Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 100 IA 109



100 Ia 109

18. Arrêt du 22 avril 1974 dans la cause Benz contre Bureau de l'assistance
judiciaire du canton de Vaud. Regeste

    Art. 4 BV und 312 Abs. 1 ZGB, unentgeltliche Rechtspflege für
Vaterschaftsprozess.

    Der erste Wohnsitz eines ausserehelichen Kindes liegt nicht in der
Schweiz, wenn zur Zeit seiner Geburt die Mutter in der Schweizweder
Wohnsitz noch Aufenthalt hatte und wenn Mutter und Kind abgesehen vom
Bürgerrecht keine Beziehung zu einem bestimmten Orte in der Schweiz haben;
unerheblich ist, dass nach der Geburt von der Vormundschaftsbehörde des
schweizerischen Heimatortes von Mutter und Kind ein Beistand ernannt
worden ist (Erw. 7 d und e).

    Verweigerung der unentgeltlichen Rechtspflege in Anbetracht des
Risikos, dass eine vor einem örtlich unzuständigen Richter angebrachte
Vaterschaftsklage unzulässig ist, obschon die Unzuständigkeit nicht von
Amtes wegen berücksichtigt wird (Erw. 7 f).

Sachverhalt

    A.- Yvette Benz, originaire de Bienne et Lausanne, née le 19 mars
1942, a mis au monde le 18 septembre 1970 au New York Hospital à New York
une fille prénommée Khalima Agar. La mère était alors domiciliée à New
York. Le 19 septembre 1970, Amar Dahmouche, de nationalité algérienne,
né ie 22 avril 1934, célibataire, fonctionnaire du Gouvernement algérien,
a signé à New York par devant Irving Gold, notaire public de l'Etat de New
York, un acte intitulé "Consent" (consentement, acquiescement), dans lequel
il déclare qu'il est le père de l'enfant née le 18 septembre 1970 au New
York Hospital de Benz Yvette, et qu'il consent à ce que l'enfant porte son
nom et à ce que son nom soit inscrit sur l'acte de naissance comme étant
celui du père de l'enfant. Ce "Consent" contient une attestation signée
également le 19 septembre 1970 par le notaire Irving Gold, aux termes de
laquelle "Amar Dahmouche, dûment assermenté, dépose et dit qu'il est la
personne qui a signé cette déclaration; qu'il a lu ladite déclaration et
en connaît le contenu; que ladite déclaration est conforme à la vérité, à
l'exception des points mentionnés ici comme étant des suppositions basées
sur une information ou croyance qu'il considérait comme étant véridiques"
(traduction).

    Le 4 mars 1971, la Justice de paix du cercle de Lausanne, autorité
tutélaire, a désigné l'avocat Claude Pache, à Lausanne, comme curateur
de l'enfant Khalima Agar Benz et l'a autorisé à ouvrir action en paternité.

    Par lettre du 18 mars 1971, le Consulat général de Suisse à New
York a communiqué au curateur que dame Benz et son enfant Khalima Agar
avaient quitté les Etats-Unis d'Amérique pour se rendre à Alger, où
elles résidaient chez Amar Dahmouche et que, selon l'acte de naissance,
celui-ci était le père de l'enfant. Le 27 avril 1971, l'Ambassade de
Suisse en République algérienne a informé le curateur que "selon Mlle
Benz, le père de l'enfant, chez qui elle habite en ce moment, n'aurait
pas l'intention de la reconnaître et un mariage ne serait pas prévu". Aux
termes d'une lettre du 9 août 1971 de l'Ambassade au curateur, dame Benz
avait déclaré "que la reconnaissance de son enfant par M. Dahmouche était
due au fait qu'il y était contraint par la loi des Etats-Unis mais qu'il
n'aurait pas l'intention de le faire officiellement à Alger, comme cela
a été demandé par l'inspecteur cantonal de l'état civil à Lausanne".

    Le 16 août 1971, le Département de la justice, de la police et des
affaires militaires du canton de Vaud, Etat civil cantonal, a écrit au
curateur que l'enfant avait été inscrite dans les registres des familles de
Lausanne et Bienne comme illégitime de sa mère; la reconnaissance souscrite
par Dahmouche à New York ne pouvait en effet être considérée comme une
reconnaissance avec effets d'état civil qu'au moment où il serait prouvé
que les autorités algériennes l'admettent comme telle; le Consul de la
République algérienne à Genève avait été invité par lettre du 12 août
1971 à dire si l'Algérie reconnaissait la validité de la reconnaissance
intervenue et, sinon, quelles conditions devraient encore être remplies
pour aboutir à ce résultat.

    B.- Le 7 juin 1971, Khalima Agar Benz, agissant par son curateur,
a demandé l'assistance judiciaire pour le procès en paternité (action
pécuniaire) qu'elle entendait ouvrir contre Dahmouche.

    Le Bureau de l'assistance judiciaire du canton de Vaud a rejeté
cette requête par décision du 3 septembre 1971 en considérant que "le
procès ne serait pas engagé par une personne raisonnable plaidant à ses
propres frais". Il relève que si la reconnaissance du 19 septembre 1970 est
admise par les autorités algériennes, "le procès est de toute manière sans
objet"; que sinon, "on ne voit pas en quoi un jugement suisse condamnant
M. Dahmouche à verser des aliments améliorera le dossier de l'enfant Benz
lorsque son tuteur tentera d'exercer une pression morale sur les autorités
algériennes pour les amener à engager officieusement leur employé Dahmouche
à payer volontairement des prestations alimentaires".

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Khalima Agar
Benz requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du 3 septembre
1971. Elle invoque une violation de l'art. 4 Cst.

    La recourante requiert l'assistance judiciaire au sens de l'art. 152
al. 1 et 2 OJ.

    Le Bureau intimé propose le rejet du recours.

    D.- Khalima Agar Benz a ouvert action en paternité contre Amar
Dahmouche par requête de conciliation du 7 septembre 1971. Elle a conclu
au paiement de pensions mensuelles de 200 fr. dès sa naissance et jusqu'à
l'âge de 6 ans révolus, de 250 fr. depuis lors et jusqu'à 12 ans révolus,
puis de 300 fr. jusqu'à 18 ans révolus, ces pensions étant payables en
plus des allocations familiales. Le Juge de paix du cercle de Lausanne a
décidé de ne pas citer les parties en audience de conciliation avant de
connaître le sort du recours de droit public.

    E.- Par lettre du 28 septembre 1971, le Consul d'Algérie à Genève
a informé le Département vaudois de la justice, de la police et des
affaires militaires que la question posée le 12 août 1971 - la République
algérienne admet-elle la validité de la reconnaissance par Dahmouche de
l'enfant d'Yvette Benz? - "recueille une suite positive"; en effet, la
reconnaissance d'un enfant né hors mariage est valable en droit algérien;
une Fetwa (interprétation juridique ayant force de loi) admet expressément
la reconnaissance avec effets d'état civil des enfants nés hors mariage
par leur père algérien, et le Code algérien de la famille qui doit être
promulgué incessamment va dans le même sens.

    A la suite de cette lettre, l'officier de l'état civil de Lausanne a
inscrit dans le registre des familles, sur la fiche concernant Yvette Benz,
l'"enfant naturelle Khalima Agar Dahmouche, reconnue par acte notarié à
New York (USA) le 19 septembre 1970 par Dahmouche Amar, de nationalité
algérienne". L'inscription précise que "l'enfant conserve la nationalité
suisse (art. 8 ch. 1 LN)".

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le Bureau de l'assistance judiciaire du canton de Vaud statue
comme autorité unique sur les demandes d'assistance judiciaire. Le présent
recours est ainsi recevable du point de vue de l'épuisement des moyens de
droit cantonal (arrêts non publiés Messori, du 1er juin 1965, consid. 1,
et Pelet et Flocard, du 10 septembre 1965, consid. 1).

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 4 Cst. confère un droit à l'assistance judiciaire à la
partie qui est dans le besoin et se trouve impliquée dans un procès où ses
conclusions ne sont pas dépourvues de chances de succès; il lui permet, à
ces conditions, d'être dispensée de l'avance des frais ou de la fourniture
de sûretés pour les frais et dépens et, si la défense de ses intérêts
l'exige, d'obtenir la désignation d'un avocat d'office (RO 98 I a 341 s. et
les arrêts cités). Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les
perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de
le perdre et qu'elles ne peuvent guère être considérées comme sérieuses,
de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à
s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter
(RO 69 I 160 consid. 2; arrêts précités Messori, consid. 3, et Pelet et
Flocard, consid 2). Mais si les perspectives de gagner et les risques de
perdre sont à peu près équivalents, ou même si celles-là paraissent un
peu plus faibles que ceux-ci, le procès ne peut pas être considéré comme
dépourvu de chances de succès (RO 98 I a 342 et les arrêts cités). Le
Tribunal fédéral examine librement cette question (ibidem).

    b) Saisi d'un recours de droit public pour violation de l'art. 4
Cst., le Tribunal fédéral ne prend pas en considération des allégations,
preuves ou faits nouveaux, qui sont irrecevables (RO 97 I 308 consid. 4 b,
491 consid. 3); en particulier, il ne peut pas tenir compte de faits qui
se sont produits après la décision attaquée (RO 82 I 250). Le mérite du
présent recours doit dès lors être examiné sur la base de l'état de fait
existant au moment où le Bureau intimé a rendu sa décision.

Erwägung 3

    3.- Lorsqu'une Suissesse ayant son domicile à l'étranger y met au
monde un enfant illégitime, l'autorité tutélaire du canton d'origine est
compétente en vertu de l'art. 30 LRDC pour désigner un curateur à l'enfant
selon l'art. 311 CC; elle peut y renoncer si l'autorité du domicile à
l'étranger a pris d'elle-même les mesures nécessaires (HEGNAUER, n. 41
ad art. 311 CC et les références; cf. en particulier RO 86 II 327 ss.,
87 II 133 ss.); peu importe que l'enfant ait, en plus de la nationalité
suisse, une nationalité étrangère (cf. RO 86 II 329). En l'espèce, il
ne ressort pas du dossier que l'autorité de l'Etat de New York, où dame
Benz était domiciliée et où elle a accouché de sa fille Khalima Agar,
ni l'autorité algérienne, après que la mère et l'enfant eurent quitté New
York pour s'établir à Alger, aient pris des mesures tutélaires en faveur de
l'enfant. L'autorité tutélaire de Lausanne a dès lors désigné régulièrement
un curateur à la recourante, qui est originaire de cette commune.

    Les tribunaux n'ont d'ailleurs pas à examiner si l'autorité tutélaire
qui a procédé à la désignation du curateur à l'enfant illégitime était
compétente ratione loci; ils sont liés par cette décision, qui ne peut
être rapportée que par les autorités de tutelle (RO 94 II 230).

Erwägung 4

    4.- La décision attaquée ne dit rien au sujet de l'indigence de la
recourante. S'agissant d'une enfant qui n'a manifestement pas de ressources
propres, le Bureau intimé a admis implicitement l'état d'indigence.

Erwägung 5

    5.- La République algérienne démocratique et populaire n'a pas adhéré
à la Convention sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers
les enfants, conclue à La Haye le 24 octobre 1956, ni à la Convention
concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
d'obligations alimentaires envers les enfants, conclue à La Haye le
15 avril 1958, conventions auxquelles la Suisse est partie et qui sont
entrées en vigueur, pour elle, le 17 janvier 1965 (ROLF 1964 p. 1287,
1290). Si l'action en paternité tendante à des prestations pécuniaires en
faveur de la recourante peut être intentée à un for en Suisse, elle est
soumise au droit suisse, quand bien même le défendeur, Amar Dahmouche,
est un étranger domicilié à l'étranger (RO 82 II 573 ss. consid. 3,
84 II 605 ss. consid. 3 et 4).

Erwägung 6

    6.- a) L'autorité cantonale n'a pas examiné si l'action en paternité
que le curateur entendait introduire au nom de la recourante à Lausanne
pouvait être portée à ce for. Elle considère d'abord que le procès serait
sans objet si la reconnaissance signée par Amar Dahmouche se révélait
valable. Cette question n'a toutefois été résolue que par la lettre du
28 septembre 1971 du Consul d'Algérie à Genève. La validité selon le
droit algérien de la reconnaissance était encore douteuse aussi bien
le 3 septembre 1971, date de la décision attaquée, que le 18 septembre
1971, date à laquelle expirait le délai de péremption de l'action selon
l'art. 308 CC. A cette époque, le procès n'était ni sans objet ni dépourvu
de chances de succès, pour autant qu'un tribunal suisse fût compétent
ratione loci pour en connaître. La recourante devait donc être mise en
mesure de l'introduire en temps utile, et obtenir à cet effet le bénéfice
de l'assistance judiciaire.

    b) L'autorité cantonale considère d'autre part que, si les autorités
algériennes n'admettaient pas la validité de la reconnaissance signée
par Amar Dahmouche, un jugement suisse condamnant celui-ci à verser des
aliments n'améliorerait pas la situation de l'enfant, lorsque son tuteur
tenterait d'amener ces autorités à engager officieusement le père à payer
la pension fixée par le juge suisse, le droit algérien ne connaissant
d'ailleurs pas la "petite action en paternité". Cet argument à l'appui
du rejet de la demande d'assistance judiciaire n'est pas fondé. Le juge
suisse compétent, d'après le droit suisse, pour statuer sur une action en
paternité tendante à des prestations pécuniaires en faveur de l'enfant
ouverte contre un étranger domicilié à l'étranger n'a pas à examiner si
le jugement sera ou non susceptible d'exécution à l'étranger (RO 92 II
87 consid. 4 d). L'assistance judiciaire ne peut dès lors être refusée
par le motif que le jugement ne pourrait pas être exécuté à l'étranger.

Erwägung 7

    7.- La recourante ne saurait prétendre à l'assistance judiciaire,
si l'action en paternité pour laquelle elle l'a requise n'était pas
susceptible d'être portée à un for en Suisse.

    a) Il n'existe aucune convention, ni multilatérale ni bilatérale,
liant la Suisse et la République algérienne au sujet de la compétence
judiciaire, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions
judiciaires, en particulier dans le domaine des obligations alimentaires
envers les enfants. C'est dès lors le droit suisse qui est applicable
pour déterminer si, en l'espèce, la recourante peut intenter contre Amar
Dahmouche devant un juge suisse une action en paternité visant au paiement
d'aliments (cf. RO 94 II 223 s. consid. 2, 3).

    b) Le for prévu par l'art. 313 CC n'entre pas en ligne de compte,
puisque Amar Dahmouche est de nationalité algérienne.

    c) Aux termes de l'art. 312 al. 1 CC, l'action en paternité est portée
devant le juge du domicile que la partie demanderesse avait en Suisse au
temps de la naissance, ou devant le juge du domicile du défendeur au temps
de la demande. Lorsque les conditions de l'un et l'autre de ces deux fors
sont réalisées, la partie demanderesse peut choisir librement l'un d'eux
(HEGNAUER, n. 23 ad art. 312/313 CC).

    Amar Dahmouche n'est pas domicilié en Suisse; il ne l'était pas
lorsque la recourante a sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire,
ni lorsque l'autorité vaudoise a rejeté cette requête par décision du 3
septembre 1971, ni non plus lorsque l'action en paternité a été ouverte,
le 7 septembre 1971. Dès lors, le for du domicile du défendeur au temps
de la demande ne se trouve pas en Suisse.

    d) Quant au for du domicile que la partie demanderesse avait en Suisse
au temps de la naissance, c'est d'après le droit suisse qu'il faut examiner
si les conditions en sont remplies (RO 85 II 320 consid. 1, 89 II 114,
94 II 224 consid. 3 in fine).

    Le droit suisse considère comme domicile des enfants mineurs celui de
leurs père et mère, dans la mesure où ils sont investis de la puissance
paternelle (art. 25 al. 1 CC). Cette règle n'est donc applicable à l'enfant
illégitime que dès le moment où il a été placé sous la puissance paternelle
de sa mère ou de son père en vertu d'une décision de l'autorité tutélaire
(art. 324 al. 3 et 325 al. 3 CC). Une telle décision n'a pas été prise
à l'égard de la recourante. La puissance paternelle ne peut d'ailleurs
être conférée à la mère ou au père que lorsqu'un jugement a été rendu
dans l'action en paternité, qu'une convention alimentaire a été conclue
avec le père, que celui-ci a reconnu l'enfant ou encore que le délai
pour ouvrir action est expiré (HEGNAUER, n. 191 ad art. 324-327 CC). La
décision de l'autorité tutélaire d'attribuer la puissance paternelle à
la mère ou au père est ainsi postérieure à la naissance de l'enfant, en
sorte qu'elle ne peut pas avoir d'incidence sur le domicile de l'enfant
au temps de la naissance.

    Dans l'arrêt Salcher c. Weisseisen du 8 novembre 1968 (RO 94 II 220
ss.), le Tribunal fédéral a jugé que le premier domicile de l'enfant
illégitime est au siège de l'autorité tutélaire qui lui a désigné un
curateur en vertu de l'art. 311 CC (RO 94 II 227 consid. 5). Mais dans
l'arrêt Bilger c. Gaulis, du 8 novembre 1973 (RO 99 II 364 consid. 4), la
IIe Cour civile a précisé comme il suit le sens et la portée du principe
énoncé dans son arrêt Salcher c. Weisseisen, consid. 5: En fixant le
premier domicile de l'enfant illégitime au siège de l'autorité tutélaire
qui lui a nommé un curateur, le Tribunal fédéral n'a pas entendu édicter
une règle générale destinée à affaiblir la portée de la notion de séjour
effectif dans la détermination du domicile de l'enfant illégitime, et
encore moins créer un domicile fictif pour y établir un for; en principe,
en effet, lorsque la mère est domiciliée en Suisse, l'autorité tutélaire
compétente pour désigner un curateur à l'enfant naturel est celle du
domicile de la mère au moment de la naissance, le domicile de l'enfant
correspondant alors à celui de la mère; si les circonstances de l'affaire
Salcher c. Weisseisen justifiaient que l'on reconnût à l'enfant un domicile
séparé de celui de sa mère, il n'en va pas de même lorsqu'au moment de la
naissance, ni la mère ni l'enfant ne résidaient en Suisse, que la mère n'y
avait pas non plus son domicile à cette époque et que, à part l'origine,
la mère et l'enfant n'ont aucun lien avec un lieu déterminé en Suisse;
dans ces conditions, la désignation, après la naissance, d'un curateur
par l'autorité tutélaire du lieu d'origine en Suisse de la mère et de
l'enfant ne saurait faire présumer que l'enfant était domicilié en Suisse
à sa naissance; le for du domicile en Suisse de la partie demanderesse au
temps de la naissance n'est dès lors pas donné pour l'action en paternité
compétant à l'enfant.

    e) Au moment de la naissance de son enfant Khalima Agar, dame
Benz était domiciliée à New York. C'est dans un hôpital de cette ville
qu'elle a accouché. Elle a conservé son domicile à New York jusque dans
les premiers mois de 1971. Sa fille était auprès d'elle. Vers mars 1971,
dame Benz et son enfant ont quitté New York pour habiter à Alger chez Amar
Dahmouche. Dame Benz a pris alors domicile à Alger, où sa fille résidait
avec elle. Ainsi, au temps de la naissance et lors de la désignation
d'un curateur par la Justice de paix de Lausanne, ni la mère ni l'enfant
ne résidaient en Suisse, et la mère n'avait pas non plus son domicile en
Suisse; à part l'origine, la mère et l'enfant n'avaient aucun lien avec un
lieu déterminé en Suisse. Selon la jurisprudence de l'arrêt précité Bigler
c. Gaulis, le domicile de la recourante au temps de la naissance ne se
trouvait pas en Suisse au siège de l'autorité tutélaire qui lui a désigné
un curateur quelque cinq mois et demi plus tard, mais à l'étranger. Le juge
du siège de cette autorité n'est dès lors pas compétent selon l'art. 312
al. 1 CC pour connaître de l'action en paternité contre Amar Dahmouche,
visant au paiement d'aliments à la recourante.

    f) Il n'y a ainsi aucun for en Suisse, selon les art. 312 al. 1 et
313 CC, auquel la recourante pourrait intenter contre Amar Dahmouche une
action en paternité tendante au versement d'une pension alimentaire. Il
est vrai que les règles de for relatives à une telle action ne sont pas
impératives de par le droit fédéral, puisque les parties peuvent disposer
des droits qui leur compètent (HEGNAUER, n. 8 ad art. 312/313 CC). En
procédure civile vaudoise, le déclinatoire n'est prononcé d'office,
s'agissant de fors du droit fédéral, que si les dispositions qui les
régissent sont impératives (art. 57 ch. 2 CPC vaud.; POUDRET ET WURZBURGER,
Code de procédure civile vaudois, ad art. 57 ch. 2). Si Amar Dahmouche ne
contestait pas la compétence ratione loci du juge de Lausanne et n'opposait
pas le déclinatoire avant toute défense au fond et préalablement à toute
exception de procédure (art. 58 CPC vaud.), ce juge serait compétent
pour statuer sur l'action en paternité de la recourante (cf. CHRISTIAN
FISCHER, Les conventions de prorogation de for inter- et intracantonales
en droit fédéral et en procédure civile vaudoise, thèse Lausanne 1969,
p. 35; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, p. 86 litt. e). Mais
la perspective de la contestation de la compétence du juge de Lausanne par
Amar Dahmouche et d'un jugement d'éconduction d'instance de la demanderesse
(art. 61 al. 3 CPC vaud.), frais et dépens à sa charge (art. 92 CPC
vaud.), l'emporte largement sur celle d'une acceptation du litige par le
défendeur devant ce juge, qui deviendrait alors compétent. Les risques
d'une irrecevabilité de l'action pour cause d'incompétence ratione loci,
avec condamnation aux frais et dépens, sont considérablement plus grands
que les chances de voir le défendeur ne pas opposer le déclinatoire,
le juge admettre dès lors sa compétence et, au fond, accueillir la demande.

    Vu l'incompétence ratione loci du juge de Lausanne, une personne
raisonnable et de condition aisée, plaidant à ses propres frais,
renoncerait, en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter,
à intenter devant ce juge l'action en paternité que le curateur de la
recourante entendait introduire contre Amar Dahmouche. En rejetant la
demande d'assistance judiciaire, l'autorité vaudoise n'a dès lors pas
violé le droit à cette assistance qui découle de l'art. 4 Cst.

Erwägung 8

    8.- L'autorité tutélaire a désigné comme curateur de la recourante un
avocat pratiquant, qui possède les connaissances juridiques nécessaires
pour accomplir lui-même les actes liés à la défense des intérêts de
l'enfant dans la procédure de recours de droit public au Tribunal
fédéral. Il n'y a donc pas lieu à désignation d'un avocat d'office. La
rémunération de l'avocat Pache pour le recours de droit public qu'il a
formé au nom de l'enfant dont il est curateur rentre dans les frais de
la curatelle (cf. RO 89 I 5; arrêt destiné à la publication Schelbert
c. Obergericht Uri, consid. 2 b p. 6).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.