu recourir contre
la décision qui l'imposait (cf. RNRF 1963 p. 46).

    c) Dans sa réponse au recours de droit administratif, Sofindex conteste
que la charge imposée en 1969 aux deux sixèmes de la parcelle 11 187 soit
indivisible, comme le prétend la recourante.

    Il est exact que la charge ne grève que la quote-part de deux sixièmes
acquise en 1969, alors que la quote-part de quatre sixièmes en est franche
et pourrait être vendue à des Suisses, sans qu'une autorisation soit
nécessaire. Il n'en reste pas moins que la charge n'est divisible que
mathématiquement, en ce sens qu'elle ne grève qu'une quote-part idéale de
deux sixièmes de la parcelle; mais elle n'est pas divisible matériellement,
en ce sens qu'elle ne peut pas être localisée à un endroit déterminé de
la parcelle, par exemple sur sa partie nord-ouest. Même la vente de la
quote-part de quatre sixièmes, franche de charge, ne changerait rien à
la situation. C'est éventuellement dans une procédure de dissolution et
de partage de la copropriété qu'une telle localisation pourrait se faire.

    Mais il n'y a pas lieu d'examiner plus à fond cette question, car c'est
la parcelle totale qui fait l'objet du contrat de vente du 7 mars 1974;
et comme une part idéale de cette parcelle est frappée d'une interdiction
de revente pendant dix ans, la vente de la parcelle entière ne peut avoir
lieu que si ladite charge est préalablement révoquée.