Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 53



100 Ia 53

10. Extrait de l'arrêt du 30 janvier 1974 en la cause Comité d'initiative
pour l'interdiction de la chasse dans le canton de Genève contre Grand
Conseil du canton de Genève. Regeste

    Art. 4 BV und Art. 65 Abs. 2 und 3 KV Genf

    1.  Die Einjahresfrist des Art. 65 Abs. 3 KV Genf, während welcher
der Grosse Rat zu einer formulierten Initiative Stellung nehmen soll,
ist eine Ordnungsvorschrift (Erw. 5).

    2.  Ein Gegenentwurf kann sowohl eine inhaltliche wie eine formelle
Abänderung der Initiative bringen. Er darf indessen dem Volk nicht eine
andere Frage stellen als die Initiative; er kann aber eine andere Antwort
vorschlagen (Erw. 6 a).

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 5

    5.- La première question de fond soumise à l'examen du Tribunal fédéral
est ainsi celle de la nature, de la portée et de la sanction du délai
d'un an dans lequel le Grand Conseil est "tenu de prendre ses décisions"
en vertu de l'art. 65 al. 3 Cst. cant., c'est-à-dire de prendre position
pour ou contre l'initiative (art. 65 al. 1) et, s'il se prononce contre,
pour élaborer s'il le veut un contreprojet (art. 65 al. 2).

    a) Il y a là un problème qui n'est pas propre au droit genevois, des
délais du même genre existant dans la plupart des législations cantonales
ainsi qu'en droit fédéral.

    Au plan fédéral, c'est la loi, et non la constitution, qui impose à
l'Assemblée fédérale un certain délai pour se prononcer sur une initiative
constitutionnelle et pour adopter, le cas échéant, un contreprojet. D'abord
fixé à un an par l'art. 8 de la loi fédérale du 27 janvier 1892 (RS 1,
158), ce délai a été porté à trois ans par une novelle du 5 octobre
1950. C'est sa durée actuelle pour les initiatives présentées sous la
forme d'un projet rédigé de toutes pièces (.art. 27 al. 1 de la LF du 23
mars 1962 sur les rapports entre les Conseils, RS 171.11), une prolongation
d'une année étant cependant possible (art. 29 al. 3 de la même loi). Avant
la revision de 1962, la nature et la portée de ce délai étaient ou bien
passées sous silence dans la doctrine, ou bien controversées. BURCKHARDT
n'en parlait pas dans son commentaire de la constitution fédérale. Après
avoir relevé que le délai légal avait été institué dans l'intérêt des
auteurs de l'initiative et pour leur donner la garantie que celle-ci serait
traitée rapidement, FLEINER/GIACOMETTI (Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 722)
ajoutaient (p. 724 note 39) que le contreprojet devait être établi dans
ce délai; ils n'allaient toutefois pas jusqu'à dire que ce n'était ensuite
plus possible. S'étant posée en 1955, à l'occasion de la seconde initiative
dite de Rheinau, cette question fut vivement discutée. Alors que le Conseil
fédéral et les Chambres étaient d'avis qu'il s'agissait d'un simple délai
d'ordre dont l'inobservation n'avait aucune conséquence juridique, le
Comité d'initiative soutenait qu'après l'expiration du délai, l'initiative
devait être soumise telle quelle au peuple, sans recommandation. HANS
HUBER (Die Rechtsfolgen der Verschleppung von Verfassungsinitiativen,
ZBl 57/1956 p. 289 à 292) se prononça en principe contre l'idée d'un délai
de péremption (Verwirkungsfrist) et en faveur d'un simple délai d'ordre,
en se fondant sur des arguments de texte dépourvus de portée générale
(dans le même sens: URSULA HEFTI-SPOERRY, Gegenentwurf und Rückzug bei
Verfassungsinitiativen im Bund, thèse Zurich 1959, p. 35). Il fut aussitôt
contredit par MANFRED KUHN (ZBl 57/1956 p. 363 à 368), sur la base d'une
interprétation historique. En droit fédéral, la question est aujourd'hui
considérée comme tranchée dans le sens d'un délai de péremption par
l'art. 27 al. 6 de la loi sur les rapports entre les Conseils; selon cette
disposition en effet, le Conseil fédéral ordonne la votation du peuple et
des cantons si les deux Conseils ne parviennent pas à prendre une décision
concordante dans le délai légal, ce qui semble exclure implicitement une
recommandation ou un contreprojet de l'Assemblée fédérale. Selon AUBERT
(Traité de droit constitutionnel suisse, n. 397 p. 154 et n. 398 p. 155),
le Conseil fédéral doit dans cette hypothèse organiser le scrutin sans
aucune recommandation; à son avis, les délais de la loi de 1962 sont des
"délais de forclusion", l'autorité qui les laisse passer sans agir perdant
toute possibilité de donner son avis.

    Les quelques auteurs qui ont abordé la question en droit cantonal
ou communal constatent le silence des textes. Ils parlent alors de
leges imperfectae et contestent l'idée de simples délais d'ordre, mais
sans envisager d'autres sanctions que l'intervention de l'autorité
de surveillance s'il y en a une, ce qui n'est évidemment pas le cas
s'agissant du Grand Conseil (KONRAD KELLER, Probleme des Initiativrechts,
dans Rechtsprobleme von Stadtgemeinden, Zurich 1961, p. 43; HANS ULRICH
PESTALOZZI, Das Initiativrecht in der Zürcher Gemeinde, thèse Zurich
1973, p. 135).

    b) En droit genevois, les textes sont muets quant à la signification du
délai d'un an prévu par l'art. 65 al. 3 Cst. cant. C'est une véritable
lacune qu'il appartient au juge de combler, car la question doit
nécessairement être résolue, ainsi que le montre la présente espèce.

    Le recourant fait valoir en faveur de son interprétation des données
historiques qui ne sont cependant pas décisives. Il relève qu'en 1890,
lors de l'introduction dans le canton de Genève de l'initiative populaire,
un délai de six mois, considéré comme amplement suffisant, avait été
adopté. Il avait été porté en 1905 à un an, non sans quelques hésitations
dues à la crainte d'un "amoindrissement du droit d'initiative". On ne
saurait en déduire que l'idée du constituant était celle d'un délai de
forclusion. Il ressort en fait des documents produits que la question
n'a pas été abordée du tout, comme si on ne se l'était pas posée.

    A cet argument historique qui n'a guère de poids, on peut opposer
un argument de texte qui n'est à vrai dire pas décisif non plus. Selon
l'art. 66 al. 1 Cst. cant., "si le Grand Conseil n'a pas adopté de
contreprojet, l'initiative est seule soumise au vote du peuple, avec
indication de la décision du Grand Conseil". Si le constituant avait eu
la volonté consciente de faire du délai d'un an un délai de forclusion,
il aurait ajouté dans cette phrase, après "contreprojet", les mots
"dans le délai de l'art. 65 al. 3". Il n'aurait en outre pas dit "avec
indication de la décision du Grand Conseil", ce qui laisse entendre que
dans tous les cas cette autorité doit se prononcer sur l'initiative et
informer les électeurs de la position qu'elle a prise.

    Sur le plan général, il faut admettre qu'un délai de péremption
protège de manière plus efficace le droit d'initiative contre des procédés
abusivement dilatoires de la part des autorités. Un simple délai d'ordre
est cependant loin d'être dépourvu de toute efficacité. Il a une certaine
portée politique. Il peut par ailleurs être sanctionné juridiquement
sous la forme du recours de droit public au Tribunal fédéral pour déni
de justice formel, dans le cas où l'autorité le laisserait passer de
façon abusive sans agir du tout ou en faisant preuve d'une lenteur
injustifiée. C'est un reproche qu'on ne saurait faire en l'espèce ni au
Conseil d'Etat, ni au Grand Conseil, en dépit de ce que le recourant
allègue en sens contraire. Dès le moment où ces autorités estimaient
devoir opposer un projet de loi complet à l'initiative populaire et
au projet Dériaz, il leur fallait un certain temps pour l'élaborer, en
consultant comme l'a fait la commission du Grand Conseil les représentants
des milieux directement intéressés. Compte tenu de cela, on peut constater
qu'elles ont agi avec diligence; ce n'est finalement que de quelques mois
seulement que le délai d'un an a été dépassé.

    Au souci certes important de protéger le mieux possible le droit
d'initiative s'opposent d'autres considérations. Un délai strict dont
l'inobservation empêcherait le Grand Conseil de présenter un contreprojet
et même d'adresser une recommandation aux électeurs, pourrait avoir
de graves conséquences du point de vue de l'intérêt public, suivant
l'objet de l'initiative et si les circonstances du moment comportent des
facteurs émotionnels pouvant amener l'électeur à prendre une décision
regrettable. En outre, la faculté pour les autorités de présenter un
contreprojet est aujourd'hui considérée comme un élément important du
jeu démocratique lui-même (PESTALOZZI, op.cit., p. 134), un contreprojet
donnant aux électeurs qui n'ont pas signé l'initiative une plus grande
possibilité de choix. L'intérêt de ces électeurs mérite d'être pris
en considération tout autant que celui des signataires à ce que l'on
vote sur leur projet sans aucune concurrence. Aussi le Tribunal fédéral
a-t-il jugé récemment que la faculté pour les autorités de présenter un
contreprojet existait même dans le silence de la constitution et de la loi
(RO 91 I 193 ss. consid. 2, spécialement 195/196). On peut donc admettre
que, dans le canton de Genève, l'art. 66 al. 1 Cst. cant. l'emporte sur
l'art. 65 al. 3, lorsqu'il dit sans aucune restriction qu'en l'absence
de contreprojet l'initiative est néanmoins soumise au vote du peuple
avec indication de la décision du Grand Conseil, c'est-à-dire avec une
recommandation dans un sens ou dans l'autre.

    Le recourant a tort lorsqu'il tire argument de ce que le délai fixé par
la loi pour le dépôt de l'initiative revêtue des signatures nécessaires
est un délai de droit strict. On ne saurait en déduire que le délai d'un
an de l'art. 65 al. 3 Cst. cant. a le même caractère, car ces deux délais
ont des raisons d'être entièrement différentes, même s'ils se rapportent
tous deux à l'exercice du droit d'initiative.

    On pourrait certes être tenté de considérer la solution retenue en 1962
sur le plan fédéral comme correspondant aux idées généralement reçues en
Suisse à l'époque actuelle. Toutefois, en matière d'initiative populaire,
le droit cantonal est totalement indépendant du droit fédéral, au point
qu'il peut ne pas consacrer du tout le droit d'initiative, l'art. 6 al. 2
lit. b Cst. n'obligeant les cantons qu'à assurer l'exercice des droits
politiques d'après des formes représentatives ou démocratiques. En outre,
le sens donné à un délai de trois ans susceptible d'être prolongé d'une
année ne se justifie pas nécessairement pour un délai d'un an seulement,
dont la brièveté se prête mal, dans les circonstances actuelles, à
l'établissement d'un contreprojet dont l'élaboration peut prendre beaucoup
de temps suivant l'objet de l'initiative. Peu importe qu'en l'espèce cet
objet n'ait pas été d'une grande complexité, car c'est sur le plan général
qu'il faut résoudre la question d'interprétation qui se pose en l'espèce.

    Le Conseil d'Etat fait valoir que, depuis l'adoption du texte
constitutionnel actuel en 1959, aucune des huit initiatives populaires
déposées depuis lors n'a fait l'objet d'une décision du Grand Conseil avant
l'expiration du délai d'un an. A l'avis du recourant, la renonciation
des auteurs d'autres initiatives à l'exercice de leur droit ne l'oblige
pas à en faire autant. La pratique invoquée par le Conseil d'Etat ne
serait certes pas déterminante si le texte constitutionnel parlait
clairement d'un délai de forclusion. Mais comme ce n'est pas le cas,
cette pratique non contestée jusqu'à maintenant peut être retenue dans
l'interprétation actuelle de la constitution, et cela dans le sens d'un
simple délai d'ordre.

    Sur la base des considérations qui précèdent, le Tribunal
fédéral arrive à la conclusion que le délai d'un an de l'art. 65
al. 3 Cst. cant. n'est pas un délai de forclusion; par conséquent, un
contreprojet peut encore être présenté au peuple après son expiration. S'il
fallait d'ailleurs considérer les deux interprétations possibles
comme également défendables, le Tribunal fédéral, conformément à la
jurisprudence, adopterait celle qu'a retenue la plus haute autorité du
canton. Certes, le Grand Conseil n'a en l'espèce pas pris lui-même position
sur le recours. Mais il s'est implicitement prononcé le 21 septembre 1973
en adoptant la loi sur la faune à titre de contreprojet à l'initiative
en dépit du fait connu de lui que le délai d'un an était passé.

    Sur ce premier point, le recours se révèle donc mal fondé.

Erwägung 6

    6.- Le recourant soutient par ailleurs que la loi sur la faune ne
peut pas servir de contreprojet à l'initiative populaire, cela pour des
motifs d'ordre matériel et formel à la fois.

    a) Sur le plan matériel, le recourant fait grief au Grand Conseil
d'avoir établi un contreprojet dont l'objet est différent et plus étendu
que celui de l'initiative, violant ainsi le principe de l'unité de
la matière.

    Le contreprojet opposé à une initiative populaire formulée doit
avoir un étroit rapport avec le but et l'objet de celle-ci, afin que
l'électeur soit mis en présence d'une véritable alternative. En droit
fédéral, l'art. 27 al. 3 de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre
les Conseils exige que le projet élaboré par l'Assemblée fédérale porte
"sur la même matière constitutionnelle". AUBERT (op. cit., n. 399 p. 155)
voit dans cette disposition "une seconde règle d'unité de la matière";
c'est celle qu'invoque le recourant.

    Il s'agit en l'espèce d'examiner l'étendue de ce principe en soi
évident. A l'origine, la faculté de présenter un contreprojet devait
simplement permettre au Parlement de proposer aux électeurs, à côté
d'un texte imparfaitement rédigé, une version améliorée, et cette idée
semble bien avoir été celle du constituant genevois, ainsi que le relève
le recourant dans son mémoire complétif en donnant ses sources (Mémorial
du Grand Conseil, 20 mai 1905, p. 868/869). Mais, dans les cantons comme
en droit fédéral, l'habitude s'est vite établie d'user du contreprojet
non seulement pour redresser une rédaction malheureuse, mais encore pour
opposer à une idée jugée critiquable une autre idée plus acceptable;
le contreprojet peut donc apporter au projet une correction aussi bien
matérielle que formelle. Il ne doit cependant pas poser au peuple une autre
question que le projet; tout ce qu'il peut faire, c'est proposer une autre
réponse (BURCKHARDT, Kommentar der schweiz. Bundesverfassung, 3e éd.,
p. 818; AUBERT, op.cit., n. 399 p. 155; URSULA HEFTI-SPOERRI, op.cit.,
p. 10 à 64). Si le but doit être le même et l'objet en rapport avec ce but,
les moyens sont susceptibles d'être différents, en ceci notamment qu'ils
peuvent rester en deçà ou aller au de-là de ceux que propose l'initiative.

    Le recourant soutient à tort que ces conditions ne sont pas remplies
en l'espèce. Le but des deux textes présentés simultanément est en effet
le même, du moins pour l'essentiel. Selon son bref exposé des motifs,
l'initiative populaire tend à protéger la faune et la flore actuellement
en voie de disparition dans le canton, le repeuplement en gibier n'étant
quantitativement pas même suffisant; il s'agit également de parer au
danger que la chasse représente pour la population, particulièrement pour
les enfants, au moment où le citoyen ressent toujours plus la nécessité
du contact avec la nature. Selon son art. 1er, la loi adoptée à titre de
contreprojet a pour but de protéger et de développer la faune indigène
dans des proportions respectant l'équilibre naturel et l'activité humaine
(lit. a), de définir les conditons de l'exercice de la pêche et de la
chasse (lit. b), d'encourager l'étude écologique et systématique de la
faune indigène (lit. d). Les moyens sont en revanche différents. Alors
que l'initiative propose la mesure radicale que constitue l'interdiction
complète de la chasse, avec une possibilité de dérogation très limitée,
le contreprojet se borne à prévoir des mesures destinées à en restreindre
l'exercice de façon à assurer la sécurité du public (art. 14) et à protéger
la faune selon le but de l'art. 1er lit. a. Il y a donc deux réponses
différentes, mais à une seule et même question; elles sont propres à être
présentées simultanément à l'électeur en vue d'un véritable choix. La
loi adoptée par le Grand Conseil a certes un objet un peu plus large que
l'initiative, puisqu'elle concerne aussi la pêche et qu'elle prévoit des
mesures positives en faveur de la faune. Mais cela n'enlève rien ni à
l'identité de but ni à l'unité de la matière, la chasse, la pêche et la
protection de la faune soulevant des problèmes connexes et naturellement
propres à faire l'objet d'une seule et même réglementation. On doit se
montrer à cet égard d'autant plus large que le droit public genevois ne
consacre pas expressément le principe de l'unité de matière dans le sens
spécial que ce principe a ici. Le grief du recourant sur ce point n'est
donc pas fondé.