Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IB 345



100 Ib 345

61. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 décembre 1974 dans
la cause Steiner contre Département du commerce, de l'industrie et du
travail du canton de Genève Regeste

    Handelsregister; Art. 934 Abs. 1 OR, 52f. HRegV.

    Eintragungspflicht eines Arztes, der eine Klinik
betreibt. Unterscheidung zwischen einem solchen Betrieb und der Ausübung
eines freien Berufes.

Sachverhalt

    A.- Pierre Steiner est inscrit au registre du commerce sous la
raison individuelle Permanence Médecine- Secours Dr P. Steiner pour
l'exploitation d'un service permanent de secours médico-chirurgical à
Genève, 2, place Longemalle. Le 1er juillet 1973, il a transféré son
activité à l'adresse 1-3, rue du Jura, où il l'exerce sous la nouvelle
raison de commerce Permanence de Cornavin Dr P. Steiner. Par sommation
du 13 septembre 1973, le préposé au registre du commerce a invité le
docteur Steiner à requérir la mise à jour de son inscription. Le docteur
Steiner s'y est opposé et, le 27 février 1974, il a demandé la radiation de
l'inscription en faisant valoir que celle-ci n'était plus obligatoire. Le
1er mars 1974, le préposé au registre du commerce a rejeté la demande
de radiation.

    B.- Le docteur Steiner ayant recouru contre cette décision, le
Département du commerce, de l'industrie et du travail du canton de
Genève, agissant en qualité d'autorité de surveillance du registre du
commerce, a rejeté le recours le 4 juin 1974. L'autorité de surveillance
écarte l'argument du recourant selon lequel il ne serait pas assujetti
à l'inscription parce qu'il exercerait une profession libérale, en
considérant notamment ce qui suit:

    Aucune disposition légale ne dispense d'une manière absolue de
l'inscription au registre du commerce les personnes exerçant une profession
reconnue, en règle générale, comme profession libérale. En l'espèce,
le mode d'exploitation de l'établissement du recourant se distingue
fondamentalement de celui d'un cabinet de consultation ordinaire. Une
permanence est connue sous une enseigne, c'est-à-dire une désignation
anonyme, et la personnalité du médecin ne joue aucun rôle dans le choix du
patient; astreinte à fonctionner d'une manière ininterrompue 24 heures par
jour et tous les jours de l'année, elle occupe un personnel relativement
nombreux et doit dès lors être exploitée commercialement. A fin mars 1974,
le recourant occupait un personnel médical comprenant neuf personnes,
auquel s'ajoutait le personnel administratif, ce qui exige une organisation
complètement différente de celle d'un simple cabinet de consultation.

    C.- Le docteur Steiner a formé contre cette décision un recours de
droit administratif. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée
et à ce qu'il soit prononcé qu'il n'est pas astreint à l'inscription
au registre du commerce, le préposé devant en conséquence procéder à la
radiation de son inscription.

    L'autorité cantonale et le Département fédéral de justice et police
proposent le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Selon les art. 934 al. 1 CO et 52 al. 1 ORC, l'inscription au
registre du commerce est obligatoire pour celui qui fait le commerce,
exploite une fabrique ou exerce en la forme commerciale quelque autre
industrie. Est réputée entreprise toute activité économique indépendante
exercée en vue d'un revenu régulier (art. 52 al. 3 ORC). D'autre part, on
entend par entreprises exerçant une autre industrie en la forme commerciale
celles qui, sans être des entreprises commerciales ou industrielles,
doivent cependant être exploitées commercialement et tenir une comptabilité
régulière, en raison de leur nature et de leur importance (art. 53
litt. C ORC). Ces entreprises ne sont tenues à l'inscription que si elles
atteignent une recette brute annuelle de 100 000 fr. (art. 54 ORC).

    Dans l'arrêt RO 63 I 192, le Tribunal fédéral considère que l'activité
de l'ingénieur consistant à établir les plans et les calculs pour toute
sorte de constructions ainsi qu'à diriger et à surveiller les travaux est
une profession libérale, qui "dans la pratique ... est en règle générale
dispensée d'emblée de l'inscription". Ce principe est réaffirmé dans
l'arrêt RO 70 I 108 consid. 2: la profession libérale n'est pas comme telle
("an sich") assujettie à l'inscription; ce qui est déterminant, c'est le
mode d'exploitation ainsi que son ampleur; si l'activité apparaît comme
celle d'une entreprise exploitée en la forme commerciale, l'inscription
est obligatoire. Enfin, l'arrêt RO 97 I 170 rappelle que "les professions
libérales ne donnent en principe pas lieu à l'inscription obligatoire
au registre du commerce, mais pour autant seulement qu'elles ne sont pas
liées à une activité commerciale".

Erwägung 2

    2.- Le recourant exerce une activité indépendante en vue d'un revenu
régulier. Il est admis, implicitement, que sa recette brute annuelle
atteint 100 000 fr.

    Dans son mémoire de recours à l'autorité cantonale de surveillance du
14 mars 1974, le recourant reconnaît que la Permanence de Cornavin occupe,
outre lui-même, neuf personnes en tout, dont six constituent le personnel
médical et trois le personnel administratif. La fiche de contrôle de
l'Institut cantonal d'hygiène concernant ladite permanence énumère
cependant, pour mars 1974, à part le recourant, un personnel médical
comprenant neuf personnes (trois médecins assistants, un radiologue,
trois infirmières, deux aides médicales). A l'évidence, la présence d'un
personnel aussi nombreux exige une organisation et un mode d'exploitation
complètement différents de ceux d'un simple cabinet de consultation, où
le médecin travaille seul, avec la collaboration d'une employée. D'autre
part, à la différence d'un médecin exerçant sa profession en la forme
libérale et traditionnelle, une permanence doit fonctionner d'une manière
ininterrompue 24 heures par jour et tous les jours de l'année (à Genève
en vertu de l'art. 10 A al. 2 lettre a du règlement d'exécution de la
loi sur l'exercice des professions médicales et auxiliaires). Enfin,
elle est connue essentiellement sous une enseigne et non pas sous le nom
d'un médecin, et la personnalité du praticien ne joue pas le même rôle
que dans le cas d'un simple cabinet de consultation.

    Sans doute le recourant prétend-il que, pour la population genevoise,
la désignation "Permanence" ne s'applique en réalité qu'à son cabinet
à lui (le cabinet du docteur Steiner) et que la majeure partie de la
clientèle est ainsi formée par des anciens patients; sa renommée aurait
depuis bien longtemps franchi la frontière cantonale et la clientèle
désirerait avant tout être examinée et soignée par le docteur Steiner
et ses assistants, allant même jusqu'à ignorer l'appellation "Permanence
de Cornavin" pour ne retenir que "Permanence du docteur Steiner", ce qui
prouverait l'existence d'un lien personnel étroit entre lui-même ou ses
assistants et les patients. Le recourant ne fournit toutefois aucune
preuve à l'appui de ces allégations. On peut admettre avec lui que,
lorsqu'un patient a été examiné par l'un des médecins de la Permanence,
c'est avec ce même médecin qu'il reprend rendez-vous si un nouvel examen,
un contrôle ou un traitement sont encore nécessaires. Il n'en demeure pas
moins que le patient qui se rend la première fois à la Permanence ou qui
y retourne, après un traitement terminé, n'a guère le choix du médecin.

Erwägung 3

    3.- L'autorité cantonale fait état d'autres éléments à l'appui de
la distinction entre l'exploitation d'une permanence telle que celle du
recourant et l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le fait que
les permanences médicales font l'objet d'une réglementation spéciale
de la part de l'autorité administrative chargée de la police sanitaire;
que le recourant fait paraître des annonces dans les journaux, indiquant
uniquement l'enseigne de son établissement, alors que cette forme de
publicité est interdite aux médecins exerçant leur profession en la forme
libérale; enfin, qu'un médecin exploitant un cabinet médical n'exerce pas
son activité avec la collaboration de médecins ou d'assistants salariés.

    Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner la portée de ces éléments
pour juger de l'assujettissement à l'inscription au registre du commerce,
il y a néanmoins lieu de relever que le fait de s'entourer de quelques
collaborateurs, dans un domaine où la spécialisation toujours plus
poussée oblige à recourir aux méthodes du travail en équipe, ne saurait
sans autre être invoqué pour justifier l'obligation de s'inscrire. Tel
n'est toutefois pas le cas du recourant, qui ne collabore pas avec des
spécialistes, responsables chacun d'un domaine déterminé, mais qui engage
de jeunes assistants salariés.

Erwägung 4

    4.- Les éléments décisifs en l'espèce sont, d'une part, le mode
d'exploitation, l'ampleur et l'organisation propres à une permanence
comme celle du recourant, qui imposent en principe une activité exercée
"en la forme commerciale" et la tenue d'une comptabilité régulière. D'autre
part, l'anonymat qui caractérise généralement la désignation d'une telle
permanence et les restrictions que le patient doit subir dans le choix
du médecin traitant, ainsi que l'obligation de fonctionner d'une manière
ininterrompue 24 heures par jour et tous les jours de l'année, sont
incompatibles avec la notion de profession exercée en la forme libérale.

    Compte tenu de ces éléments, on ne saurait étendre à l'activité du
recourant la pratique - de caractère exceptionnel - des autorités du
registre du commerce, approuvée par la jurisprudence, selon laquelle
l'exercice d'une profession libérale ne constitue en principe pas une
entreprise exploitée en la forme commerciale et n'entraîne dès lors
pas l'obligation de s'inscrire au registre. Bien que cette activité
garde pour but principal d'apporter des soins aux patients selon des
critères scientifiques, l'aspect commercial de l'entreprise du recourant
est manifeste (cf. aussi l'arrêt du Conseil fédéral cité par STAMPA,
Sammlung von Entscheiden in Handelsregistersachen, no 96). Le critère que
le recourant lui-même dégage de la jurisprudence du Tribunal fédéral,
à savoir que l'obligation de se faire inscrire subsiste à la charge de
celui qui donne à l'exercice d'une profession libérale une importance
économique et commerciale beaucoup plus grande que celle que l'on rencontre
usuellement chez d'autres personnes pratiquant la même profession, lui est
précisément applicable. Le recourant prétend à tort que, depuis l'arrêt RO
70 I 106, la jurisprudence aurait subi une évolution dans le sens qu'il
préconise. L'arrêt dont il se réclame (RO 97 I 417 ss.) se réfère à la
notion de production originaire et concerne le cas d'un maraîcher dont
l'activité se rapprochait plus de l'agriculture que d'une autre entreprise
exploitée en la forme commerciale au sens de l'art. 53 litt. C ORC.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.