Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 366



100 Ia 366

53. Extrait de l'arrêt du 22 mai 1974 dans les causes Gremaud et consorts,
Dupraz et consorts contre Fribourg, Grand Conseil et Conseil d'Etat.
Regeste

    Obligatorisches Finanzreferendum. Neue oder gebundene Ausgaben.
Kreditfür Strassenarbeiten. Art. 28bis Abs. 3 KV Freiburg.

    1.  Selbst bei Fehlen ausdrücklicher Verfassungsbestimmungen kann man
annehmen, dass nur die neuen - und nicht auch die gebundenen - Ausgaben
dem Finanzreferendum zu unterbreiten sind (Erw. 3 a).

    2.  Begriff der neuen Ausgabe; Wahlmöglichkeit bezüglich der
Wichtigkeit und Verwendungsart eines Kredites (Erw. 3 a).

    3.  Es gibt keine eidgenössische Regelung des Finanzreferendums; der
Fall jedes Kantons muss für sich selbst aufgrund seines eigenen Rechts
geprüft werden; seine ständige unbestrittene Praxis darf mit in Erwägung
gezogen werden (Erw. 3 d).

Sachverhalt

    A.- L'art. 28bis de la constitution fribourgeoise du 7 mai 1857
(en abrégé: Cst. frib.) règle en ces termes la question du référendum
législatif et du référendum financier:

    "Toute loi ou décret de portée générale voté par le Grand Conseil
et n'ayant pas le caractère d'urgence doit être soumis au peuple si la
demande en est faite par 6000 citoyens.

    Toute loi ou décret entrainant une dépense extrabudgétaire de plus
de 500 000 francs doit être soumis à la votation populaire, à la demande
d'un quart des députés ou de 6000 citoyens.

    Toute loi ou décret entraînant une dépense extrabudgétaire de 3 000
000 de francs (trois millions) et plus doit être soumis à la votation
populaire."

    L'alinéa 1 a été accepté en votation populaire du 30 janvier 1921,
l'alinéa 2 en votation populaire du 14 mars 1948 et l'alinéa 3 en votation
populaire du 5 mars 1972; ce dernier texte est entré en vigueur le 1er
juillet 1972.

    B.- Par message du 31 octobre 1972, le Conseil d'Etat du canton
de Fribourg a soumis au Grand Conseil un projet de décret relatif à
l'aménagement du réseau routier cantonal, sollicitant un nouveau crédit
d'engagement de 41 700 000 francs pour les années 1973 et 1974. Ce montant
devait servir d'une part à la continuation de travaux décidés en vertu de
décrets antérieurs, d'autre part aux travaux nouveaux à entreprendre en
1973 et 1974. Le message contenait en annexes des données détaillées sur
l'utilisation du crédit, et relevait que les travaux indiqués au programme
ne seraient pas tous achevés au 31 décembre 1974 (cf. Bulletin officiel
des séances du Grand Conseil - en abrégé: BGC - 1972 p. 1802 ss.).

    Le Grand Conseil a discuté de ce projet de décret dans ses séances
des 24 et 28 novembre 1972. Le 24 novembre, il a décidé par 54 voix
contre 35 et 6 abstentions de ne pas soumettre le décret au référendum
financier obligatoire; il l'a fait après un débat nourri sur ce point
controversé, après avoir notamment pris connaissance des raisons pour
lesquelles le Conseil d'Etat estimait que le décret n'avait pas à être
soumis au référendum financier obligatoire, ainsi que des raisons qui
avaient amené la majorité de la Commission d'économie publique à soutenir
l'opinion contraire.

    Le 28 novembre 1972, le décret a été adopté dans son ensemble par
68 voix contre 2 et 28 abstentions. Il prévoit l'ouverture du crédit
de 41 700 000 francs auprès de la Trésorerie d'Etat, la réactivation
des dépenses au budget de l'Etat, ainsi que leur amortissement par des
annuités budgétaires de 2 000 000 de francs, par les contributions légales
des communes, les subventions de la Confédération et les contributions
éventuelles de tiers. L'art. 8 dispose: "Le Conseil d'Etat est chargé de
l'exécution du présent décret qui n'a pas de portée générale."

    C.- Le 4 décembre 1972, le Conseil d'Etat a ordonné la publication du
décret "par la voie de la Feuille officielle en vue de l'exercice du droit
de référendum financier facultatif". Le décret et l'arrêté du Conseil
d'Etat du 4 décembre ont été publiés dans la Feuille officielle du 16
décembre 1972, la fin du délai de référendum étant fixée au 5 janvier 1973.

    Aucune demande de référendum n'ayant été déposée dans le délai,
le Conseil d'Etat a promulgué le décret le 9 janvier 1973.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, Georges Gremaud
et consorts requièrent le Tribunal fédéral d'annuler le décret du Grand
Conseil du 28 novembre 1972, en tant qu'il n'a pas été soumis à la
votation populaire.

    Agissant par la même voie, Louis Dupraz et consorts requièrent le
Tribunal fédéral de déclarer le décret du 28 novembre 1972 "nul et même
non existant en tant que décret, ou tout au moins sans effet jusqu'à
l'accomplissement de la procédure de référendum obligatoire", et de
déclarer également nul l'arrêté du Conseil d'Etat du 4 décembre 1972. Ils
se plaignent de la violation des droits constitutionnels découlant pour
eux de l'art. 28bis al. 3 Cst. frib., au besoin de la violation de l'art.
4 Cst.

    Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat du canton de Fribourg,
représentés par le Procureur général, concluent au rejet des deux recours.

    E.- Par ordonnance du 21 mars 1973, le président de la Chambre de
droit public a rejeté la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants Dupraz et consorts.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) (Jonction des recours.)

    b) ...

    Saisi de recours relatifs au droit de vote des citoyens, le
Tribunal fédéral exerce un pouvoir de libre examen lorsqu'il s'agit de
l'interprétation de dispositions constitutionnelles et de dispositions
légales cantonales étroitement liées au droit de vote lui-même,
à son contenu et à son étendue; ce n'est qu'en cas de doute sur deux
interprétations possibles qu'il use de retenue et ne s'écarte pas de celle
donnée par la plus haute autorité du canton (RO 97 I 32 s. consid. 4a,
99 Ia 181 consid. 3).

Erwägung 2

    2.- a) ...

    b) L'art. 28bis Cst. frib. vise, dans ses al. 2 et 3, les dépenses
extrabudgétaires. Or selon la nouvelle présentation du budget et des
comptes de l'Etat, appliquée dès le budget de l'année 1972, il n'y a en
réalité plus de dépenses extrabudgétaires proprement dites, les anciens
crédits extraordinaires ou extrabudgétaires étant incorporés au budget
financier de l'Etat (cf. message du 22 octobre 1971 relatif au projet de
budget 1972, BGC 1971 p. 1230 ss.). Cependant, les termes de "dépenses
extrabudgétaires" ou "dépenses extraordinaires" figurent toujours dans la
loi financière du 15 novembre 1960, qui n'a pas été modifiée à la suite
de la nouvelle présentation du budget et des comptes. Or c'est au système
financier appliqué au moment de l'élaboration de l'art. 28bis al. 3
Cst. frib. qu'il faut se référer pour interpréter la notion de dépenses
extrabudgétaires utilisée par cette disposition constitutionnelle.

    En se fondant sur l'art. 21 de la loi financière de 1960, qui définit
les dépenses extrabudgétaires, on peut considérer comme telles les
dépenses qui ne peuvent être supportées par un seul exercice et doivent
être amorties par des annuités budgétaires. Tel est actuellement le cas
des crédits d'engagement réactivés au budget en vue de leur amortissement
par tranches, comme l'ont admis devant le Grand Conseil aussi bien le
gouvernement que la Commission d'économie publique (cf. message précité
du 22 octobre 1971, BGC 1971 p. 1230 ss.; cf. aussi BGC 1972 p. 2110 et
2114). Cette interprétation, qui semble avoir rencontré l'assentiment quasi
général au sein du Grand Conseil, a été admise - en tout cas implicitement
- par toutes les parties aux présents recours.

    Il n'est donc pas contesté que le décret du 28 novembre 1972 entraîne
des dépenses extrabudgétaires dépassant le montant de 3 millions prévu par
l'art. 28bis Cst. frib. en tant que montant déterminant pour l'ouverture
de la procédure du référendum obligatoire. En revanche, les opinions des
parties divergent sur le point de savoir si les dépenses à couvrir par le
crédit d'engagement voté le 28 novembre 1972 sont des dépenses nouvelles
ou des dépenses dites liées. C'est donc essentiellement ce point qu'il
s'agit d'examiner.

Erwägung 3

    3.- a) Dans diverses constitutions ou législations cantonales, il
est expressément prévu que le référendum financier ne peut s'exercer en
principe qu'à l'égard des dépenses nouvelles, ce qui exclut qu'il puisse
s'appliquer à des dépenses liées (cf. constitutions cantonales: ZH art. 30,
BE art. 6, LU art. 39bis, SZ art. 30, OW art. 71, NW art. 53, ZG art. 34,
BL art. 18, SH art. 42, AI art. 7, GR art. 2, TG art. 4). Mais le Tribunal
fédéral a admis que, même si la constitution ou la loi sont muettes sur ce
point, il y avait lieu de considérer que seules les dépenses nouvelles,
à l'exclusion des dépenses liées, doivent être soumises au référendum
financier, et il a considéré que cette limitation allait de soi (RO 98
Ia 297, 95 I 529). De par la nature de l'institution, le référendum
financier apparaît en effet exclu lorsque sont en cause des dépenses
que le canton est tenu d'effectuer en vertu d'une disposition du droit
fédéral ou du droit cantonal, ou encore lorsqu'il s'agit d'exécuter une
décision qui a déjà été approuvée, expressément ou tacitement, par le
peuple. En pareil cas, il n'y a pour le peuple aucune possibilité de
choix, la dépense devant être effectuée de toute façon pour l'un des
deux motifs susindiqués, et il est dès lors inutile de lui soumettre la
question par la procédure du référendum. En revanche, la dépense doit
être considérée comme nouvelle, d'une part lorsqu'il s'agit d'une tâche
sortant du champ d'activité antérieur de l'administration, mais aussi,
d'autre part, lorsqu'il s'agit d'une tâche certes prévue par la loi, mais
pour laquelle subsiste une possibilité de choix quant à l'importance et
au mode d'utilisation de la dépense à faire (RO 99 Ia 212).

    b) A Fribourg, la constitution cantonale ne dit pas expressément
que le référendum est limité aux dépenses nouvelles. Mais, en vertu du
principe qui vient d'être rappelé, on peut considérer que cette limitation
est sous-entendue. Rien ne permet d'admettre que le constituant ait voulu
obliger les autorités politiques du canton à soumettre au peuple un décret
comportant une dépense que le canton a l'obligation d'effectuer. Les
recourants ne contestent pas l'interprétation du texte constitutionnel
que donnent, dans ce sens, le Grand Conseil et le Conseil d'Etat. Mais
ils affirment, contrairement au point de vue des intimés, que la dépense
votée le 28 novembre 1972 est une dépense nouvelle et non une dépense liée.

    c) Pour étayer leur affirmation, les intimés se fondent essentiellement
sur deux dispositions de la loi sur les routes, du 15 décembre 1967, savoir
les art. 20 al. 1 et 73. Selon l'art. 20 al. 1, "les routes publiques
doivent être construites et aménagées d'une manière appropriée à leur
classification et conforme aux nécessités techniques et économiques du
trafic". Selon l'art. 73, "les routes publiques et leurs installations
techniques doivent, autant que possible, être entretenues et exploitées de
telle sorte qu'elles soient en bon état et propres à maintenir la sécurité
du trafic". La première de ces dispositions figure dans le chapitre de la
loi relatif à la construction et à l'aménagement des routes, la seconde
dans le chapitre relatif à l'entretien des routes. Les intimés citent
aussi accessoirement deux autres dispositions, dont l'une met à la charge
de l'Etat - avec participation des communes - les frais de construction,
de correction et de réfection des routes cantonales (art. 46) et l'autre
prévoit que les travaux d'entretien des routes cantonales sont en principe
exécutés par les services de l'Etat (art. 77). Les intimés déduisent de
ces dispositions légales que la réfection et l'entretien des routes sont
une tâche permanente de l'Etat et qu'il ne saurait s'y soustraire. "Selon
la conception actuelle de l'Etat cantonal, disent-ils, celui-ci est tenu
d'adapter son réseau routier au développement du trafic. On peut donc
dire que les travaux pour lesquels le décret attaqué ouvre les crédits
nécessaires ont été approuvés par l'acceptation tacite de la loi du 15
décembre 1967 sur les routes."

    Sans doute cette opinion est-elle exacte pour les travaux de
pur entretien, tels qu'ils sont exigés par l'art. 73 de la loi sur
les routes. Faute d'un entretien normal, tel qu'il est prévu par
cette disposition, ainsi que par les art. 74 (service d'hiver) et 75
(éclairage à l'intérieur des localités et aux endroits et tronçons de
routes particulièrement dangereux), le propriétaire de la route devrait
répondre, en cas d'accident, selon l'art. 58 CO (RO 98 II 42).

    Il convient donc d'admettre que les dépenses relatives à l'entretien
des routes doivent être considérées comme des dépenses liées, car elles
doivent nécessairement être effectuées par l'administration pour lui
permettre de remplir les obligations qui incombent légalement à l'Etat. En
cette matière, les possibilités de choix sont très limitées. Il n'en va,
ici, pas autrement que pour l'entretien des bâtiments, dont les frais
font normalement partie des dépenses courantes de l'Etat.

    En revanche, lorsque les travaux effectués vont au-delà du simple
entretien et concernent soit la construction de nouvelles routes, soit la
correction ou la réfection complète de routes existantes, le problème est
plus délicat. La disposition légale portant que les routes doivent être
construites et aménagées d'une manière appropriée à leur classification et
conforme aux nécessités techniques et économiques du trafic n'impose pas à
l'Etat la construction de routes déterminées et ne met pas à sa charge une
obligation telle qu'elle ne lui laisse pratiquement pas de possibilités
suffisantes de choix entre différentes solutions. Non seulement cette
disposition n'impose pas à l'Etat l'obligation de construire des routes
nouvelles, mais encore l'Etat n'est pas tenu de procéder à l'élargissement
de telle route, ni de fixer une largeur déterminée si l'élargissement en
est décidé; il n'est pas tenu de procéder à la correction de telle route
plutôt que de telle autre, et à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Il
se trouve en présence de toute une gamme de possibilités, et l'on ne
saurait soutenir qu'en adoptant tacitement la loi sur les routes, le
peuple fribourgeois ait par là même accepté d'avance le crédit ouvert
par le décret du 28 novembre 1972.

    d) Les intimés estiment qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce la
jurisprudence adoptée dans l'arrêt Couchepin du 9 juillet 1969 (RO 95 I
525 ss.). Dans cet arrêt relatif au canton du Valais, le Tribunal fédéral
a considéré les dépenses pour travaux routiers comme n'étant pas des
"dépenses extraordinaires" à soumettre au peuple au sens de l'art. 30
ch. 4 Cst. val., selon lequel est soumise à la votation du peuple
"toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense extraordinaire
de 200 000 francs, si cette dépense ne peut être couverte par les
recettes ordinaires du budget". Il s'est fondé à cet effet sur une
interprétation très extensive de la dépense liée, ou dépense ordinaire,
résultant d'une pratique constante suivie dans le canton du Valais,
où les dépenses relatives aux travaux routiers n'ont, à une exception
près, jamais été soumises au référendum, parce que, selon l'opinion des
autorités valaisannes déclarée compatible avec le texte constitutionnel,
ces dépenses ont été approuvées implicitement par le peuple, comme étant
faites en exécution de la loi sur les routes.

    Mais, comme l'a déjà relevé à maintes reprises le Tribunal fédéral,
il n'y a pas de réglementation fédérale du référendum financier; le
cas de chaque canton doit être examiné pour luimême, en fonction de son
droit propre, notamment de la constitution cantonale. Or la situation,
à Fribourg, n'est pas la même que dans le canton du Valais. Outre que le
texte constitutionnel est différent, il manque au droit fribourgeois la
"pratique constante et sans équivoque" qui a permis de donner à la notion
de "dépense extraordinaire" de la constitution valaisanne un sens plus
restreint que celui qui s'attache, selon la jurisprudence et la doctrine,
à l'expression de dépense nouvelle. Le président du Conseil d'Etat l'a
d'ailleurs reconnu devant le Grand Conseil, en séance du 24 novembre 1972
(BGC p. 2112).

    On peut même dire que la pratique du canton de Fribourg, dans le
domaine parallèle du référendum financier facultatif, est diamétralement
opposée à celle du Valais. Depuis l'introduction dans la constitution
fribourgeoise de l'art. 28bis al. 2 en 1948, le Conseil d'Etat a
constamment publié dans la Feuille officielle, en vue de l'exercice
du droit de référendum financier facultatif, les décrets successifs
votés par le Grand Conseil en faveur de l'aménagement du réseau routier
(cf. Bulletin des lois - BL - 1949 p. 94, 1951 p. 41, 1953 p. 70, 1956
p. 20, 1959 p. 95, 1963 p. 60, 1965 p. 200, 1967 p. 128, 1971 p. 227,
1972 p. 31 et 124), à l'exception d'un seul décret, celui du 20 mai 1969
(BL 1969 p. 61), qui a été promulgué immédiatement, sans qu'apparaisse
la raison de ce traitement spécial et sans que le Conseil d'Etat ait
fourni d'explications à ce sujet dans son message (BGC 1969 p. 327)
ou lors des débats parlementaires (ibid., p. 509 ss.).

    Bien plus, après l'adoption du décret du 28 novembre 1972, le Conseil
d'Etat l'a publié en vue de l'exercice du droit de référendum financier
facultatif. Les recourants Dupraz et consorts en tirent la conclusion que
le Conseil d'Etat avait admis que la dépense ainsi votée était nouvelle et
non liée, puisque, si elle avait été liée, elle n'aurait pas été soumise
au référendum financier facultatif.

    A vrai dire, l'attitude des autorités fribourgeoises paraît
contradictoire. Si la dépense est liée, l'exercice du référendum facultatif
ne se justifie pas plus que celui du référendum obligatoire. D'après
la jurisprudence, une dépense liée ne peut en principe faire l'objet
d'un référendum, puisqu'il s'agit, par définition, d'une dépense que
les pouvoirs publics sont tenus d'effectuer; mais alors le référendum
facultatif est exclu tout aussi bien que le référendum obligatoire. Lorsque
le pouvoir exécutif ouvre aux citoyens la faculté de faire usage
du référendum facultatif, il admet par là que la dépense à soumettre
éventuellement au vote du peuple pourra être refusée par lui et que par
conséquent elle n'est pas liée.

    On peut conclure que, selon la pratique constante suivie dans le
canton de Fribourg, les dépenses concernant les programmes de travaux
routiers ont pour ainsi dire toujours été considérées comme des dépenses
nouvelles, puisqu'elles ont été constamment soumises à la procédure du
référendum financier facultatif. Il n'y avait donc aucun motif juridique
de ne pas soumettre au référendum financier obligatoire, nouvellement
introduit dans la constitution fribourgeoise, le décret du 28 novembre
1972 portant sur une dépense de plus de 3 000 000 de francs.

    D'ailleurs, lors des débats parlementaires qui ont précédé l'adoption
du référendum financier obligatoire par le peuple, aussi bien les
adversaires de cette institution que ses partisans ont considéré
comme allant de soi que les travaux routiers tomberaient sous le coup
du référendum obligatoire, en cas d'adoption du projet des initiants
(cf. BGC 1970 p. 20, 140, 143). Aucun des députés qui sont intervenus
dans le débat n'a émis un doute quelconque à ce sujet.

Erwägung 4

    4.- A titre subsidiaire, les intimés relèvent que, même si l'on
admettait que le décret doit faire l'objet d'un référendum, il ne
serait pas justifié de soumettre au vote populaire tout le crédit de
41 700 000 fr., car une grande partie des travaux à financer ne sont
que la continuation des travaux en cours entrepris en vertu de décrets
qui n'ont pas été attaqués. Ils estiment également que les subventions à
recevoir, ainsi que les contributions des communes, doivent être déduites
du crédit total.

    a) Il ressort du message accompagnant le projet de décret litigieux
que c'est un montant d'environ 10 000 000 de francs qui sera consacré à la
continuation des travaux décidés en vertu de décrets antérieurs. Mais le
Conseil d'Etat a également déclaré, dans le même message, que "les travaux
indiqués au programme ne seront pas tous achevés au 31 décembre 1974. Ils
ne seront donc pas payés entièrement sur la base du crédit d'engagement
demandé, et le financement devra donc en être assuré en partie par le
prochain crédit" (BGC 1972, p. 1804); il n'a cependant pas indiqué quel
montant du crédit ultérieur sera nécessaire à l'achèvement des travaux
à entreprendre en 1973 et 1974 sur la base du décret litigieux. De tels
chevauchements d'un programme de travaux à l'autre sont, semble-t-il,
inévitables et l'on peut penser qu'ils se compensent, dans l'ensemble,
de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire de chaque nouveau crédit
voté le montant destiné à la poursuite des travaux entrepris au cours
du précédent programme. Procéder à une telle déduction reviendrait à
soustraire chaque fois au vote du peuple une certaine tranche de travaux
et de crédits. Ainsi, en l'espèce, si le peuple a admis tacitement les
précédents crédits en 1971 et 1972, cette approbation tacite n'a porté
que sur les montants prévus dans les décrets y relatifs, et non sur le
montant supplémentaire de 10 000 000 de francs environ que nécessite
leur continuation ou leur achèvement; il est donc normal que ce montant
ne soit pas déduit du crédit de 41 700 000 fr. voté le 28 novembre 1972.

    b) En revanche, les intimés soutiennent à juste titre qu'il
conviendrait de déduire du montant total du crédit d'engagement les
subventions de la Confédération et les contributions des communes. En
effet, seule la dépense nette qui demeurera à la charge de l'Etat doit
être approuvée par le peuple. Ce point n'a d'ailleurs pas été contesté.

    c) Comme on l'a déjà relevé plus haut (consid. 3 c), les dépenses
d'entretien proprement dites peuvent être considérées comme des dépenses
liées et n'ont pas à être soumises au référendum. Dans la mesure où
de telles dépenses seraient comprises dans le crédit total voté le 28
novembre 1972 - ce que les intimés n'ont cependant pas prétendu - elles
pourraient en être déduites pour la détermination du montant à soumettre
au référendum.

    d) Quoi qu'il en soit, même si l'on déduit du crédit total les
participations de tiers et d'éventuels montants destinés à des travaux
d'entretien proprement dits, on n'arrive pas à un montant inférieur à
celui de 3 000 000 de francs à partir duquel une dépense extrabudgétaire
doit être soumise au référendum financier obligatoire. En effet, selon le
rapport du Conseil d'Etat sur le plan financier de l'Etat pour 1972-1976,
les participations à recevoir pour les routes cantonales représentent
en moyenne environ un tiers de la dépense totale (BGC 1972, p. 1865 et
1862). Quant aux éventuels travaux d'entretien, dont les intimés n'ont
pas parlé, il ne pourrait s'agir que de montants relativement modestes.

Erwägung 5

    5.- Les intimés ont fait observer que le décret attaqué vise une
série de travaux dont aucun n'est devisé à 3 000 000 de francs. Soumettre
les crédits au peuple équivaudrait, disent-ils, à lui soumettre la
planification et la coordination routières; le crédit total dépasse le
montant de 3 000 000 de francs uniquement en raison de la coordination
(plusieurs projets dans le même décret) et de la planification (années
1973 et 1974).

    Bien que les intimés ne présentent cet argument qu'à titre accessoire,
sans vouloir, semble-t-il, en tirer des conséquences juridiques, il
convient de l'examiner brièvement.

    Aux termes de l'art. 28bis al. 3 Cst. frib., c'est l'importance
du crédit alloué qui détermine si le décret doit être soumis ou non au
référendum financier obligatoire. Cette disposition n'impose pas plus
aux autorités de joindre en un seul décret tous les crédits routiers que
de prévoir un décret séparé pour chaque tronçon de route différent. Les
autorités doivent cependant respecter les règles découlant du principe
de l'unité de la matière, qui s'imposent en vertu du droit fédéral (RO
99 Ia 183, 90 I 74). Elles ne sauraient joindre en une seule décision
susceptible de référendum des objets très différents, en vue par exemple
de faciliter l'acceptation d'un objet passablement controversé; mais
elles ne sauraient non plus scinder artificiellement un objet qui forme
un tout, simplement pour faire apparaître des décisions portant chacune
sur une dépense inférieure au montant déterminant pour l'ouverture de la
procédure du référendum financier.

    En l'espèce, il n'est pas douteux que les autorités fribourgeoises
pouvaient joindre en un seul décret les dépenses relatives aux travaux
routiers, qui sont toutes de même nature. Quant à savoir si elles
pouvaient scinder de telles dépenses et prévoir des décrets séparés pour
chaque groupe de travaux, la question est plus délicate. En effet, si un
tel mode de procéder est en principe possible, on ne saurait cependant
ignorer que la pratique fribourgeoise a toujours été, jusqu'ici, de
regrouper en un seul décret les montants nécessaires à la réalisation des
travaux prévus dans un programme routier cantonal; présenter dorénavant des
décrets séparés pourrait faire naître chez l'électeur l'impression que les
autorités n'entendent pas tirer toutes les conséquences de l'adoption de
l'art. 28bis al. 3 Cst. frib. par le peuple. De toute façon, la question ne
pourrait être résolue qu'en fonction d'un cas concret. Comme les autorités
fribourgeoises ont adopté la solution du crédit unique, il n'y a pas lieu
de trancher ici la question, d'autant que les intimés ne l'ont mentionnée
qu'en passant.

Erwägung 6

    6.- Il découle des considérations qui précèdent que le décret du 28
novembre 1972 aurait dû être soumis au référendum financier obligatoire.
Certes, on a vu que le décret luimême ne se prononce pas sur ce point. Son
art. 8 dispose simplement que "le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution
du présent décret qui n'a pas de portée générale". Or, qu'un décret soit ou
non de portée générale ne joue pas de rôle quant au référendum financier.
Cependant, le Grand Conseil s'est exprimé par un vote sur ce point et
a rejeté une proposition tendant à soumettre le décret au référendum
financier obligatoire. S'il n'y a pas lieu d'annuler le décret comme tel,
il convient de l'annuler en tant qu'il n'a pas été soumis au référendum
obligatoire (RO 99 Ia 197/8).

Erwägung 7

    7.- ...

    La décision qui est prise à l'égard du décret du 28 novembre
1972 entraîne nécessairement l'annulation pure et simple de l'arrêté
du Conseil d'Etat, qui, en publiant le décret en vue de l'exercice du
droit de référendum financier facultatif, a exclu par là le référendum
financier obligatoire.

Erwägung 8

    8.- ...

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet les recours et annule:

    a) le décret du Grand Conseil du canton de Fribourg du 28 novembre
1972 en tant qu'il n'a pas été soumis au référendum financier obligatoire,

    b) l'arrêté du Conseil d'Etat du 4 décembre 1972.