Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IB 368



100 Ib 368

66. Arrêt du 3 mai 1974 dans la cause Perren contre Conseil d'Etat du
canton du Valais. Regeste

    Eröffnung eines Kinotheaters. Wiedererwägungsgesuch. Art.  18 und 20
BG über das Filmwesen, Art. 4 BV.

    1.  Die Verwaltungsgerichtsbeschwerde ist zulässig, wenn die Anwendung
des Bundesrechts durch Entscheidungsgründe, die sich auf kantonales
Verfahrensrecht stützen, praktisch verhindert wird (Erw. 1).

    2.  Wiedererwägungsgesuch: Fälle, in denen eine Behörde sich damit
befassen muss (Erw. 3).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Le 18 février 1971, Bruno Perren a demandé au Département de
la justice, de la police et de la santé publique du canton du Valais
l'autorisation d'ouvrir, au premier soussol d'un immeuble en construction
à la Bahnhofstrasse de Zermatt, un petit cinéma de cent places assises,
dans lequel il se proposait de projeter en public, deux fois par semaine
environ, des films de petit format (16 mm et occasionnellement 8 mm).
Appelé à donner un préavis, le Groupement des cinémas du Valais, membre de
l'Association cinématographique suisse romande, s'est opposé à la demande.

    Le Chef du Département cantonal a rejeté la demande le 22 octobre 1971.
Après avoir émis, au sujet de l'emplacement de la salle, des réserves
fondées sur les prescriptions cantonales de police, la décision constate
que Zermatt dispose d'une salle de cinéma de 400 places, entièrement
rénovée et équipée d'appareils ultramodernes pour projeter des films
de 35 et de 16 mm, ainsi que d'une seconde salle qui présente des films
documentaires trois fois par semaine, été comme hiver; qu'en conséquence
l'ouverture d'une troisième salle porterait atteinte aux intérêts des
exploitations existantes et provoquerait une compétition de mauvais aloi,
qui conduirait à un abaissement du niveau des films.

    B.- Après deux demandes de nouvel examen sur lesquelles le Chef du
Département a refusé d'entrer en matière, Perren a présenté le 29 août 1972
une quatrième requête, plus complète, où il faisait valoir, en substance:
la fréquence des projections dans la salle en question serait en définitive
plus grande qu'on ne l'a dit jusqu'ici, de sorte qu'il s'agirait d'une
nouvelle demande; le Groupement des cinémas du Valais ne serait plus
guère défavorable à l'ouverture de ce cinéma, tandis que la commune de
Zermatt s'y intéresse; les prescriptions cantonales de police, selon
lesquelles un cinéma doit être en général installé au rez-de-chaussée,
ne sont pas absolues et ne concernent que la police du feu; un autre
cinéma de Zermatt est situé au sous-sol, de sorte que le maintien du
refus constituerait une inégalité de traitement. Il relevait également
certaines inexactitudes de fait retenues par le Département.

    Considérant que le requérant n'alléguait aucun fait nouveau
déterminant, qu'en particulier l'autorisation d'ouvrir un cinéma vaut
toujours pour un nombre illimité de représentations, qu'on se trouvait
donc en présence d'une demande de nouvel examen.(Wiedererwägungsgesuch)
qui concernait le même objet et ne s'appuyait sur rien de décisif, le
Chef du Département a rejeté la requête le 20 décembre 1972.

    Saisi d'un recours de Perren, le Conseil d'Etat l'a déclaré
irrecevable, ajoutant que s'il avait été recevable, il aurait dû être
rejeté.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, Bruno
Perren requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil
d'Etat et d'octroyer l'autorisation requise, subsidiairement de renvoyer
la cause à l'autorité cantonale.

    Le Conseil d'Etat conclut principalement à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. Le Département fédéral de l'intérieur, sans
prendre de conclusions expresses, déclare souhaiter un arrêt sur le fond.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'ouverture d'un nouveau cinéma est soumise à autorisation
par l'art. 18 de la loi fédérale sur le cinéma du 28 septembre 1962
(en abrégé: la loi fédérale). L'autorisation est accordée par l'autorité
désignée par le canton; les décisions de l'autorité cantonale de dernière
instance peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au
Tribunal fédéral (art. 20 de la loi fédérale).

    Si, en l'espèce, le Conseil d'Etat s'est fondé non pas sur le droit
fédéral, mais sur le droit cantonal de procédure pour refuser d'entrer
en matière sur le fond du recours dont il était saisi, cela n'empêche
cependant pas que le recours de droit administratif soit recevable. Une
telle voie de recours est en effet ouverte, selon la jurisprudence,
lorsque le droit cantonal a été appliqué en lieu et place du droit fédéral
applicable (RO 96 I 689 consid. 1a) ou lorsque l'application de ce dernier
droit est pratiquement empêchée pour des motifs de procédure tirés du
droit cantonal (RO 98 Ib 336). Dans ce dernier cas, la Chambre de droit
administratif examine non pas librement, mais uniquement sous l'angle
restreint de l'arbitraire, l'interprétation et l'application du droit légal
cantonal, comme le ferait la Chambre de droit public saisie d'un recours
pour arbitraire dans l'application du droit cantonal (RO 98 Ib 336).

Erwägung 2

    2.- Estimant que la requête du 28 août 1972 adressée au Département
avait le même contenu que les précédentes et devait de ce fait être
considérée comme une demande de nouvel examen, le Conseil d'Etat a déclaré
que le recours était irrecevable, car une telle requête ne donne pas à
son auteur le droit d'obtenir une décision sur le fond, de sorte que la
décision qui refuse de statuer sur le fond ne fait pas courir un nouveau
délai de recours au Conseil d'Etat.

    Le recourant ne conteste pas directement qu'il se soit agi d'une
demande de nouvel examen et que le Conseil d'Etat ait pu en déduire
l'irrecevabilité du recours au fond. Mais il soutient qu'une requête
tendant à obtenir une autorisation peut être renouvelée en tout temps et il
critique la disposition de l'art. 5 al. 2 du décret cantonal d'exécution -
du 17 mai 1963 - de la loi fédérale sur le cinéma du 28 septembre 1962,
disposition selon laquelle "en cas de refus de l'autorisation, la requête
ne peut être renouvelée avant le délai de trois ans". Il estime que cette
disposition viole l'art. 4 Cst. et qu'elle est apte à créer des inégalités
entre divers concurrents.

    Mais le Conseil d'Etat ne s'est pas fondé sur cette disposition pour
refuser d'entrer en matière sur le fond du recours. Il s'est au contraire
fondé sur l'art. 18 de l'arrêté cantonal du 11 octobre 1966 "concernant la
procédure administrative pardevant le Conseil d'Etat et ses départements"
(en abrégé: APA) et sur la déduction qu'en a tirée la doctrine, à savoir
que les décisions qui refusent d'entrer en matière sur une demande de
nouvel examen ne font pas courir un nouveau délai de recours (VON WERRA,
Handkommentar zum Walliser Verwaltungsverfahren, p. 106).

    Or le recourant ne discute pas ni ne conteste expressément cette
argumentation; il se contente d'y opposer l'allégation selon laquelle
une demande d'autorisation peut être renouvelée en tout temps. C'est donc
essentiellement ce point qu'il s'agit d'examiner ici.

Erwägung 3

    3.- Les demandes de nouvel examen ne sauraient servir à remettre
continuellement en question des décisions administratives, ni surtout
à éluder les dispositions légales sur les délais de recours. Aussi les
autorités administratives ne sontelles obligées de s'en saisir et de
statuer sur le fond que lorsque certaines conditions sont remplies.

    a) Dans les cas où une telle obligation n'est pas prévue par la
législation ou ne découle pas d'une pratique administrative constante, ce
sont les principes déduits de l'art. 4 Cst. qui s'appliquent (RO 67 I 73).
Ceux-ci l'emportent d'ailleurs sur les règles cantonales qui contestent
l'existence de l'obligation en question ou lui donnent une portée moins
étendue que celle qui dérive de l'art. 4 Cst. Selon la jurisprudence et
la doctrine relative à cette disposition, une autorité n'est tenue de se
saisir d'une demande de nouvel examen que si les circonstances se sont
modifiées dans une mesure notable depuis la première décision, ou si le
requérant invoque des faits et des moyens de preuve importants qu'il ne
connaissait pas lors de la première décision, ou dont il ne pouvait pas se
prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (RO 67
I 72 s., 70 I 68, 78 I 201 et les arrêts cités; JAAC 1966/67 No 19, p. 41
et la jurisprudence citée; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 462;
IMBODEN, Schweiz. Verwaltungsrechtsprechung, 3e éd. No 324 III p. 179 s.).

    Il est vrai que, selon certains arrêts du Tribunal fédéral, une
demande de nouvel examen serait toujours recevable lorsqu'elle vise une
décision de refus (RO 56 I 478, 60 I 52 et 256 consid. 2). Si une telle
opinion peut éventuellement se justifier dans certains cas, en raison de
la nature même de la matière visée ou en vertu d'une disposition légale
expresse ou d'une pratique administrative dans un secteur déterminé, on
ne saurait en revanche lui donner la portée générale qui semble ressortir
des arrêts précités.

    En effet, s'il y a demande de nouvel examen, c'est qu'il y a eu refus -
au moins partiel - de la première demande, de sorte que si l'on voulait
appliquer de façon générale la jurisprudence citée ci-dessus, on en
viendrait pratiquement à vider de son contenu, au profit de l'exception,
la règle jurisprudentielle qui précise les cas dans lesquels une autorité
est tenue de se saisir d'une telle demande; de même les prescriptions
sur les délais de recours en matière administrative seraient rendues
inopérantes dans de nombreux cas.

    b) L'autorité saisie d'une demande de nouvel examen doit tout d'abord
contrôler si les conditions requises pour l'obliger à statuer sont
remplies. Si tel est le cas, elle doit entrer en matière sur le fond, au
besoin compléter l'instruction, et rendre une nouvelle décision au fond
contre laquelle sont normalement ouvertes les voies de droit habituelles.
Mais si elle estime que les conditions requises ne sont pas remplies,
alors même que le requérant prétendrait le contraire, elle peut refuser
d'examiner le fond de la requête, sans que sa décision fasse courir
un nouveau délai de recours sur le fond; le requérant peut simplement
recourir en alléguant que l'autorité inférieure a nié à tort l'existence
des conditions requises. Quant aux demandes dans lesquelles le requérant
n'allègue même pas l'existence des conditions qui obligeraient l'autorité
à statuer sur le fond, celle-ci peut se contenter de les déclarer
irrecevables, et le recours éventuel contre une telle décision serait
lui-même irrecevable. Enfin si, sans y être obligée, l'autorité examine
le fond d'une demande de nouvel examen et rend une nouvelle décision au
fond, les voies de recours habituelles sont également ouvertes contre
cette nouvelle décision.

Erwägung 4

    4.- Dans sa demande du 29 août 1972 adressée au Département, le
recourant prétendait qu'il s'agissait d'une nouvelle requête, parce que
son contenu différait "de par son étendue de celui qui avait provoqué
votre refus"; la différence aurait consisté en ceci que la présentation de
films documentaires s'étalerait tout au long de l'année selon les besoins
touristiques et culturels de la station. Or, comme l'ont relevé aussi bien
le Département que le Conseil d'Etat dans leurs décisions respectives,
l'autorisation d'ouvrir un cinéma ne comporte pas de limitations quant
aux dates de projection et au nombre de représentations. C'est donc sans
arbitraire que les autorités en cause pouvaient admettre qu'elles étaient
en présence, non pas d'une demande différente des précédentes, mais bien
d'une demande de nouvel examen concernant le même objet: il s'agissait
toujours de la même salle de spectacle, avec le même nombre de places,
équipée pour projeter en public des films de 16 mm et occasionnellement
de 8 mm.

    A part cela, le recourant ne prétendait pas que les circonstances
avaient changé de manière notable depuis la première décision; tout au
plus précisait-il que "le préavis du Groupement des cinémas du canton du
Valais n'est aujourd'hui guère défavorable à l'ouverture de ce cinéma",
que "les autorités communales s'y sont intéressées" et parlait-il des
"besoins toujours accrus de la station de Zermatt qui me poussent à élargir
ainsi le contenu de ma demande", sans d'ailleurs appuyer ses allégations
par des offres de preuve. Pour le surplus, il se permettait, disait-il,
de "réfuter les divers motifs qui étayaient la décision du 22 octobre
1971", sans prétendre avoir été dans l'impossibilité de faire valoir
à l'époque des faits et moyens de preuve dans un recours dirigé contre
cette dernière décision.

    C'est donc sans arbitraire que le Département pouvait considérer que
la demande de nouvel examen du 29 août 1972 ne l'obligeait pas à statuer
à n ouveau sur le fond et qu'il a refusé d'y donner suite. Partant,
c'est également sans arbitraire que le Conseil d'Etat, estimant que
le Département avait eu raison de procéder comme il l'avait fait,
a implicitement rejeté le recours sur ce point et refusé d'entrer en
matière sur le fond.

    Il est vrai que le Conseil d'Etat, au lieu de déclarer simplement
qu'il n'entrait pas en matière sur le recours, aurait dû préciser que
ce dernier devait être rejeté quant au seul point sur lequel il pouvait
porter, c'est-à-dire sur le point de savoir si c'était à tort ou à raison
que le Département avait considéré comme non remplies les conditions
qui l'auraient obligé à statuer sur le fond; puis, après avoir rejeté le
recours sur ce point, le Conseil d'Etat pouvait déclarer qu'en conséquence
il n'entrait pas en matière sur le fond. Mais c'est bien le sens que l'on
peut déduire de la décision attaquée. D'ailleurs, le recourant ne subit
aucun préjudice d'une formulation du dispositif qui aurait pu être plus
précise et plus nuancée.

Erwägung 5

    5.- En déclarant qu'il n'avait pas à entrer en matière sur le fond
du recours, le Conseil d'Etat a relevé néanmoins que, s'il avait pu le
faire, il aurait dû rejeter le recours, d'une part pour des motifs tirés
du droit cantonal des constructions (dont on n'a pas à s'occuper ici),
d'autre part pour des motifs tirés du droit fédéral. Comme le requérant
peut, après le délai de trois ans dès le rejet de la première demande,
présenter une nouvelle demande en vertu de l'art. 5 al. 2 du décret
cantonal d'exécution de la loi fédérale, les autorités valaisannes auront
vraisemblablement à se prononcer à nouveau sur l'application du droit
fédéral. On relèvera sur ce point qu'on ne voit pas comment la projection
de films de 16 mm ou 8 mm, deux à trois fois par semaine dans une petite
salle de cent places, va concurrencer les autres cinémas de Zermatt de
manière telle que la qualité des films en sera sérieusement affectée
et que les intérêts généraux de la culture et de l'Etat en subiront
des conséquences fâcheuses. N'utilisant que des projecteurs de 16 mm,
voire de 8 mm, le recourant ne disposera que d'un répertoire restreint,
composé essentiellement de films documentaires d'une part, de vieux films
de fiction d'autre part. Ce fait ne saurait justifier les craintes retenues
par les autorités valaisannes à la base de leurs décisions de refus. Il
est d'ailleurs loisible à l'autorité compétente de limiter l'autorisation
quant au genre de films que l'exploitant pourra projeter (cf. BIRCHMEIER,
Kommentar zum Eidgenössischen Filmgesetz, p. 111 al. 2).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.