Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IB 375



100 Ib 375

67. Extrait de l'arrêt du 8 novembre 1974 dans la cause Groupement des
cinémas genevois contre Cinébref SA et Tribunal administratif du canton
de Genève Regeste

    Eröffnung eines Kinotheaters. Art. 18 BG über das Filmwesen vom
28. September 1962.

    1.  Ist an einem bestimmten Ort die Zahl der in Kinotheatern dem
Publikum zur Verfügung stehenden Plätze übersetzt, so ist die Eröffnung
eines neuen Vorführungsbetriebes grundsätzlich nicht zu bewilligen
(Erw. 3).

    2.  In welchem Masse und unter welchen Voraussetzungen überwiegen
die Vorteile kultureller Natur, die nach Auffassung der Behörden von
der Eröffnung eines neuen Kinotheaters zu erwarten sind, gegenüber
den Nachteilen, die sich aus der vermehrten Vorführung von Filmen
mittelmässiger Qualität ergeben? (Erw. 4 und 5.)

Sachverhalt

    La société Cinébref SA a exploité, jusqu'au 30 septembre 1967, à
l'enseigne "Cinébref", un cinéma d'actualités et de courts métrages. Le
24 avril 1969, elle a adressé au Départe ment de justice et police du
canton de Genève une requête tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter
dans de nouveaux locaux un cinéma destiné à la projection de films de long
métrage, sans restrictions. Cette requête a été rejetée par le Département
de justice et police le 1er septembre 1969.

    Le 20 mars 1970, Cinébref SA a demandé à nouveau à ce département
l'autorisation d'ouvrir un cinéma destiné à la projection de films de
long métrage. La requérante indiquait qu'elle désirait consacrer toute
son activité à la promotion d'un cinéma d'essais qui permette de montrer
au public des films de haute qualité, sans poursuivre comme seul objectif
la réalisation d'un profit commercial maximum. Elle précisait en outre
qu'elle était entrée en contact avec le Département de l'instruction
publique, entendant collaborer avec les autorités en vue de l'éducation
cinématographique de la jeunesse. Des pourparlers se sont alors engagés
entre la société et le Département de l'instruction publique. Ils ont
abouti à la signature, le 25 octobre 1972, d'un protocole d'accord. Sous
chiffre I, celui-ci prévoit l'institution d'une collaboration entre le
Département de l'instruction publique et Cinébref SA Sous chiffre II,
"il est convenu qu'un certain pourcentage de films d'art et d'essai
seront projetés dans la salle nouvelle au cours de la période scolaire
(période de vacances exclue). Le nombre des films d'art et d'essai
devant être projetés sera établi en collaboration entre le Département
et Cinébref. Il est cependant prévu que, pendant lesdites périodes,
le pourcentage des films d'art et d'essai ne pourra dépasser le 40%
de l'ensemble des films projetés". Sous chiffres IV et V, le protocole
détermine les avantages qui seront accordés aux élèves des écoles du canton
de Genève pour assister à la projection de films d'art et d'essai ainsi
que, de façon plus générale, pour les films qui seront projetés le jeudi,
après-midi et soir. Par lettre du 15 mai 1973, Cinébref SA a précisé, à la
demande du Département de justice et police, que le pourcentage de films
d'art et d'essai sera fixé sur la base du métrage de pellicules projetées.

    Par arrêté du 15 août 1973, le Département de justice et police a
autorisé Cinébref SA à ouvrir une salle de cinématographe, notamment à
la condition suivante:

    "La programmation sera conforme au protocole d'accord passé le 25
octobre 1972 avec le Département de l'instruction publique en ce sens
qu'elle réservera un pourcentage de 40% au minimum aux films d'art et
d'essai par rapport à l'ensemble des films projetés, pourcentage calculé
sur la base des mètres de pellicule."

    Cette décision, qui n'était pas motivée alors que l'arrêté du 1er
septembre l'avait été, fut communiquée notamment au Groupement des cinémas
genevois et à l'Association genevoise des distributeurs de films, qui
avaient tous deux donné des préavis négatifs. Le recours formé par le
Groupement des cinémas genevois contre l'arrêté du 15 août 1973 auprès
du Tribunal administratif du canton de Genève a été rejeté.

    Le Groupement des cinémas genevois requiert le Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt rendu par le Tribunal administratif.

    Le Tribunal fédéral a transmis le recours pour observations à
l'Association cinématographique suisse romande, à l'Association suisse
des distributeurs de films et au Département fédéral de l'intérieur.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 27ter Cst., la Confédération peut légiférer notamment
en vue de "réglementer l'importation et la distribution des films,
ainsi que l'ouverture et la transformation d'entreprises de projection
de films; à cet effet, elle peut au besoin, dans l'intérêt général de la
culture ou de l'Etat, déroger au principe de la liberté du commerce et de
l'industrie". C'est sur la base de cette disposition constitutionnelle qu'a
été édictée la loi sur le cinéma du 28 septembre 1962, dont l'art. 18 al. 2
prévoit que les décisions concernant les demandes d'autorisation seront
prises en fonction des intérêts généraux de la culture et de l'Etat et
précise en outre que "la concurrence faite à des entreprises existantes
ne peut pas, à elle seule, justifier le refus d'une autorisation".

    a) On peut constater que le texte légal donne une interprétation
quelque peu extensive du principe constitutionnel. Tandis que, selon ce
dernier, la législation pourra au besoin déroger au principe de la liberté
du commerce et de l'industrie, dans l'intérêt général de la culture ou de
l'Etat, la loi oblige l'autorité à statuer sur une demande d'autorisation
en fonction des intérêts généraux de la culture et de l'Etat. Le texte
constitutionnel ne semble ainsi admettre une dérogation au principe de
la liberté du commerce et de l'industrie qu'à titre exceptionnel; tel
serait le cas lorsqu'il apparaîtrait manifestement que l'ouverture d'une
entreprise de projection de films irait à l'encontre des intérêts de la
culture et de l'Etat. Le texte légal paraît faire de l'exigence d'une
certaine conformité avec ces mêmes intérêts une condition nécessaire de
l'admission de la demande d'autorisation.

    En se fondant sur le texte de la loi, le recourant soutient que
l'autorisation accordée l'a été contrairement à l'art. 18 al. 2 LC,
du seul fait déjà qu'en augmentant le nombre des places de cinéma à
disposition de la population genevoise, elle ne pourra avoir pour effet
qu'une baisse de la qualité moyenne des films projetés. La société intimée,
qui constate que le niveau général des films est à Genève si médiocre
qu'il paraît impossible de l'abaisser encore, relève que les engagements
qu'elle a pris envers le Département de l'instruction publique permettent
de penser que son activité contribuera à une élévation du niveau moyen
des films projetés.

    b) Dans son Message accompagnant le projet de la loi sur le cinéma, le
Conseil fédéral relevait qu'il importait désormais que les autorisations
d'ouverture ou de transformation d'entreprises de projection de films
soient accordées exclusivement d'après les critères culturels et de police,
et non pas seulement en fonction de considérations économiques, ainsi
que cela était le cas dans le système jusqu'alors en vigueur (FF 1961
II, p. 1057). On ne pouvait toutefois pas ignorer que, dans le domaine
du cinéma, les aspects culturels et économiques sont très étroitement
liés. En particulier, la situation économique menacée d'une entreprise
peut inciter les responsables à ne plus considérer les intérêts généraux
et notamment le bien de la jeunesse, mais uniquement les possibilités de
gain. Il a été par ailleurs constaté que lorsque, dans un milieu donné,
l'offre des places de cinéma atteint un certain niveau, l'ouverture de
nouvelles salles ne peut qu'entraîner un nivellement par le bas de la
qualité des projections cinématographiques. La doctrine souligne qu'un tel
effet est manifestement contraire aux intérêts généraux de la culture et de
l'Etat (BIRCHMEIER, Kommentar zum Eidgenössischen Filmgesetz, ad art. 18,
p. 114/115; KERN, Die Bewilligungspflicht für Betriebe der Filmvorführung,
RSJ 1963, p. 34/35). Le Département genevois de justice et police, dans
son arrêté du 1er septembre 1969, avait fait sienne cette opinion, en se
référant d'ailleurs à des décisions dans le même sens de la Commission
fédérale de recours en matière de cinéma, autorité supérieure de recours,
avant que cette compétence ne soit donnée, dès le 1er octobre 1969,
au Tribunal fédéral.

    Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu à se prononcer sur cette
question. Il a toutefois déclaré, dans son arrêt publié au RO 99 Ib 457 et
qui a trait au contingentement des films, que "du point de vue de l'intérêt
de la culture, la réglementation fédérale doit contribuer à éviter une
baisse de la qualité des films". Il paraît opportun de faire application
du même critère dans l'interprétation de l'art. 18 al. 2 LC et d'admettre
ainsi qu'il est justifié en principe de refuser une autorisation lorsque,
dans un lieu donné, l'offre de places de cinéma est à ce point importante
qu'une augmentation des places à disposition de la population ne peut
que conduire à une concurrence accrue, voire désordonnée, provoquant de
ce fait une baisse de la qualité moyenne des films projetés. Une telle
interprétation de l'art. 18 al. 2 LC n'est pas contraire à l'exigence
selon laquelle "la concurrence faite à des entreprises existantes ne peut
pas à elle seule justifier le refus d'autorisation". Car ce n'est pas la
concurrence accrue comme telle qui motive le refus, mais l'abaissement
du niveau moyen des films projetés.

    On ne saurait toutefois prétendre que l'augmentation de l'offre des
places explique à elle seule la dégradation du niveau des spectacles
cinématographiques. Dans sa réponse au recours, l'Association
cinématographique Suisse romande relève d'ailleurs que la qualité des
films projetés à Genève ces dernières années a baissé, bien qu'il n'y
ait pas eu d'ouverture de nouvelles salles; ce phénomène s'expliquerait
notamment par le fait que le nombre décroissant des spectateurs oblige
les cinémas à changer de programme plus souvent qu'autrefois, alors que
le nombre des films à disposition de l'exploitant pour l'établissement
de sa programmation est en diminution. Il faut donc admettre qu'une
autorisation peut être accordée conformément à l'art. 18 al. 2 LC dans
une localité où l'offre des places de cinéma est déjà trop importante,
lorsque les circonstances du cas permettent de penser que l'activité
déployée par l'entreprise requérante se déroulera dans des conditions
telles qu'elle contribuera à la promotion d'un cinéma de qualité.

    c) Les données statistiques concernant le nombre des places de cinéma
à disposition de la population genevoise (75 pour 1000 habitants selon la
décision prise le 1er septembre par le Département de justice et police)
ne sont pas contestées. Il est également admis que l'offre des places de
cinéma excède la demande. Les conditions du marché existant dans la ville
de Genève mettent donc obstacle en principe à l'ouverture d'une nouvelle
salle. Il reste dès lors à examiner si les avantages d'ordre culturel que
les autorités attendent de l'ouverture de la salle exploitée par Cinébref
SA, tenue de projeter un certain pourcentage de films d'art et d'essai,
l'emportent sur les inconvénients qui pourront résulter de l'accroissement
des films de long métrage de qualité médiocre qui seront projetés à Genève.

Erwägung 4

    4.- Le Département de l'instruction publique désire voir s'ouvrir à
Genève une salle qui projettera des films de qualité, propres à former le
goût cinématographique du public et spécialement de la jeunesse. Un tel
désir va incontestablement dans le sens d'une sauvegarde des intérêts de la
culture et de l'Etat. L'art. 6 LC dispose d'ailleurs que la Confédération
peut subventionner des institutions, organismes et manifestations
encourageant la culture et surtout l'éducation cinématographiques. Or
c'est bien dans le but de favoriser une telle éducation chez les élèves
des écoles que le Département de l'instruction publique a donné un préavis
favorable à l'octroi de l'autorisation sollicitée par Cinébref SA

    Le recourant conteste toutefois que les dispositions prises par ce
département soient de nature à assurer la réalisation de cet objectif de
manière satisfaisante. Ce grief apparaît fondé.

    a) Il faut tout d'abord relever l'insuffisance des termes de
l'arrêté du 15 août 1973. L'autorité cantonale a pris sa décision "vu les
renseignements recueillis" et "vu l'échange de correspondance relatif à
l'emplacement, au nombre des places, á la programmation et aux personnes
chargées de la direction de cette salle". S'il est vrai que le Département
de justice et police n'était pas légalement tenu de motiver sa décision,
il s'imposait, dans le cas particulier, de donner des indications plus
explicites sur les motifs qui l'avaient amené à changer d'avis. La seule
référence au protocole d'accord suffisait d'autant moins à cet égard que
cette convention avait été critiquée par les opposants, le Groupement des
cinémas genevois et l'Association genevoise des distributeurs de films. Les
critiques étaient suffisamment sérieuses pour qu'elles méritent réfutation.

    b) L'objection principale des opposants et, dans le cadre du présent
recours, du Groupement des cinémas genevois porte sur le caractère
fallacieux du critère adopté pour la fixation du pourcentage de 40%
au minimum qui sera réservé aux films d'art et d'essai, les heures
de projection usuelles restant, exclusivement ou presque, réservées
à la projection des films courants de long métrage. L'Association
cinématographique Suisse romande et le Département fédéral de l'intérieur
se sont joints à ces critiques dans leurs observations au recours. Or
il faut constater que cette importante objection n'a été sérieusement
réfutée ni par le Département, ni par le Tribunal administratif.

    On doit relever en outre que l'arrêté du 15 août 1973, qui se
réfère au protocole d'accord, dispose que la programmation "réservera
un pourcentage de 40% au minimum aux films d'art et d'essai", alors que,
selon le protocole, "le pourcentage des films d'art et d'essai ne pourra
pas dépasser, pendant la période scolaire, le 40% de l'ensemble des
films projetés". Il y a là une évidente contradiction ou, pour le moins,
des obscurités qui laissent à penser que l'application de la décision
attaquée pourrait donner lieu à de multiples difficultés.

    c) Il faut constater enfin que le protocole du 25 octobre 1972 n'impose
à Cinébref SA que fort peu d'obligations: tarif réduit accordé aux élèves
accompagnés de leurs maîtres pour les films d'art et d'essai (ch. IV);
séances à bas prix le matin sur la demande du Département de l'instruction
publique; réduction de 50% aux élèves des écoles (pour tous les films)
le jeudi après-midi, éventuellement le soir (ch. V); séances spéciales
le jeudi matin ou le samedi matin (ch. VI).

    Les dispositions prises en l'espèce ne paraissent ainsi pas être
suffisantes, ou du moins suffisamment bien définies, pour que l'on puisse
admettre que l'exploitation de Cinébref SA, sous sa forme nouvelle,
contribuera à rehausser le niveau du cinéma par la projection de films
d'art et d'essai. Il y a donc lieu d'admettre le recours et d'annuler la
décision attaquée.

Erwägung 5

    5.- Le recourant conclut à ce que le Tribunal fédéral dise que
l'autorisation d'ouvrir et d'exploiter une nouvelle salle cinématographique
doit être refusée à Cinébref SA Cette conclusion est recevable (art. 114
al. 2 OJ). Elle doit toutefois être rejetée. Ainsi que cela a été dit
plus haut, le voeu des autorités genevoises de promouvoir l'ouverture
d'une salle de cinéma qui donnerait la garantie de présenter de façon
satisfaisante, tant du point de vue du métrage que du point de vue durée
et heures de projection, une proportion intéressante de films d'art et
d'essai, est digne d'intérêt. Il est opportun, dans les circonstances
de l'affaire, de renvoyer le dossier au Département de justice et police
pour que, s'il l'estime possible, il reprenne avec la société intimée
l'examen de la requête du 20 mars 1970. Les circonstances locales ayant
à cet égard une importance particulière, il se justifie que le Tribunal
fédéral n'entreprenne pas lui-même d'établir le catalogue des obligations
que devra, le cas échéant, assumer la société intimée.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée, la cause étant
renvoyée au Département de justice et police du canton de Genève pour
nouvelle décision.